{"id":158049,"date":"2022-09-16T16:21:15","date_gmt":"2022-09-16T14:21:15","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=158049"},"modified":"2022-09-18T09:15:16","modified_gmt":"2022-09-18T07:15:16","slug":"techno-politique-du-cyberespace","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/09\/16\/techno-politique-du-cyberespace\/","title":{"rendered":"Techno-politique du cyberespace"},"content":{"rendered":"\n

Le cyberespace red\u00e9finit progressivement mais s\u00fbrement les jeux de pouvoir et de puissance. Il est une cinqui\u00e8me dimension, \u00e0 la fois artificielle et hybride, de la g\u00e9opolitique. Comment le cyberespace modifie-t-il les attributs de puissance d\u2019un \u00c9tat  ? Que signifie \u00eatre \u00ab souverain \u00bb dans un espace interconnect\u00e9 et interd\u00e9pendant ? La technologie \u00e9tant porteuse par essence d\u2019une vision du monde et de valeurs, la question de la ma\u00eetrise des rapports de force dans le cyberespace soul\u00e8ve d\u00e8s lors des probl\u00e9matiques \u00e0 la fois politiques, techniques et \u00e9conomiques in\u00e9dites. En bref, pour reprendre les mots de Jean-Yves Le Drian, sommes-nous confront\u00e9s \u00e0 un \u00ab changement d\u2019\u00e9chelle \u00bb ou \u00ab de nature \u00bb <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span> des conflits du XXI\u00e8me si\u00e8cle ?<\/p>\n\n\n\n

Dans cet interr\u00e8gne<\/a>, face \u00e0 une mise en crise perp\u00e9tuelle du monde, prenant en partie forme dans le cyberespace, il est crucial d\u2019appr\u00e9hender collectivement ces nouvelles formes de conqu\u00eate de pouvoir, de comp\u00e9tition entre \u00c9tats et de conflits afin d\u2019en saisir les enjeux politiques et g\u00e9opolitiques sous-jacents.<\/p>\n\n\n\n

La cinqui\u00e8me dimension : le cyberespace<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Dans notre imaginaire collectif, le cyberespace est souvent repr\u00e9sent\u00e9 comme un espace immat\u00e9riel sans corps ni fronti\u00e8res<\/a>, un nuage flottant et englobant, un espace fantasmatique et total faisant immanquablement \u00e9cho au concept de noosph\u00e8re <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span> de Pierre Teilhard de Chardin <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>. S\u2019il est vrai qu\u2019il s\u2019agit bien d\u2019un espace multidimensionnel dont une partie ne peut \u00eatre saisie que par un effort certain d\u2019abstraction, il n\u2019en reste pas moins que la r\u00e9alit\u00e9 du cyberespace est aussi tr\u00e8s tangible, mat\u00e9rielle, construite sur des socles d\u2019infrastructures bien physiques. <\/p>\n\n\n\n

Pour tenter d\u2019en appr\u00e9hender la structure globale, et dans un souci de vulgarisation, nous consid\u00e9rerons dans cet article que le cyberespace est compos\u00e9 de trois grandes couches <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span> successives et interd\u00e9pendantes : une couche mat\u00e9rielle qui recouvre le socle technologique et les infrastructures mat\u00e9rielles d\u2019appui (c\u00e2bles sous-marins et terrestres, satellites basse orbite, serveurs, data centers<\/em>, terminaux, etc.), une couche logique et logicielle qui comprend les syst\u00e8mes d\u2019information, programmes, langages, protocoles permettant d\u2019assurer la transmission des donn\u00e9es entre deux points du r\u00e9seau \u2014 concr\u00e8tement, l\u2019architecture logicielle (software<\/em>) repose sur la construction d\u2019un langage commun permettant aux terminaux et logiciels de communiquer entre eux via le protocole Internet (TCP\/IP) \u2014 et une troisi\u00e8me couche cognitive ou s\u00e9mantique qui d\u00e9rive quant \u00e0 elle de la couche logicielle et correspond \u00e0 la partie directement visible par les utilisateurs, \u00e0 savoir l\u2019ensemble des interfaces qui consolident l\u2019ensemble des donn\u00e9es, personnelles, militaires ou industrielles produites par les multiples usages num\u00e9riques et concentre les informations qui circulent dans le cyberespace (contenus, \u00e9changes et discussions en temps r\u00e9el, usages et comportements provenant d\u2019identit\u00e9s num\u00e9riques uniques ou multiples\u2026). En somme, le cyberespace correspond \u00e0 la fois \u00e0 des infrastructures mat\u00e9rielles localis\u00e9es sur un territoire g\u00e9ographique et politique donn\u00e9 mais aussi \u00e0 un espace d\u2019\u00e9change intangible compos\u00e9 de la production massive de donn\u00e9es, automatis\u00e9es et capt\u00e9es par des applications logicielles qui collectent, stockent, traitent les flux d\u2019information recueillies \u00e0 diverses fins (commerciales, industrielles, politiques, militaires) via<\/em> des protocoles (langages) communs.<\/p>\n\n\n\n

Le cyberespace ne correspond pas \u00e0 un territoire g\u00e9ographique au sens classique du terme mais constitue bien une cinqui\u00e8me dimension, hybride, complexe et mouvante, qui vient compl\u00e9ter les autres domaines d\u2019action que sont la terre, la mer, l\u2019air et l\u2019espace. Sa particularit\u00e9 r\u00e9side dans son hybridit\u00e9 et dans sa dualit\u00e9 \u00e0 la fois civile et militaire. <\/p>Asma Mhalla<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

En cons\u00e9quence de quoi, comme le souligne la g\u00e9opolitologue sp\u00e9cialiste du cyberespace Fr\u00e9derick Douzet <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>, le cyberespace ne correspond pas \u00e0 un territoire g\u00e9ographique au sens classique du terme mais constitue bien une cinqui\u00e8me dimension, hybride, complexe et mouvante, qui vient compl\u00e9ter les autres domaines d\u2019action que sont la terre, la mer, l\u2019air et l\u2019espace. Sa particularit\u00e9 r\u00e9side dans son hybridit\u00e9 et dans sa dualit\u00e9 \u00e0 la fois civile et militaire. Son socle, l\u2019\u00e9conomie de la donn\u00e9e (data economy<\/em>) et les nouvelles technologies, \u00e9tant caract\u00e9ris\u00e9 par l\u2019acc\u00e9l\u00e9ration permanente du rythme des innovations, en particulier les innovations de rupture, le cyberespace est de ce fait un espace \u00e0 la fois mat\u00e9riel et immat\u00e9riel en \u00e9volution constante. Il faut enfin noter que le cyberespace \u00e9tant une construction purement humaine encore en \u00e9mergence dans le champ g\u00e9opolitique, les doctrines militaires et juridiques qui lui sont associ\u00e9es sont \u00e0 l\u2019heure actuelle encore en cours de conceptualisation pour la plupart, en particulier dans le domaine du cyber ou des op\u00e9rations d\u2019influence organis\u00e9es en ligne.<\/p>\n\n\n\n

Ses implications ne sont en revanche pas neutres  : appliqu\u00e9 au champ politique et militaire, il fait radicalement \u00e9voluer les attributs traditionnels de puissance et de souverainet\u00e9 des \u00c9tats, les modalit\u00e9s d\u2019actions et in fine<\/em>, de combat en cas de guerre. <\/p>\n\n\n\n

De nouveaux attributs de puissance : la course au datamonde<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

La \u00ab data economy<\/em> \u00bb bouleverse l\u2019ensemble des paradigmes politiques, g\u00e9opolitiques, \u00e9conomiques qui ont eu cours ces quarante derni\u00e8res ann\u00e9es. L\u2019acc\u00e8s et la capacit\u00e9 \u00e0 exploiter et comprendre la \u00ab data \u00bb repr\u00e9sentent cette nouvelle forme de pouvoir. La capacit\u00e9 de les rendre transparentes ou invisibles, de les effacer, de les manipuler ou de les revendiquer est au centre des nouvelles relations de pouvoir. C\u2019est bien autour de cette capacit\u00e9 de mise en donn\u00e9e du monde <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>, ce Datamonde<\/em> pour reprendre l\u2019expression de la chercheuse Louise Merzeau <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>, que les nouvelles luttes de pouvoir s\u2019articulent et que la relation entre g\u00e9ants technologiques et \u00c9tats mais aussi entre \u00c9tats se jouent.<\/p>\n\n\n\n

Le projet est clair  : le contr\u00f4le du datamonde<\/em> et des normes technologiques. <\/p>Asma Mhalla<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Dans cette lutte, la collecte massive de donn\u00e9es personnelles et industrielles est primordiale. Elle se greffe sur une comp\u00e9tition mondiale nervur\u00e9e de dynamiques complexes  : course \u00e0 la connectivit\u00e9 mondiale dans les fonds marins (c\u00e2bles sous-marins) ou l\u2019espace (constellations de satellites en orbite basse)<\/a>, fragmentation de l\u2019\u00e9chiquier international entre de multiples hubs<\/em> r\u00e9gionaux (Turquie, Russie, Iran, Inde,\u2026) et dans le m\u00eame temps une macro-polarisation entre les deux Data Empires<\/em>, Chine et \u00c9tats-Unis. Les blocs se repositionnent et deux p\u00f4les informationnellement ind\u00e9pendants, \u00c9tats-Unis et Chine, s\u2019affirment et se confrontent. Durant la derni\u00e8re d\u00e9cennie, certaines puissances r\u00e9gionales, comme la Russie, sont venues complexifier ce duopole sans pour autant le remettre en cause. \u00c0 son retour \u00e0 la Pr\u00e9sidence de la F\u00e9d\u00e9ration de Russie en 2012, Vladimir Poutine a r\u00e9guli\u00e8rement affirm\u00e9 de r\u00e9elles ambitions de souverainet\u00e9 informationnelle et technologique afin de garder le contr\u00f4le des acc\u00e8s \u00e0 sa sph\u00e8re informationnelle domestique. La dynamique a \u00e9t\u00e9 fortement acc\u00e9l\u00e9r\u00e9e par la guerre d\u2019Ukraine avec comme r\u00e9sultat une intensification de la fragmentation du cyberespace (\u00ab splinternet<\/em> \u00bb)<\/a> en autant de blocs id\u00e9ologiques qui reproduisent sym\u00e9triquement la recomposition g\u00e9opolitique en cours. Le projet est clair  : le contr\u00f4le du datamonde<\/em> et des normes technologiques.<\/p>\n\n\n\n

Les enjeux sous-jacents renvoient \u00e0 la question de la souverainet\u00e9 des \u00c9tats, attribut ultime de tout \u00c9tat-nation, \u00e0 savoir la capacit\u00e9 de faire appliquer sa volont\u00e9 politique au sein de ses fronti\u00e8res. Cela introduit une nuance d\u2019importance  : la puissance n\u2019est pas le pouvoir. Dans cette course h\u00e9g\u00e9monique mondiale \u00e0 la donn\u00e9e, dont l\u2019enjeu est bien le leadership<\/em> id\u00e9ologique articul\u00e9 autour des normes technologiques, les pr\u00e9rogatives \u00e9tatiques se sont hybrid\u00e9es avec les capacit\u00e9s d\u2019innovation hors-normes de leurs BigTech, GAMAM pour les \u00c9tats-Unis, BATX pour la Chine. Thomas Gomart souligne tr\u00e8s justement ce point dans son essai Guerres invisibles<\/em><\/a> <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span> : \u00ab \u00e0 travers les si\u00e8cles, les armes, la technologie, le march\u00e9 et la puissance se sont \u00e9troitement imbriqu\u00e9s (\u2026) le marketing masque volontiers la strat\u00e9gie \u00bb. Et en effet, bien que pas toujours \u00e9vidente \u00e0 premi\u00e8re vue, la fusion public-priv\u00e9 se joue sur un continuum fonctionnel qui n\u2019a connu pour le moment que peu de couacs majeurs car si les BigTech sont puissants, les subventions publiques coulent \u00e0 flots et le pouvoir ultime, celui la Loi, celui donc de la souverainet\u00e9, revient bien aux \u00c9tats, aussi bien aux \u00c9tats-Unis, en Russie ou en Chine.<\/p>\n\n\n\n

Dans le champ g\u00e9opolitique, les BigTech ne sont rien de moins que les porte-drapeaux et les bras arm\u00e9s technologiques de leur nation. Ce fut particuli\u00e8rement visible au commencement de la guerre d\u2019Ukraine, par le r\u00f4le central qu\u2019ont tr\u00e8s rapidement jou\u00e9 les r\u00e9seaux sociaux am\u00e9ricains et chinois dans la guerre informationnelle qui a confront\u00e9 Russie, Ukraine et plus largement les opinions publiques occidentales<\/a> ou encore l\u2019aide directe apport\u00e9e par Elon Musk \u00e0 l\u2019Ukraine en envoyant \u00e0 une vitesse \u00e9clair ses satellites Starlink pour maintenir la connectivit\u00e9 des zones occup\u00e9es. <\/p>\n\n\n\n

Plus largement, Chine et \u00c9tats-Unis ont install\u00e9 une guerre technologique assum\u00e9e. Les \u00c9tats en propre ou par le truchement de leurs BigTech sont sur tous les fronts : intelligence artificielle (\u00e0 des fins souvent duales, servant \u00e0 la fois des int\u00e9r\u00eats civils et commerciaux mais aussi militaires, de renseignements ou de surveillance), quantique, cyber, installation de nouveaux c\u00e2bles sous-marins (par Meta ou Google c\u00f4t\u00e9 USA, par les principaux op\u00e9rateurs t\u00e9l\u00e9com chinois dans le cadre de la \u00ab  Digital Silk Road<\/em>  \u00bb, technologies militaires \u00e9mergentes, NBIC, conqu\u00eate du \u00ab  New Space<\/em>  \u00bb.<\/p>Asma Mhalla<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Plus largement, Chine et \u00c9tats-Unis ont install\u00e9 une guerre technologique assum\u00e9e. Les \u00c9tats \u2014 en propre ou par le truchement de leurs BigTech \u2014 sont sur tous les fronts : intelligence artificielle (\u00e0 des fins souvent duales, servant \u00e0 la fois des int\u00e9r\u00eats civils et commerciaux mais aussi militaires, de renseignements ou de surveillance), quantique, cyber, installation de nouveaux c\u00e2bles sous-marins (par Meta ou Google c\u00f4t\u00e9 USA, par les principaux op\u00e9rateurs t\u00e9l\u00e9com chinois dans le cadre de la \u00ab  Digital Silk Road<\/em>  \u00bb <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>), technologies militaires \u00e9mergentes, NBIC, conqu\u00eate du \u00ab  New Space<\/em>  \u00bb. Cette rivalit\u00e9 sino-am\u00e9ricaine sonne comme un air de d\u00e9j\u00e0-vu, comme au temps de la premi\u00e8re guerre froide. Guerre froide qui parfois fait couler beaucoup d\u2019encre dans la presse notamment lors de l\u2019arrestation de la directrice financi\u00e8re de Huawei au Canada sur ordre des \u00c9tats-Unis <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>, le bannissement du g\u00e9ant des t\u00e9l\u00e9com chinois des \u00c9tats-Unis ou plus r\u00e9cemment la demande d\u2019interdiction du r\u00e9seau social chinois Tiktok aux \u00c9tats-Unis <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>, accus\u00e9 de partager les donn\u00e9es collect\u00e9es sur le r\u00e9seau social avec P\u00e9kin. En somme, les op\u00e9rateurs technologiques ont mut\u00e9 en de puissants outils g\u00e9opolitiques et diplomatiques. <\/p>\n\n\n\n

Selon des m\u00e9thodes diff\u00e9rentes, Chine et \u00c9tats-Unis appliquent dans le fond une doctrine similaire<\/a>, une forme renouvel\u00e9e de n\u00e9o-mercantilisme  : un protectionnisme de leur march\u00e9 domestique (les actifs immat\u00e9riels, comme certains algorithmes sophistiqu\u00e9s, sont d\u00e9sormais inscrits sur la liste des actifs num\u00e9riques strat\u00e9giques interdits de transfert \u00e0 l\u2019\u00e9tranger par exemple), un interventionnisme \u00e9tatique tr\u00e8s actif par les subventions ou la commande publique pour d\u00e9velopper les secteurs strat\u00e9giques via des financements et des partenariats d\u2019envergure en particulier dans l\u2019armement ou le spatial, des lois extraterritoriales (\u00ab law warfare<\/em> \u00bb) particuli\u00e8rement agressives \u00e0 l\u2019image du Cloud Act ou FISA am\u00e9ricain ou de la PIPL chinoise (\u00ab Personal Information Protection Law<\/em> \u00bb), enfin des actions de conqu\u00eate h\u00e9g\u00e9monique des march\u00e9s ext\u00e9rieurs, Europe et Afrique en priorit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Ces attributs de puissance bas\u00e9s sur la technologie sont critiques pour les \u00c9tats dans un monde qui conna\u00eet une conflictualit\u00e9 croissante et dont les modalit\u00e9s de guerre s\u2019hybrident entre op\u00e9rations cin\u00e9tiques et cyber. La militarisation du cyberespace rappelle ainsi la n\u00e9cessit\u00e9 de proposer une r\u00e9flexion s\u00e9rieuse sur la souverainet\u00e9 technologique des \u00c9tats et le projet politique et id\u00e9ologique qu\u2019elle doit servir.<\/p>\n\n\n\n

\n \n \r\n \r\n \r\n \r\n \r\n <\/picture>\r\n \n
\u00a9 Jann Lipka \/ Rex Features<\/figcaption>\n <\/a>\n<\/figure>\n\n\n

Luttes dans le cyberespace : cyberguerre ou cyber-d\u00e9stabilisation ? <\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Le cyberespace offre un cinqui\u00e8me champ d\u2019action aux conflits, ouverts ou larv\u00e9s, de haute ou basse intensit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

L\u2019ensemble des actions militaires non cin\u00e9tiques a rapidement \u00e9t\u00e9 nomm\u00e9 \u00ab cyberguerre \u00bb mais le terme ne fait pas consensus, peut-\u00eatre \u00e0 juste titre car, en effet, \u00e0 l\u2019inverse de la guerre dite conventionnelle, les actions cyber ne sont pas (directement) l\u00e9tales. Nos t\u00e2tonnements s\u00e9mantiques collectifs sont ici la preuve que le cyberespace est un champ d\u2019action \u00e9mergent dont la conceptualisation est encore en cours de fixation. Il doit donc \u00eatre compris, \u00e9valu\u00e9, analys\u00e9 simplement pour ce qu\u2019il est, ni plus, ni moins. \u00c0 ce stade, il faut donc surtout faire \u0153uvre de clarification  : les op\u00e9rations cybern\u00e9tiques offrent un terrain de confrontation compl\u00e9mentaire aux man\u0153uvres militaires cin\u00e9tiques qui, elles, restent bien au c\u0153ur d\u2019enjeux g\u00e9opolitiques parfaitement traditionnels, autrement dit des enjeux de territoire et de d\u00e9fense de fronti\u00e8res g\u00e9ographiques. La guerre conventionnelle \u2014 \u00e0 coup de chars, tanks et fusils d\u2019assaut qui convoquent des imaginaires collectifs forts \u2014 reste pour le moment la plus efficace aussi bien sur le plan des perceptions individuelles et collectives qu\u2019en mati\u00e8re de destruction mat\u00e9rielle des infrastructures cibles. Le cyber permet en revanche d\u2019accompagner la terreur physique et psychologique par ce que l\u2019on propose de nommer ici des strat\u00e9gies de cyber-d\u00e9stabilisation. La cyber-d\u00e9stabilisation poursuit un double objectif  :<\/p>\n\n\n\n