{"id":147598,"date":"2022-07-07T06:45:00","date_gmt":"2022-07-07T04:45:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=147598"},"modified":"2022-07-08T15:28:01","modified_gmt":"2022-07-08T13:28:01","slug":"la-methode-macron-en-allemagne","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/07\/07\/la-methode-macron-en-allemagne\/","title":{"rendered":"La m\u00e9thode Macron en Allemagne"},"content":{"rendered":"\n
Une \u00ab Europe souveraine \u00bb ne prendra forme que si l\u2019Allemagne y contribue. Pour rallier Berlin \u00e0 sa cause, le pr\u00e9sident fran\u00e7ais ne doit ni froisser le chancelier Olaf Scholz ni l’accaparer totalement. Doucement et fermement, Paris doit \u00ab encercler \u00bb Berlin \u2013 car le centre est la zone de confort de l’Allemagne.<\/p>\n\n\n\n
Comment s’y prendre quand on a de grands projets, mais qu’on ne peut les r\u00e9aliser qu’avec des partenaires ? C’est le d\u00e9fi d’Emmanuel Macron en Europe. Et d\u00e8s lors qu’il n’y a plus la majorit\u00e9 \u00e0 l’Assembl\u00e9e nationale, il lui incombe d\u00e9sormais de trouver des partenaires en France aussi.<\/p>\n\n\n\n
Le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique parviendra-t-il \u00e0 se faire des alli\u00e9s \u00e0 Bruxelles et \u00e0 Paris durant son deuxi\u00e8me mandat ? Il vaut la peine de se rem\u00e9morer sa politique europ\u00e9enne des derni\u00e8res ann\u00e9es. On tirera en effet quelques enseignements sur ce qui fonctionne – et ce qui ne fonctionne pas du tout \u2013 lorsqu’on doit poursuivre ses objectifs au sein d’une \u00ab entente \u00bb plut\u00f4t qu’en faisant cavalier seul.<\/p>\n\n\n\n
Les efforts d\u2019Emmanuel Macron en vue d’une plus grande \u00ab souverainet\u00e9 europ\u00e9enne \u00bb s’apparentent \u00e0 une s\u00e9rie d’essais et d’erreurs. Le pr\u00e9sident a longtemps cherch\u00e9 la strat\u00e9gie appropri\u00e9e pour convaincre ses partenaires au sein de l’UE, et en premier lieu les Allemands, du bien-fond\u00e9 de ses projets. Sa strat\u00e9gie europ\u00e9enne est pass\u00e9e par trois phases.<\/p>\n\n\n\n
Emmanuel Macron a \u00e9t\u00e9 \u00e9lu en 2017 avec la promesse de tout faire \u00ab autrement \u00bb. Mais en mati\u00e8re de politique europ\u00e9enne, il a d’abord eu recours aux vieux concepts qui n’avaient plus fait leurs preuves depuis belle lurette \u2013 et a connu une grave d\u00e9ception.<\/p>\n\n\n\n
En septembre 2017, Macron prononce son discours sur l’Europe \u00e0 l’universit\u00e9 de la Sorbonne. \u00ab Je veux d’abord proposer un nouveau partenariat \u00e0 l’Allemagne \u00bb, explique le pr\u00e9sident de la R\u00e9publique. Il souhaite donner \u00e0 l’Union une s\u00e9rie \u00ab d’impulsions franco-allemandes concr\u00e8tes \u00bb. Macron mise sur le fameux \u00ab moteur franco-allemand \u00bb : c’est une politique europ\u00e9enne qui rappelle celle de Fran\u00e7ois Mitterrand avec Helmut Kohl ; en un mot, Paris et Berlin ont \u00e0 forger des compromis puis \u00e0 les vendre aux autres Europ\u00e9ens. \u00ab Nous sommes bloqu\u00e9s par un manque de confiance entre la France et l’Allemagne \u00bb, avait d\u00e9clar\u00e9 Macron auparavant lors de son discours \u00e0 l\u2019universit\u00e9 Humboldt \u00e0 Berlin.<\/p>\n\n\n\n
Pour que Berlin bouge, Macron met de l’huile dans le moteur. Le pr\u00e9sident fait l’\u00e9loge de l’Allemagne comme \u00ab nation culturelle \u00bb, il cajole la chanceli\u00e8re Angela Merkel. Dans un discours devant le Bundestag, le parlement allemand, il susurre que Berlin ne comprend pas toujours ce que veut Paris \u2013 mais \u00ab n’oubliez pas que la France vous aime \u00bb. Il s’agit de \u00ab r\u00e9aliser l’id\u00e9e europ\u00e9enne \u00bb et donc \u00ab le r\u00eave d’\u00c9rasme, de Goethe, de Hugo et de Zweig \u00bb.<\/p>\n\n\n\n
\u00c0 l’\u00e9poque, les d\u00e9put\u00e9s allemands ne savent pas trop comment g\u00e9rer une telle \u00e9motion et une telle intellectualit\u00e9. Macron est nettement plus efficace quand il se pose dans les m\u00e9dias germaniques comme r\u00e9formateur d\u00e9termin\u00e9, qui sort la France du malaise \u00e9conomique et diminue la dette. Mais en fin de compte, l’offensive de charme de Macron ne m\u00e8nera \u00e0 rien. La chanceli\u00e8re Merkel ne r\u00e9agira purement et simplement jamais au discours de la Sorbonne.  Mis \u00e0 part la politique migratoire, Berlin est \u00e0 l’\u00e9poque assez satisfait de l’Union telle qu’elle est.<\/p>\n\n\n\n Macron est nettement plus efficace quand il se pose dans les m\u00e9dias germaniques comme r\u00e9formateur d\u00e9termin\u00e9, qui sort la France du malaise \u00e9conomique et diminue la dette. Mais en fin de compte, l’offensive de charme de Macron ne m\u00e8nera \u00e0 rien. La chanceli\u00e8re Merkel ne r\u00e9agira purement et simplement jamais au discours de la Sorbonne.<\/p>Joseph de Weck<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Merkel ne veut pas pour autant r\u00e9cuser compl\u00e8tement Macron. Car le pr\u00e9sident, frustr\u00e9, se met \u00e0 semer la zizanie. Lorsqu’il re\u00e7oit le prix Charlemagne \u00e0 Aix-la-Chapelle en mai 2018, il fustige, en pr\u00e9sence de la chanceli\u00e8re, le \u00ab f\u00e9tichisme \u00bb allemand en mati\u00e8re d’exc\u00e9dents budg\u00e9taires.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 l’\u00e9t\u00e9 2018, Merkel et Macron conviennent d’un agenda commun de r\u00e9formes de l’UE au ch\u00e2teau de Meseberg, dans le Brandebourg. Mais ce bien modeste compromis d\u00e9senchantera Paris. Berlin accepte certes le principe d’un budget de la zone euro, mais la chanceli\u00e8re, exp\u00e9riment\u00e9e et rus\u00e9e, joue astucieusement la montre : les pays d’Europe du Nord pr\u00e9cisent soudain qu’ils refusent un budget de la zone euro. Meseberg s’enlise. <\/p>\n\n\n\n On voit alors \u00e9merger deux probl\u00e8mes fondamentaux de la politique europ\u00e9enne initiale d\u2019Emmanuel Macron.<\/p>\n\n\n\n Lors de son entr\u00e9e en fonction, il a \u00e9voqu\u00e9 son intention de se rapprocher des plus petits pays de l’UE. Mais vu l’impatience du pr\u00e9sident, son r\u00e9flexe de miser sur Berlin l’emporte le plus souvent. Et \u00e0 chaque fois, il fait du surplace. Jadis, le fameux \u00ab moteur franco-allemand \u00bb ronronnait, car les deux pays repr\u00e9sentaient plus ou moins les grands camps de l’Union \u2013 l’Europe du Nord versus<\/em> l’Europe du Sud. Mais l’Europe de l’Est est d\u00e9sormais partie prenante. Et en mati\u00e8re de politique de s\u00e9curit\u00e9, les nouveaux membres d’Europe centrale et orientale de l’Union ne font confiance ni \u00e0 Paris ni \u00e0 Berlin. Au Nord, les pays qui penchent vers le lib\u00e9ralisme \u00e9conomique comme les Pays-Bas se sentent mal repr\u00e9sent\u00e9s par la R\u00e9publique f\u00e9d\u00e9rale d\u2019Allemagne , jug\u00e9e corporatiste.<\/p>\n\n\n\n Plus grave encore : Macron a du mal \u00e0 bien jauger l’Allemagne. Il est prisonnier de la conception fran\u00e7aise d’une politique volontariste. A ses yeux, il est \u00e9vident que l’Union doit devenir plus \u00ab souveraine \u00bb pour que les Europ\u00e9ens soient en mesure d’affirmer leur mod\u00e8le \u2013 \u00e0 savoir le respect de la dignit\u00e9 humaine, l’\u00e9conomie sociale de march\u00e9, le multilat\u00e9ralisme \u2013 face au revanchisme de la Russie, face au capitalisme d’\u00c9tat de la Chine<\/a>, et contre les g\u00e9ants am\u00e9ricains de l’Internet<\/a>.<\/p>\n\n\n\n Macron s’imagine que l’Allemagne suivra le mouvement \u2013 car \u00ab le pays qui a produit Kant et Hegel ne peut pas s’isoler \u00bb. Il a confiance dans la volont\u00e9 allemande de forger l’Europe. Or, Heinrich Heine se moquait autrefois de ses compatriotes : les philosophes allemands r\u00eavent de mani\u00e8re radicale mais pr\u00e9f\u00e8rent laisser aux Fran\u00e7ais le soin de passer \u00e0 la pratique r\u00e9volutionnaire.<\/p>\n\n\n\n En mati\u00e8re de politique de s\u00e9curit\u00e9, les nouveaux membres d’Europe centrale et orientale de l’Union ne font confiance ni \u00e0 Paris ni \u00e0 Berlin.<\/p>Joseph de Weck<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n En France, les philosophes et les politiques sont plut\u00f4t en phase : ils se tournent vers le futur, veulent marquer le monde de leur empreinte. En Allemagne, la vie intellectuelle et le microcosme politique sont deux sph\u00e8res bien s\u00e9par\u00e9es. Le philosophe J\u00fcrgen Habermas a beau souligner depuis des ann\u00e9es que le projet d’unification de l’Europe est \u00e0 la fois stable et fragile, et qu’il faut le consolider par d’autres grandes \u00e9tapes d’int\u00e9gration, \u00e0 l’image une union fiscale. Mais personnes ne l’\u00e9coute, m\u00eame si tout le monde le lit. Le Berlin politique pense au jour le jour et n’agit que lorsqu’il n’a plus d’autre choix. En 1841, Heinrich Heine constatait : \u00ab Les Fran\u00e7ais s’attaquent directement \u00e0 chaque question et la traitent jusqu’\u00e0 ce qu’elle soit r\u00e9solue ou \u00e9limin\u00e9e comme insoluble. L’Allemand, par crainte de toute nouveaut\u00e9 dont les cons\u00e9quences ne peuvent \u00eatre clairement d\u00e9termin\u00e9es, \u00e9vite aussi longtemps que possible toute question politique importante ou cherche \u00e0 lui arracher par des d\u00e9tours une m\u00e9diation de fortune ; et les questions s’accumulent et s’enchev\u00eatrent entre-temps \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Lorsque Macron finit par se rendre compte que m\u00eame en tant que modernisateur de la France et cr\u00e9ateur d’id\u00e9es en Europe, il n’arrivera pas \u00e0 sortir Berlin de sa l\u00e9thargie, il ouvre une phase de d\u00e9fi. Le pr\u00e9sident en revient \u00e0 la strat\u00e9gie fran\u00e7aise classique qui consiste \u00e0 importuner Berlin pour obtenir quelque chose. Plus habile et plus ferme que ses pr\u00e9d\u00e9cesseurs, Nicolas Sarkozy et Fran\u00e7ois Hollande, Emmanuel Macron a l’art de taper sur les nerfs de son adversaire Merkel. En octobre 2019, Paris bloque l’ouverture des n\u00e9gociations sur l’adh\u00e9sion de l’Albanie et de la Mac\u00e9doine du Nord \u00e0 l’Union europ\u00e9enne. En novembre, il diagnostique la \u00ab mort c\u00e9r\u00e9brale \u00bb de l’OTAN. Un certain temps, Paris menace de l\u00e2cher le projet de gazoduc germano-russe tr\u00e8s controvers\u00e9 Nord Stream 2. Macron rappelle aux Allemands qu’ils sont tributaires de la France. Et tant mieux si le public et les m\u00e9dias apprennent qu’il y a du mauvais sang !<\/p>\n\n\n\n Cette politique d’obstruction, calqu\u00e9e sur celle de Charles de Gaulle, fonctionne bien \u2013 du moins en partie. Les interventions de Macron irritent, mais elles obligent l’Union \u00e0 r\u00e9former le processus d’adh\u00e9sion. Avec l’aide involontaire de Donald Trump, qui fait chanter l’Europe au moyen des droits de douane commerciaux, et vu l’attitude de plus en plus agressive de la Chine, le d\u00e9bat sur le concept de \u00ab souverainet\u00e9 strat\u00e9gique \u00bb de l’Europe cher \u00e0 Macron prend enfin son essor en 2019.<\/p>\n\n\n\n La \u00ab strat\u00e9gie de l’enquiquineur \u00bb a l’avantage d’imposer aux partenaires un d\u00e9bat sur les projets de Macron. \u00c0 l’approche des \u00e9lections europ\u00e9ennes de 2019, Emmanuel Macron tire \u00e0 boulets rouges sur les nationalistes de Budapest et de Varsovie. Une v\u00e9ritable disruption est indispensable si l’on veut que la politique europ\u00e9enne fasse fi des marchandages bruxellois et du grand bazar des int\u00e9r\u00eats nationaux, et qu’elle relance le d\u00e9bat sur les valeurs et les concepts politiques. Macron cr\u00e9e un brin de cette \u00ab opinion publique europ\u00e9enne \u00bb que les philosophes Jacques Derrida et J\u00fcrgen Habermas voyaient en 2003 comme une condition pr\u00e9alable \u00e0 l’approfondissement de l’Union.<\/p>\n\n\n\n La \u00ab strat\u00e9gie de l’enquiquineur \u00bb a l’avantage d’imposer aux partenaires un d\u00e9bat sur les projets de Macron. Une v\u00e9ritable disruption est indispensable si l’on veut que la politique europ\u00e9enne fasse fi des marchandages bruxellois et du grand bazar des int\u00e9r\u00eats nationaux, et qu’elle relance le d\u00e9bat sur les valeurs et les concepts politiques.<\/p>Joseph de Weck<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Toujours est-il que la strat\u00e9gie de Macron met \u00e0 l’\u00e9preuve la \u00ab machine \u00e0 compromis qu’est l’Union europ\u00e9enne \u00bb. Plus particuli\u00e8rement, toute pression ext\u00e9rieure incite l’Allemagne \u00e0 se recroqueviller en un premier temps. En 2019, Annegret Kramp-Karrenbauer, qui est alors pr\u00e9sidente de la CDU et successeur pr\u00e9sum\u00e9e de Merkel, r\u00e9pond par la publication d’un texte au discours de Macron \u00e0 la Sorbonne. Les propositions fran\u00e7aises pour plus de solidarit\u00e9 fiscale dans la zone euro seraient \u00ab la mauvaise voie \u00bb \u00e0 prendre, dit-elle. En revanche, la France devrait faire preuve de solidarit\u00e9 et c\u00e9der son si\u00e8ge au Conseil de s\u00e9curit\u00e9 des Nations unies \u00e0 l’Union. Et Kramp-Karrenbauer somme Paris d’acquiescer au transfert du Parlement europ\u00e9en de Strasbourg \u00e0 Bruxelles. Elle veut \u00e9touffer le d\u00e9bat sur l’Europe lanc\u00e9 par Macron. Il lui r\u00e9pondra dans un entretien fleuve au Grand Continent<\/a> : \u00ab Je pense que c\u2019est un contresens de l\u2019histoire. Heureusement, la chanceli\u00e8re n\u2019est pas sur cette ligne si j\u2019ai bien compris les choses. \u00bb<\/p>\n\n\n\n [Le monde se transforme. 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Bien qu’\u00e0 chaque fois Berlin \u00e9mette des r\u00e9serves au d\u00e9part ou consid\u00e8re que les propositions fran\u00e7aises sont irr\u00e9alistes, Paris r\u00e9ussira \u00e0 imposer toutes ces avanc\u00e9es en deux ans.<\/p>\n\n\n\n Comment Macron y est-il parvenu ?<\/p>\n\n\n\n D’une part, les circonstances ext\u00e9rieures et notamment la pand\u00e9mie ont oblig\u00e9 Berlin \u00e0 changer d’avis \u2013  et \u00e0 agir. L’\u00e9pid\u00e9mie de Covid-19, qui a frapp\u00e9 l’Italie de plein fouet \u00e0 ses d\u00e9but, a relanc\u00e9 les d\u00e9bats sur la question de la survie de la zone euro. Si en 2018, Berlin pouvait encore se permettre d’enterrer l’id\u00e9e d’un budget de la zone euro, au printemps 2020 Merkel se retrouve accul\u00e9e devant l\u2019alternative d’aider les Italiens avec des dettes europ\u00e9ennes ou voir la zone euro sombrer. Et le ministre des Finances social-d\u00e9mocrate, Olaf Scholz, presse la chanceli\u00e8re d’approuver le fonds de relance de l’Union.<\/p>\n\n\n\n D’autre part, les \u00e9lections au Bundestag en 2021, notamment la mont\u00e9e des Verts, ont fait bouger les choses. Ce n’est que lors de la ren\u00e9gociation du cadre financier pluriannuel (CFP) de l’Union tous les sept ans que Bruxelles est en mesure de faire pression sur la Pologne et la Hongrie pour qu’elles renforcent les r\u00e8gles qui assurent le respect de l’\u00c9tat de droit. Or depuis longtemps, en effet, les Verts allemands stigmatisent la politique d’apaisement de Merkel \u00e0 l’\u00e9gard de Budapest. En outre, l’\u00e9tat d’urgence r\u00e8gne au sujet du r\u00e9chauffement climatique, et la mont\u00e9e en fl\u00e8che des Verts dans les sondages avant les \u00e9lections f\u00e9d\u00e9rales incite la CDU\/CSU et le SPD \u00e0 s’engager dans une politique environnementale plus courageuse.<\/p>\n\n\n\n Mais le succ\u00e8s de Macron tient aussi au fait qu’il a adapt\u00e9 sa strat\u00e9gie allemande une fois de plus  et qu’il a enfin trouv\u00e9 sa m\u00e9thode. Elle consiste d\u00e9sormais \u00e0 forger de larges alliances qui soutiennent ses propositions, puis qui mettent Berlin sous pression. Ainsi, Macron laisse la priorit\u00e9 \u00e0 d’autres chefs d’\u00c9tat et de gouvernement lorsqu’il s’agit de faire valoir ses exigences.<\/p>\n\n\n\n La nouvelle m\u00e9thode consiste d\u00e9sormais \u00e0 forger de larges alliances qui soutiennent ses propositions, puis qui mettent Berlin sous pression. Ainsi, Macron laisse la priorit\u00e9 \u00e0 d’autres chefs d’\u00c9tat et de gouvernement lorsqu’il s’agit de faire valoir des exigences.<\/p>Joseph de Weck<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Lors de la pand\u00e9mie, Paris insiste tout de suite sur une r\u00e9ponse europ\u00e9enne commune. Mais c’est Madrid qui pr\u00e9sente des propositions concr\u00e8tes, et Rome leur donne de la publicit\u00e9 dans les m\u00e9dias allemands. Macron est de la connivence, car il avait conclu une alliance avec neuf membres de l’Union. Outre les usual suspects<\/em> \u2013 les pays du Sud en crise comme le Portugal \u2013 il rallie autour de la France jusqu’\u00e0 des pays peu endett\u00e9s comme le Luxembourg et la Slov\u00e9nie. En quand il joue contre la Pologne et la Hongrie sur le m\u00e9canisme de l’\u00c9tat de droit, Macron invite les pays d’Europe du Nord et les Pays-Bas \u00e0 prendre les devants. Il n’y aura de nouveaux transferts europ\u00e9ens que s’ils sont li\u00e9s au respect des principes de l’\u00c9tat de droit. Berlin, d’abord r\u00e9ticent, commence \u00e0 jouer les m\u00e9diateurs, Varsovie et Budapest c\u00e8dent.<\/p>\n\n\n\n En 2019, Paris lance avec la Commission europ\u00e9enne l’objectif de r\u00e9duire d’ici 2030 les \u00e9missions de CO2 de l’Union de 55 % par rapport \u00e0 1990. Berlin ne veut pas s’engager. Mais Macron pactise avec huit pays de l’Union de l’Est et de l’Ouest, du Nord et du Sud. Berlin fait de nouveau office de m\u00e9diateur et de nouveau, et Varsovie c\u00e8de \u00e0 nouveau. <\/p>\n\n\n\n Ou encore, c’est surtout Copenhague qui se lance dans la bataille pour une taxe carbone \u00e0 l’\u00e9chelle europ\u00e9enne. L’Allemagne a certes soutenu formellement la taxe carbone, mais ce projet a suscit\u00e9 l’inqui\u00e9tude du \u00ab champion du monde de l’exportation \u00bb. Que se passera-t-il si d’autres pays suivaient l’exemple de l’UE et imposaient \u00e9galement des taxes ? Une fois de plus, Paris a su former une coalition disparate avec l’Autriche, le Danemark, l’Espagne, la Slovaquie, les Pays-Bas et la Lituanie, pour faire pressurer Berlin. <\/p>\n\n\n\n Si la France r\u00e9ussit \u00e0 imposer son agenda dans de nombreux domaines, c\u2019est parce qu’elle conduit une politique europ\u00e9enne \u00e0 l’allemande : en se r\u00e9f\u00e9rant \u00e0 des th\u00e8mes d’actualit\u00e9 sp\u00e9cifiques plut\u00f4t que de tirer des plans sur la com\u00e8te. Macron a \u00e9t\u00e9 particuli\u00e8rement efficace lorsqu’il a mis\u00e9 sur le principe du leading from behind<\/em>, comme le recommandait jadis le chancelier Helmut Schmidt aux responsables allemands de la politique \u00e9trang\u00e8re : se tenir un demi-pas en retrait des partenaires pour les guider discr\u00e8tement.<\/p>\n\n\n\n Cela facilite les choses – parce que d\u00e8s que Paris souhaite telle avanc\u00e9e, Berlin est tent\u00e9 de la rejeter et suppute qu’elle est l’expression typique de la politique d’int\u00e9r\u00eats fran\u00e7aise. Mais si les Danois, insoup\u00e7onnables, demandent quelque chose, il faut les entendre et les \u00e9couter, et les Allemands se retrouvent comme par enchantement dans le r\u00f4le de m\u00e9diateur qu’ils adorent. C’est dans cette posture que Berlin peut le plus ais\u00e9ment \u00eatre amen\u00e9 \u00e0 renoncer \u00e0 une politique d’int\u00e9r\u00eats nationaux \u00e0 courte vue et \u00e0 penser en termes europ\u00e9ens. La France doit en quelque sorte \u00ab encercler \u00bb l’Allemagne de concert avec ses alli\u00e9s, pour ensuite miser sur la force de m\u00e9diation et le sens intuitif du compromis des Allemands.<\/p>\n\n\n\n La France doit en quelque sorte \u00ab encercler \u00bb l’Allemagne de concert avec ses alli\u00e9s, pour ensuite miser sur la force de m\u00e9diation et son sens intuitif du compromis des Allemands.  <\/p>Joseph de Weck<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Si la France se tient un peu en retrait au lieu d’avancer d’embl\u00e9e des concepts \u00ab pr\u00eats \u00e0 porter \u00bb, Paris et Berlin peuvent ensuite, en fin du processus, \u00e9quilibrer le compromis final la main dans la main. En bref : le moteur franco-allemand n’est pas tr\u00e8s puissant au d\u00e9marrage, mais il est imbattable dans la derni\u00e8re ligne droite. L’accord entre Berlin et Paris ne doit pas intervenir au d\u00e9but, mais \u00e0 la fin d’un processus de recherche de compromis europ\u00e9en.<\/p>\n\n\n\n Tout porte \u00e0 croire que cette strat\u00e9gie d’encerclement avec finish<\/em> franco-allemand fonctionnera \u00e9galement avec Olaf Scholz, comme nouveau chancelier allemand.<\/p>\n\n\n\n Il est vrai que Scholz est plus ambitieux que Merkel en mati\u00e8re de politique europ\u00e9enne et que sa pens\u00e9e r\u00e9pond mieux \u00e0 celle du Fran\u00e7ais. Le chancelier a repris \u00e0 son compte le narratif de Macron au sujet de l'\u00a0\u00bbEurope souveraine \u00bb. Dans une d\u00e9claration gouvernementale avant le sommet europ\u00e9en de fin mai 2022, Scholz a promis : \u00ab Changer d’\u00e9poque signifie qu’en Europe aussi, on pense bien au-del\u00e0 du au jour le jour\u201d. Il a ensuite ajout\u00e9 que la t\u00e2che de l’Allemagne et de la France \u00e9tait de \u00ab trouver des solutions pour l’avenir qui soient acceptables pour tous les \u00c9tats membres \u00bb.<\/p>\n\n\n\n Comme Macron, Scholz sait tirer parti de certaines crises. Pendant la pand\u00e9mie, il a \u00e9t\u00e9 le moteur du plan de relance au sein de la Grande  coalition berlinoise des conservateurs et des sociaux-d\u00e9mocrates. Juste apr\u00e8s le d\u00e9but de l’invasion russe, il a d\u00e9cid\u00e9 de la mise en place le fonds sp\u00e9cial de 100 milliards d’euros en faveur de l’arm\u00e9e allemande<\/a>. Interrog\u00e9 sur l’erreur la plus grave commise durant la crise de l’euro, il a fait r\u00e9f\u00e9rence au livre Crashed<\/em> d’Adam Tooze : \u00e0 l’instar des \u00c9tats-Unis, les Europ\u00e9ens auraient d\u00fb d’embl\u00e9e recapitaliser les banques d\u00e8s le d\u00e9but, rapidement et massivement. Cela aurait \u00e9vit\u00e9 une longue stagnation issue du d\u00e9sendettement. Lorsque Scholz a bien r\u00e9fl\u00e9chi \u00e0 un sujet et qu’il est d\u00e8s lors s\u00fbr de lui, il n’h\u00e9site gu\u00e8re \u00e0 mener une politique plus \u00e9nergique, comme il l\u2019avait fait au moment du bazooka<\/em> budg\u00e9taire pand\u00e9mique<\/a>, selon son expression.<\/p>\n\n\n\n De surcro\u00eet, gr\u00e2ce aux Verts, la coalition Ampel<\/a> (\u00ab feu de circulation \u00bb vu les sociaux-d\u00e9mocrates du SPD \u00ab rouges \u00bb, les lib\u00e9raux du FDP \u00ab jaunes \u00bb et les Verts) est plus proactive que ne l’\u00e9tait auparavant la Grande coalition avec les chr\u00e9tiens-d\u00e9mocrates. Apr\u00e8s les 16 ans de r\u00e8gne d\u2019Angela Merkel, l’Ampel veut \u00ab oser plus de progr\u00e8s \u00bb, comme l’assure son contrat de coalition<\/a>. L’Union europ\u00e9enne doit devenir \u00ab moins d\u00e9pendante et moins vuln\u00e9rable \u00bb dans \u00ab des domaines strat\u00e9giques tels que l’\u00e9nergie, la sant\u00e9, les importations de mati\u00e8res premi\u00e8res et la technologie num\u00e9rique \u00bb. Les membres de la coalition souhaitent une \u00ab offensive europ\u00e9enne d’investissement \u00bb pour la transition climatique.<\/p>\n\n\n\n Mais la vie int\u00e9rieure de la coalition disparate de l’Ampel<\/em> reste ardue. Lors de deux \u00e9lections r\u00e9gionales, le FDP n’a r\u00e9ussi que de justesse \u00e0 franchir la barre des 5 % qui permet de si\u00e9ger au Parlement \u2013 parce que le parti d\u00e9fendait une politique d’aust\u00e9rit\u00e9, mais qu’il s’av\u00e8re impossible de faire des \u00e9conomies en raison de la guerre en Ukraine, des investissements dans la transformation \u00e9cologique de l’\u00e9conomie et des cons\u00e9quences de la pand\u00e9mie. Le FDP a perdu surtout au profit de la CDU, la cote de popularit\u00e9 du chef du parti Christian Lindner est en chute libre. Cela limite la marge de man\u0153uvre des lib\u00e9raux pour des compromis de politique europ\u00e9enne en mati\u00e8re de politique fiscale. Et le traumatisme de 2013 marque les esprits ; \u00e0 l’\u00e9poque, le FDP avait \u00e9t\u00e9 \u00e9ject\u00e9 du Bundestag apr\u00e8s quatre ans de coalition avec Angela Merkel. Le SPD sort \u00e9galement affaibli des \u00e9lections r\u00e9gionales, tandis que les Verts progressent massivement.<\/p>\n\n\n\n Olaf Scholz semble parfois h\u00e9sitant et difficile \u00e0 lire. Mais le chancelier doit faire preuve de tactique : il ne doit pas se laisser prendre au pi\u00e8ge pour ensuite, comme Merkel, sauter dans le train en marche ou, au contraire, agir de son propre chef au moment d\u00e9cisif et mettre ses partenaires devant le fait accompli.<\/p>Joseph de Weck<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Par ailleurs, Scholz n’est pas tout-puissant au sein de son propre parti. En 2020, le SPD lui avait refus\u00e9 la pr\u00e9sidence lors d’un vote des adh\u00e9rents. De nombreux d\u00e9put\u00e9s nouvellement \u00e9lus se situent \u00e0 la gauche de la social-d\u00e9mocratie. Scholz ne peut se permettre de prendre trop souvent les devants en mati\u00e8re de politique int\u00e9rieure, europ\u00e9enne et ukrainienne : notamment parce que le SPD\u2013 \u00e0 l\u2019oppos\u00e9 de la CDU \u2013 est notoirement infid\u00e8le \u00e0 ses chanceliers. Willy Brandt, Helmut Schmidt et, par la bande, Gerhard Schr\u00f6der : au fils de l’histoire, tous les chanceliers SPD ont \u00e9t\u00e9 \u00e9vinc\u00e9s par leurs camarades. Scholz a subi un premier coup de semonce en avril lorsqu’il a cherch\u00e9 en vain une majorit\u00e9 parlementaire pour son projet de vaccin Covid-19 obligatoire.<\/p>\n\n\n\n Olaf Scholz semble parfois h\u00e9sitant et difficile \u00e0 lire. Mais le chancelier est un bon tacticien : il n\u2019abat pas ses cartes, mais soudain, comme Merkel, il saute dans le train en marche ou, au contraire, il agit de son propre chef au moment d\u00e9cisif et mettre ses partenaires devant le fait accompli.<\/p>\n\n\n\n Un grand discours de politique europ\u00e9enne d’Olaf Scholz en r\u00e9ponse \u00e0 Emmanuel Macron est donc improbable. De toute fa\u00e7on, personne \u00e0 Berlin n’a r\u00e9fl\u00e9chi s\u00e9rieusement sur la mani\u00e8re de faire avancer l’agenda europ\u00e9en. La coalition Ampel est en mode gestion de crise d\u00e8s son premier jour. On n’est donc pas si m\u00e9content du tout de se laisser \u00ab pousser \u00bb par Macron, comme l’avoue d’ailleurs tels interlocuteurs \u00e0 Berlin. Le m\u00e9canisme est le suivant : Macron propose, les Verts reprennent certaines propositions, tant\u00f4t en association avec le FDP, tant\u00f4t avec le SPD. Scholz reste au-dessus de la m\u00eal\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Tant au sein de la coalition qu’au sein de l’Union europ\u00e9enne, Scholz dispose d’une bonne marge de man\u0153uvre lorsqu’il se retrouve en position de m\u00e9diateur actif. Ce serait de ce fait une erreur que de pr\u00e9parer un deuxi\u00e8me Meseberg. Paris doit au contraire repartir l\u00e0 o\u00f9 il s’est arr\u00eat\u00e9, c’est-\u00e0-dire continuer \u00e0 s’appuyer sur la strat\u00e9gie des alliances larges pour exercer une pression ext\u00e9rieure sur Berlin.<\/p>\n\n\n\n Et la France  profitera du fait que les Allemands sont devenus eux-m\u00eames demandeurs dans nombres de domaines de la politique europ\u00e9enne, vu la guerre en Ukraine. Merkel pouvait souvent dire simplement \u00ab non \u00bb bien souvent, car il n’y avait nulle urgence. Mais entretemps, Berlin est tributaire des autres Europ\u00e9ens dans trois domaines.<\/p>\n\n\n\n D’une part, l\u2019Allemagne craint la cumulation des risques au sujet des prix de l’\u00e9nergie, de l’inflation et de la coh\u00e9sion de la zone euro. En R\u00e9publique f\u00e9d\u00e9rale d’Allemagne, l’inflation est le grand sujet d\u00e9licat de politique int\u00e9rieure. Pour la ma\u00eetriser, la Banque centrale europ\u00e9enne doit augmenter les taux d’int\u00e9r\u00eat. D\u00e8s lors, les \u00c9tats fortement endett\u00e9s comme l’Italie doivent payer nettement plus pour le service de leurs dette. D’o\u00f9 la risque que la crise de l’euro ressurgisse. Resserrer la politique mon\u00e9taire en \u00e9change de nouveaux financements de l’UE pour la transition \u00e9nerg\u00e9tique et une d\u00e9fense renforc\u00e9e ainsi qu’un soutien aux \u00c9tats endett\u00e9s : Berlin serait tout \u00e0 fait ouvert \u00e0 un tel accord.<\/p>\n\n\n\n Cela d’autant plus que l’Allemagne est \u00e9galement tributaire de la solidarit\u00e9 europ\u00e9enne en mati\u00e8re de politique \u00e9nerg\u00e9tique. Si Moscou ferme compl\u00e8tement le robinet de gaz \u00e0 la rentr\u00e9e, Scholz devra s’appuyer sur les autres \u00c9tats membres de l’Union pour approvisionner l’Allemagne en \u00e9lectricit\u00e9 et en \u00e9nergie. Pour la R\u00e9publique f\u00e9d\u00e9rale, l’effondrement du march\u00e9 europ\u00e9en de l’\u00e9nergie serait donc une catastrophe.<\/p>\n\n\n\n Et Paris dispose d’un autre levier, \u00e0 savoir l’\u00e9largissement de l’UE. Pour Scholz, l’imp\u00e9ratif strat\u00e9gique est d’ouvrir une perspective d’adh\u00e9sion aux six pays des Balkans occidentaux est un imp\u00e9ratif strat\u00e9gique. L\u00e0, Berlin est demandeur, et Paris h\u00e9site. En 1994, les d\u00e9put\u00e9s CDU Wolfgang Sch\u00e4uble et Karl Lamers avaient sugg\u00e9r\u00e9 la cr\u00e9ation d’un noyau dur europ\u00e9en en \u00e9change de l’\u00e9largissement de l’UE. Mais \u00e0 l’\u00e9poque, Paris ne voulait pas vraiment de \u00ab plus d’Europe \u00bb. Mieux vaut tard que jamais : aujourd’hui, Macron pourrait renouer \u00e0 l’approche Sch\u00e4uble-Lammers. En revanche, il serait inutile qu’il s’obstine \u00e0 modifier les trait\u00e9s europ\u00e9ens existants. <\/p>\n\n\n\n Pour qu’Emmanuel Macron r\u00e9ussisse ses coalitions europ\u00e9ennes, il doit donc d\u2019abord penser la politique \u00e9trang\u00e8re et europ\u00e9enne dans sa globalit\u00e9 : s’il fait cavalier seul inutilement, par exemple sur la question russe, il nuira beaucoup \u00e0 la d\u00e9fense des int\u00e9r\u00eats fran\u00e7ais \u00e0 Bruxelles. <\/p>Joseph de Weck<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Treize membres de l’Union ont clairement indiqu\u00e9 dans un \u00ab non-paper \u00bb qu’ils ne voulaient pas d’une convention Constitutionnelle europ\u00e9enne. Scholz n’exclut certes pas \u00ab une modification des trait\u00e9s qui risque de trainer \u00bb, mais il ajoute aussit\u00f4t : \u00ab S’il y a une chose dont nous n’avons pas besoin \u00e0 l’instant, c’est d’un nombrilisme controvers\u00e9, consommateur de temps et d’\u00e9nergie, et qui nourrit les controverses sur des questions institutionnelles \u00bb.<\/p>\n\n\n\n L’envie de modifier les trait\u00e9s n’est pas d\u00e9vorante, d’autant plus que des innovations institutionnelles importantes pourraient \u00eatre d\u00e9cid\u00e9es sans en passer par l\u00e0, pense-t-on \u00e0 Berlin. En politique \u00e9trang\u00e8re, le vote \u00e0 la majorit\u00e9 pourrait \u00eatre introduit d\u00e8s aujourd’hui, \u00e0 condition que les \u00c9tats membres de l’Union l’approuvent \u00e0 l’unanimit\u00e9. Un accord interinstitutionnel permettrait \u00e9galement d’ancrer le droit d’initiative du Parlement.<\/p>\n\n\n\n Mais pour qu’Emmanuel Macron r\u00e9ussisse ses coalitions europ\u00e9ennes, il importe qu’il pense la politique \u00e9trang\u00e8re et europ\u00e9enne dans leur globalit\u00e9 : s’il fait cavalier seul inutilement, par exemple sur la question russe, il s’isolera et nuira beaucoup \u00e0 la d\u00e9fense des int\u00e9r\u00eats fran\u00e7ais \u00e0 Bruxelles. Paris n’est pas la seule capitale \u00e0 faire de l’obstruction et \u00e0 organiser des retours de manivelle dans d’autres dossiers, Prague ou Varsovie prendront plus que jamais cette voie si Paris ne tient pas compte de leurs int\u00e9r\u00eats vitaux.<\/p>\n\n\n\n Macron a donc tout int\u00e9r\u00eat \u00e0 poursuivre une politique europ\u00e9enne similaire \u00e0 celle men\u00e9e \u00e0 la fin de son premier mandat, avec les trois \u00e9l\u00e9ments suivants : \u00eatre toujours en premi\u00e8re ligne lorsqu’il s’agit de narratifs tourn\u00e9s vers l’avenir ; en m\u00eame temps, travailler \u00e0 des coalitions sur des sujets br\u00fblants avec nombre de partenaires de l’Union, et mettre l’accent sur les travaux concrets plut\u00f4t que sur les grands projets ; et miser sur Berlin pour faire aboutir les r\u00e9formes \u2013 non pas pour les lancer.<\/p>\n\n\n\n De par une telle strat\u00e9gie, la France de Macron pourrait, pour la premi\u00e8re fois depuis Fran\u00e7ois Mitterrand, redevenir la force motrice de l’Europe. D’autant que vu de Berlin, le statu quo<\/em> de l’UE n’est plus satisfaisant. Pour faire face \u00e0 la crise de l’inflation et de l’\u00e9nergie, l’Allemagne et l’Europe doivent ouvrir de nouvelles voies.<\/p>\n\n\n\n Ironie de l’histoire, apr\u00e8s les \u00e9lections \u00e0 l\u2019Assembl\u00e9e nationale, Macron doit agir en France comme un \u00ab chancelier \u00bb : n\u00e9gocier, diriger discr\u00e8tement, soigner ses amis politiques et les quelques alli\u00e9s potentiels. Comme dans la politique europ\u00e9enne, le pr\u00e9sident aura \u00e0 se tenir un peu en retrait, pour que d\u2019autres s’affirment. Macron, homme politique de l\u2019\u00e8re num\u00e9rique, est au d\u00e9fi de penser en termes de r\u00e9seaux. C\u2019est pour lui la meilleure fa\u00e7on d’obtenir davantage pour la France \u2013 et pour l’Europe.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Pour faire atterrir des initiatives fran\u00e7aises en Europe, Emmanuel Macron a d\u00fb s’appuyer sur l’Allemagne \u2013\u00a0en adaptant sa strat\u00e9gie. Mettre l’Allemagne sous pression en allant d’abord chercher le soutien des autres \u00c9tats membres a pu assurer \u00e0 Paris des succ\u00e8s diplomatiques importants puisqu’\u00e0 l’\u00e8re Scholz, Berlin se laisse porter. Mais il n’est pas s\u00fbr que cela suffise \u00e0 l’heure o\u00f9, au plan interne, le Pr\u00e9sident doit commencer \u00e0 agir en \u00ab  chancelier  \u00bb.<\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":147606,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"templates\/post-angles.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1731],"tags":[],"geo":[1917],"class_list":["post-147598","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-politique","staff-joseph-de-weck","geo-europe"],"acf":[],"yoast_head":"\n2 \u2014 Le temps du d\u00e9fi<\/h3>\n\n\n\n
3 \u2014 De larges alliances pour mettre l’Allemagne sous pression<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
La strat\u00e9gie de l\u2019\u00e8re Scholz<\/strong><\/h2>\n\n\n\n
Berlin aime se laisser porter<\/strong><\/h2>\n\n\n\n