{"id":137848,"date":"2022-04-26T14:28:37","date_gmt":"2022-04-26T13:28:37","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=137848"},"modified":"2022-04-26T15:51:55","modified_gmt":"2022-04-26T13:51:55","slug":"la-societe-de-la-vie-comme-concept-strategique","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/04\/26\/la-societe-de-la-vie-comme-concept-strategique\/","title":{"rendered":"La \u00ab soci\u00e9t\u00e9 de la vie \u00bb comme concept strat\u00e9gique"},"content":{"rendered":"\n

Alors que commence une nouvelle \u00e9tape de l\u2019histoire de France<\/a>, au moment o\u00f9 tant de menaces p\u00e8sent sur ce pays, sur l\u2019Europe, sur la d\u00e9mocratie, sur l\u2019humanit\u00e9, sur la vie m\u00eame, il faut avoir le courage de faire une pause, au moins un instant de raison, pour replacer les multiples tsunamis informationnels qui nous assaillent dans un cadre th\u00e9orique aussi vaste que possible, dans le monde et le temps, dans la g\u00e9ographie et l\u2019histoire. Et soumettre, (comme il se doit au moins une fois de temps en temps), la tactique \u00e0 une strat\u00e9gie, la strat\u00e9gie \u00e0 un projet, le projet \u00e0 une vision du monde, la vision du monde \u00e0 une analyse de la dynamique de l\u2019histoire<\/a>.<\/p>\n\n\n\n

Et pour y parvenir, commencer par se poser la question qui d\u00e9termine toutes les autres  : de quoi peuvent mourir les communaut\u00e9s auxquelles nous appartenons  : le vivant, l\u2019humanit\u00e9, l\u2019Europe, la France, le territoire, l\u2019entreprise, la famille, et d\u2019autres encore.<\/p>\n\n\n\n

De quoi sommes-nous menac\u00e9s aujourd\u2019hui  ?<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Parmi toutes les menaces qui p\u00e8sent aujourd\u2019hui sur toutes les communaut\u00e9s auxquelles nous appartenons, on peut en nommer au moins sept, par ordre de probabilit\u00e9 d\u00e9croissant, sans ordre chronologique d\u2019apparition, ni hi\u00e9rarchie de gravit\u00e9. Sept menaces dont la mat\u00e9rialisation est assez vraisemblable pour qu\u2019on se pr\u00e9occupe d\u00e8s maintenant des r\u00e9ponses \u00e0 y apporter  :<\/p>\n\n\n\n

  1. Une crise climatique <\/em> : elle n\u2019est pas un risque, elle est une certitude<\/a>  : dans trois ans, l\u2019humanit\u00e9 aura atteint un point de non-retour et ne pourra plus ma\u00eetriser la dynamique de l\u2019\u00e9volution de la temp\u00e9rature de la plan\u00e8te. Et il en ira bient\u00f4t de m\u00eame pour un grand nombre d\u2019autres dimensions du vivant, dont les conditions tr\u00e8s particuli\u00e8res d\u2019existence sont aujourd\u2019hui tr\u00e8s largement remises en cause. Il est donc vital, pour tous les dirigeants du monde de prendre, s\u00e9par\u00e9ment et ensemble, des initiatives majeures, radicales, r\u00e9volutionnaires, pour que notre plan\u00e8te soit encore habitable dans trente ans.<\/li>
  2. Une famine mondiale <\/em> : l\u00e0 encore, il ne s\u2019agit pas d\u2019une catastrophe possible, mais d\u2019une catastrophe annonc\u00e9e<\/a>, qui a commenc\u00e9, dans certaines r\u00e9gions de l\u2019Afrique et de l\u2019Asie, et qui s\u2019est largement aggrav\u00e9e depuis peu, en particulier en raison de la guerre en Ukraine qui, quel que soit le sort des armes, privera la plan\u00e8te d\u2019une part tr\u00e8s importante de sa nourriture, et de ses engrais, pour au moins deux ans. Si on ne fait rien, cette famine entra\u00eenera la mort de millions de gens dans tous les continents et provoquera d\u2019\u00e9normes mouvements de population, qu\u2019aucune barri\u00e8re populiste ne pourra retenir si on ne prend pas les devants pour aider ces populations \u00e0 disposer des moyens autonomes de se nourrir.<\/li>
  3. Une p\u00e9nurie de mati\u00e8res premi\u00e8res strat\u00e9giques<\/em>  : certaines mati\u00e8res premi\u00e8res (telles le graphite, le lithium, le titane, le nickel, le cobalt, le mangan\u00e8se et les aimants) sont de plus en plus rares  ; on en consomme de plus en plus, et elles sont en particulier vitales pour les industries de l\u2019avenir. Par exemple les batteries (sur lesquelles on fonde une partie des espoirs de ma\u00eetrise du d\u00e9r\u00e8glement climatique) et les \u00e9oliennes, d\u00e9pendent les unes et les autres de mat\u00e9riaux qu\u2019on ne trouve en quantit\u00e9 que dans un ou deux pays au comportement aussi peu pr\u00e9visible que la Chine (pour les aimants) et la Russie (pour le titane), sans qu\u2019on dispose pour le moment de solution de rechange. Que se passera-t-il alors quand une grande partie des cha\u00eenes de production de batteries, d\u2019ordinateurs, de panneaux solaires, d\u2019\u00e9oliennes, de v\u00e9hicules de toute nature sera interrompue mondialement \u00e0 cause d\u2019un blocage de ce genre  ? Que fait-on pour s\u2019y pr\u00e9parer  ? Pour rompre cette d\u00e9pendance mortif\u00e8re  ?<\/li>
  4. Une guerre nucl\u00e9aire avec la Russie<\/em>  : le conflit actuel, \u00e9pouvantable, monstrueux, dans lequel une arm\u00e9e d\u00e9porte, torture, viole, tue et nie l\u2019existence m\u00eame d\u2019un peuple fr\u00e8re et voisin<\/a>, ne fait vraisemblablement que commencer. Il pourrait, en s\u2019aggravant, conduire les d\u00e9mocraties \u00e0 soutenir de plus en plus ce peuple martyr, pas seulement par des livraisons d\u2019armes, mais aussi en devenant de plus en plus clairement partie prenante dans ce conflit. En particulier si, dans quelques semaines, il devrait empirer par l\u2019usage, par la Russie, sur le territoire ukrainien, d\u2019armes chimiques ou par des bombardements d\u2019usines chimiques ou nucl\u00e9aires, ou m\u00eame par l\u2019usage de bombes nucl\u00e9aires tactiques ou strat\u00e9giques. Un tel sc\u00e9nario, aussi fou soit-il<\/a>, est parfaitement vraisemblable, juste avant ou juste apr\u00e8s le 9 mai prochain, date anniversaire de la victoire de l\u2019Arm\u00e9e Rouge sur les arm\u00e9es hitl\u00e9riennes. On pourrait en particulier craindre que, la victoire en Ukraine devenant hors de port\u00e9e, la Russie d\u00e9cide d\u2019\u00e9largir le champ de bataille \u00e0 quelques pays voisins en Europe. Et ce serait la troisi\u00e8me guerre mondiale  ; la vraie premi\u00e8re guerre thermonucl\u00e9aire. L\u2019humanit\u00e9 n\u2019y survivrait pas. Que faire pour le pr\u00e9venir  ? Se coucher  ? Rester plus vite encore  ?<\/li>
  5. Une nouvelle pand\u00e9mie<\/em> mondiale<\/em> : aucun expert n\u2019exclut (et certains m\u00eames consid\u00e8rent comme tr\u00e8s probable) qu\u2019un nouveau variant, de ce virus ou d\u2019un autre, vienne un jour attaquer de nouveau massivement l\u2019esp\u00e8ce humaine. De fait, celui qui nous assaille encore aujourd\u2019hui est loin d\u2019\u00eatre vaincu. Serons-nous pr\u00eats \u00e0 faire le meilleur usage de la science pour nous pr\u00e9munir d\u2019un nouveau tsunami \u00e9pid\u00e9mique ? Serons-nous capable, pour nous d\u00e9fendre, de nous unir et de pr\u00e9server la d\u00e9mocratie, l\u00e0 o\u00f9 elle existe  ?<\/li>
  6. Une crise financi\u00e8re mondiale <\/em> : depuis quinze ans, on n\u2019a r\u00e9solu aucune crise, qu\u2019elle qu\u2019en soit \u00e9conomique, sociale, financi\u00e8re, sanitaire ou \u00e9cologique  : on n\u2019a fait qu\u2019augmenter la charge des d\u00e9penses n\u00e9cessaires pour maintenir nos soci\u00e9t\u00e9s en \u00e9tat de marche, en roulant devant nous une boule de dettes de plus en plus grosse. Les cons\u00e9quences en sont depuis tr\u00e8s longtemps pr\u00e9visible  : un retour d\u2019une inflation majeure, aggrav\u00e9e par les \u00e9v\u00e9nements qui pr\u00e9c\u00e8dent  ; des dettes, publiques comme priv\u00e9es, de plus en plus \u00e9normes, devant supporter des charges d\u2019int\u00e9r\u00eats de plus en plus \u00e9lev\u00e9es, jusqu\u2019\u00e0 rendre insolvables les nations, les villes, les entreprises les m\u00e9nages les plus endett\u00e9es. On devra alors fermer des \u00e9coles et des h\u00f4pitaux, interrompre des programmes essentiels de lutte contre le r\u00e9chauffement climatique. Qui veut cela  ? Que fait-on pour s\u2019y pr\u00e9parer, ou mieux, pour l\u2019\u00e9viter  ?<\/li>
  7. Une crise politique mondiale <\/em>d\u00e9coulerait alors d\u2019une prise de conscience de l\u2019incapacit\u00e9 des dirigeants \u00e0 ma\u00eetriser ces enjeux, \u00e0 sauver le monde. Les dirigeants seraient balay\u00e9s  ; une p\u00e9riode tr\u00e8s sombre commencerait. L\u00e0 encore, que fait-on pour am\u00e9liorer la gouvernance mondiale avant que cette crise ne commence ?<\/li><\/ol>\n\n\n\n

    De quoi est menac\u00e9e la d\u00e9mocratie  ? <\/strong><\/h2>\n\n\n\n

    Si de telles crises se mat\u00e9rialisent, elles toucheraient en premier lieu les d\u00e9mocraties.<\/p>\n\n\n\n

    D\u2019abord parce que montera une demande de protection, d\u2019autonomie, d\u2019isolement, d\u2019autorit\u00e9, de prise en compte des menaces du long terme, qu\u2019aucun gouvernement d\u00e9mocratique actuel ne peut assumer sans mettre en cause son essence m\u00eame. On voit d\u00e9j\u00e0 en Pologne, en Hongrie<\/a>, en Inde, en Indon\u00e9sie, en Ethiopie les d\u00e9mocraties basculer dans ce qu\u2019on nomme pudiquement \u00ab l\u2019illib\u00e9ralisme \u00bb  : il est l\u2019antichambre du totalitarisme.<\/p>\n\n\n\n

    On voit d\u00e9j\u00e0 en Pologne, en Hongrie, en Inde, en Indon\u00e9sie, en Ethiopie les d\u00e9mocraties basculer dans ce qu\u2019on nomme pudiquement \u00ab l\u2019illib\u00e9ralisme \u00bb  : il est l\u2019antichambre du totalitarisme.<\/p>Jacques Attali<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

    Ensuite parce que tout se met en place, comme attendu depuis longtemps, pour que les plus grandes entreprises mondiales prennent leur ind\u00e9pendance \u00e0 l\u2019\u00e9gard des \u00c9tats, et en particulier des d\u00e9mocraties, dont ils sont originaires<\/a>. C\u2019\u00e9tait facile \u00e0 pr\u00e9voir  : les entreprises sont, par nature, sans fronti\u00e8res (g\u00e9ographique et de domaine de comp\u00e9tence) alors que les nations sont d\u00e9finies par des fronti\u00e8res et que les \u00c9tats ne peuvent ais\u00e9ment modifier leurs domaines de comp\u00e9tence. Aussi, voit-on de plus en plus les tr\u00e8s grandes entreprises  ; en particulier les grandes plateformes, (qu\u2019on nomme les GAFAM), \u00e9chapper aux r\u00e8gles fix\u00e9es par les \u00c9tats d\u00e9mocratiques. Ceux-ci ont encore les moyens de les ma\u00eetriser, comme l\u2019ont fait les dirigeants chinois avec les leurs, les BATX. Mais dans peu de temps, ces entreprises mondiales leurs \u00e9chapperont et n\u2019auront \u00e0 rendre de compte qu\u2019\u00e0 leurs actionnaires, pour la nature des messages qu\u2019elles v\u00e9hiculent, et pour la nature des produits qu\u2019elles mettent sur le march\u00e9. Elles organiseront alors une hypersurveillance g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e des travailleurs et des consommateurs pour leurs propres compte, en contr\u00f4lant les comportements de leurs employ\u00e9s, de leurs clients, de leurs investisseurs, qui trouveront des avantages \u00e0 jouir de cette servitude marchande, en leur faisant, comme toujours, miroiter une vie plus longue, avec beaucoup moins de douleur et beaucoup plus d\u2019amour.<\/p>\n\n\n\n

    Enfin, j\u2019ai expliqu\u00e9 ailleurs et depuis longtemps qu\u2019il n\u2019y a rien de plus dangereux qu\u2019un tel march\u00e9 mondialis\u00e9 sans r\u00e8gle de droit plan\u00e9taire. Ce sera le r\u00e8gne du court terme absolu, de la corruption, de la marchandisation de tous les rapports sociaux. Ce sera l\u2019abandon de tous les grands combats contre les crises lorsqu\u2019elles sont sources de profit. Ce sera la poursuite de l\u2019\u00e9volution commenc\u00e9e d\u00e8s l\u2019apparition du march\u00e9, il y a quelque chose comme dix mille ans, qui pousse \u00e0 transformer en objet produits en s\u00e9rie tous les services \u00e9chang\u00e9s entre les humains, jusque et y compris les humains eux m\u00eame. Et c\u2019est cette artificialisation qui d\u00e9truit la nature, en d\u00e9r\u00e8gle les lois, instille en chaque homme des milliers de proth\u00e8ses, pour lui \u00e9viter la maladie, la douleur, l\u2019ins\u00e9curit\u00e9, l\u2019ignorance. Pour le distraire. Pour lui faire oublier qu\u2019il est mortel.<\/p>\n\n\n\n

    Si l\u2019humanit\u00e9 ne s\u2019autod\u00e9truit pas avant par la guerre, par les d\u00e9r\u00e8glements de son environnement ou par une autre des crises qui l\u2019attendent, on assistera \u00e0 l\u2019artificialisation totale du vivant  ; l\u2019humanit\u00e9 deviendra un artefact produit par des artefacts, une collection d\u2019objets reproductibles. Elle ne pourra pas survivre. Et pourtant, elle mourra de la peur de la mort\u2026 <\/em><\/p>\n\n\n\n

    Si l\u2019humanit\u00e9 ne s\u2019autod\u00e9truit pas avant par la guerre, par les d\u00e9r\u00e8glements de son environnement ou par une autre des crises qui l\u2019attendent, on assistera \u00e0 l\u2019artificialisation totale du vivant<\/p>Jacques Attali<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

    De quoi l\u2019Europe est-elle, en plus, sp\u00e9cifiquement menac\u00e9e  ? <\/strong><\/h2>\n\n\n\n

    Dans ce maelstrom, l\u2019Europe est aujourd\u2019hui un havre relatif de paix et de bonheur. C\u2019est un continent d\u2019une immense diversit\u00e9, unie par l\u2019amour de la d\u00e9mocratie, un climat temp\u00e9r\u00e9, des ressources consid\u00e9rables, une des r\u00e9gions les plus riches du monde, sinon la plus riche et la plus puissante. On y trouve une libert\u00e9 politique inconnue partout ailleurs, les d\u00e9mocraties les plus avanc\u00e9es, quelques-uns des meilleurs h\u00f4pitaux du monde  ; des chercheurs exceptionnels  ; des entreprises \u00e0 la pointe dans tous les domaines. Des activit\u00e9s culturelles uniques au monde. Et c\u2019est en Europe que s\u2019exp\u00e9rimente, avec des succ\u00e8s consid\u00e9rables, malgr\u00e9 les difficult\u00e9s, ce que pourrait \u00eatre un jour une gouvernance mondiale pr\u00e9servant la diversit\u00e9 des peuples et des nations.<\/p>\n\n\n\n

    Pour toutes ses raisons, personne, hors de ce continent, n\u2019a int\u00e9r\u00eat \u00e0 son succ\u00e8s  ; et sa survie m\u00eame est menac\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n

    Par ses concurrents \u00e9conomiques et g\u00e9opolitiques, qui voudront lui prendre tous ces tr\u00e9sors, lui ravir tous ses march\u00e9s et lui interdire tout moyen de puissance. On verra les principales entreprises europ\u00e9ennes \u00eatre rachet\u00e9es par des fonds d\u2019investissement ou des concurrents venus d\u2019ailleurs. On verra les puissances non europ\u00e9ennes, ennemis par ailleurs, s\u2019accorder pour emp\u00eacher l\u2019Union de se doter des v\u00e9ritables moyens de la puissance et de la souverainet\u00e9 industrielle, politique et militaire. <\/p>\n\n\n\n

    Par ceux qui ne pourront tol\u00e9rer que la r\u00e9ussite d\u2019un mod\u00e8le d\u00e9mocratique donne des id\u00e9es \u00e0 leurs propres citoyens les poussant \u00e0 se r\u00e9volter et \u00e0 leurs vassaux, les poussant \u00e0 quitter leur orbite. C\u2019est ce qui se joue d\u00e9j\u00e0 aujourd\u2019hui en Ukraine, dont l\u2019adh\u00e9sion aux valeurs europ\u00e9ennes conduit \u00e0 une \u00e9volution intol\u00e9rable pour la Russie, qui y perd son berceau identitaire, et qui ne peut tol\u00e9rer la perspective d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 d\u00e9mocratique \u00e0 ses portes, faisant miroiter \u00e0 ses habitants la perspective de succ\u00e8s \u00e9conomiques et d\u2019une libert\u00e9 politique inconnus en Russie depuis sa fondation.<\/p>\n\n\n\n

    Au total, presque tous les pays hors de l\u2019Union, de la Chine aux \u00c9tats-Unis, de la Russie \u00e0 la Grande Bretagne, ne peuvent tol\u00e9rer son succ\u00e8s et ils feront tout pour s\u2019y opposer, pour la d\u00e9truire. De toutes les fa\u00e7ons possibles.<\/p>\n\n\n

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    \n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\tPolitiques de l’interr\u00e8gne\t\t\t\t\t<\/a>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t
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    Agencer des pi\u00e8ces de doctrine pour faire la politique de nos ann\u00e9es Vingt.<\/p>\n

    Le premier volume du Grand Continent para\u00eet chez Gallimard. Il cartographie les recompositions du monde qui vient.<\/p>\n

    Politiques de l’interr\u00e8gne<\/em> est disponible en librairie.<\/p>\n\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t

    \n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\u2192<\/span> D\u00e9couvrir notre offre de lancement<\/a>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t<\/div>\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t
    \n\t\t\t\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\n\t\t\t\t\t\t\t\t<\/a> \n\t\t\t\t\t\t\t<\/div>\n\n\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\t\n\t\t\t<\/div>\n\t\t<\/div>\n\t<\/div>\n<\/section>\n\n\n\n

    Le danger est grand alors, dans le grand maelstrom du monde, de voir l\u2019Europe finir par \u00eatre soumise \u00e0 des r\u00e8gles de droit \u00e9trang\u00e8res, fix\u00e9 \u00e0 Washington \u00e0 New York, en Californie, ou \u00e0 Shanghai<\/a>, et finir par se dissoudre dans un grand march\u00e9 mondial, o\u00f9 elle n\u2019aurait plus son mot \u00e0 dire, dont elle ne serait plus que le mus\u00e9e, et d\u2019o\u00f9 partiraient tous les jeunes \u00e0 la recherche de r\u00e9ussite et de libert\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

    Dans cette Europe-l\u00e0, la France perdrait aussi les derniers lambeaux de sa souverainet\u00e9 et continuerait de se d\u00e9faire, contrainte d\u2019adopter la langue, la culture, le syst\u00e8me juridique, les valeurs et les proc\u00e9dures du communautarisme \u00e0 l\u2019anglo-saxonne. <\/p>\n\n\n\n

    Pour autant, et justement parce que ces menaces s\u2019accumulent, jamais le projet europ\u00e9en n\u2019aura \u00e9t\u00e9 plus n\u00e9cessaire. Si cette petite flamme d\u00e9mocratique s\u2019\u00e9teignait, il n\u2019y aurait plus grand-chose \u00e0 esp\u00e9rer de la d\u00e9mocratie sur la plan\u00e8te  : ce n\u2019est pas la caricature am\u00e9ricaine qui pourrait en prendre le relais. De plus, si l\u2019Europe \u00e9choue, comment pourrait-on esp\u00e9rer r\u00e9ussir un jour \u00e0 l\u2019\u00e9chelle de la plan\u00e8te tout enti\u00e8re ce qu\u2019on n\u2019aurait pas pu conclure avec le vingti\u00e8me de la population totale du monde  ? <\/p>\n\n\n\n

    Il est donc urgent de se souvenir que l\u2019histoire est tragique  ; qu\u2019elle ob\u00e9it \u00e0 des lois qu\u2019on peut cerner, que bien des \u00e9v\u00e8nements, pendant les cinq prochaines ann\u00e9es s\u2019inscriront dans ces tendances, menaceront le niveau de vie, le bien-\u00eatre et les libert\u00e9s publiques des d\u00e9mocraties  ; et qu\u2019il faudra, pour les affronter, choisir des dirigeants conscients cette lecture de l\u2019histoire, et de l\u2019importance d\u2019une coop\u00e9ration de tous les instants entre tous ceux qu\u2019on aura install\u00e9, pour quelque temps, en Europe, dans la cabine de pilotage de l\u2019avion de nos destin\u00e9es.<\/p>\n\n\n\n

    Un concept strat\u00e9gique  : la soci\u00e9t\u00e9 de la vie<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

    On pourrait alors aligner ici une succession de mesures \u00e0 prendre pour tenter d\u2019\u00e9viter ces d\u00e9sastres annonc\u00e9s. Cela n\u2019aurait aucun sens, cela ne servirait \u00e0 rien si l\u2019on ne d\u00e9finit pas d\u2019abord un concept strat\u00e9gique clair et une m\u00e9thode efficace pour mener \u00e0 bien ces combats.<\/p>\n\n\n\n

    Le cadre strat\u00e9gique ne peut pas \u00eatre le lib\u00e9ralisme, qui ne conduirait qu\u2019\u00e0 l\u2019abandon de notre destin aux lois mortif\u00e8res du march\u00e9. Il ne peut pas \u00eatre non plus la social-d\u00e9mocratie, qui se r\u00e9duit encore \u00e0 penser comment organiser au mieux la protection des victimes des rigueurs du capitalisme. Il ne peut pas non plus se d\u00e9finir par la n\u00e9gation absolue du capitalisme, que pourrait en th\u00e9orie justifier l\u2019urgence d\u2019interrompre le processus d\u2019artificialisation du vivant. Ni par la n\u00e9gation de la d\u00e9mocratie, sous pr\u00e9texte qu\u2019elle ne sert que les int\u00e9r\u00eats les plus imm\u00e9diats. Car le march\u00e9, comme la d\u00e9mocratie, restent des proc\u00e9dures irrempla\u00e7ables.<\/p>\n\n\n\n

    Le march\u00e9 est le moyen le moins tragique pour g\u00e9rer la raret\u00e9 des biens priv\u00e9s et la d\u00e9mocratie le moyen le moins totalitaire de g\u00e9rer la raret\u00e9 des biens publics. Mais pour \u00e9viter que le march\u00e9 l\u2019emporte sur la d\u00e9mocratie, il faut tracer des fronti\u00e8res claires entre ce qui peut \u00eatre marchand et ce qui ne doit pas l\u2019\u00eatre, d\u00e9signer clairement quelles activit\u00e9s marchandes doivent \u00eatre encourag\u00e9es ou condamn\u00e9es et trouver une fa\u00e7on de donner un droit de vote aux g\u00e9n\u00e9rations futures, grandes oubli\u00e9es des m\u00e9canismes autres.<\/p>\n\n\n\n

    Le march\u00e9 est le moyen le moins tragique pour g\u00e9rer la raret\u00e9 des biens priv\u00e9s et la d\u00e9mocratie le moyen le moins totalitaire de g\u00e9rer la raret\u00e9 des biens publics.<\/p>Jacques ATtali<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

    Et pour cela, il faudra encadrer les proc\u00e9dures \u00e9lectorales dans les d\u00e9mocraties de march\u00e9 par des m\u00e9canismes r\u00e9gulateurs prot\u00e9geant l\u2019int\u00e9r\u00eat des g\u00e9n\u00e9rations futures. Et pour cela, sanctuariser une partie du vivant et r\u00e9orienter les productions humaines vers celles qui sont le plus utiles aux g\u00e9n\u00e9rations futures. <\/p>\n\n\n\n

     Pour qu\u2019une telle soci\u00e9t\u00e9 puisse fonctionner, il faut d\u2019abord qu\u2019elle pr\u00e9serve et d\u00e9veloppe les activit\u00e9s non marchandes (le partage, les activit\u00e9s sportives, artistiques et politiques, la pratique de la vie en commun, l\u2019apprentissage, la conversation, la transmission), clairement favorables au bien-\u00eatre des g\u00e9n\u00e9rations futures. <\/p>\n\n\n\n

    Il faut ensuite que le march\u00e9 se r\u00e9oriente vers la production de biens et d\u2019emplois dans les secteurs qui, de pr\u00e8s ou de loin, se donnent pour mission la d\u00e9fense de la vie  : la sant\u00e9, l\u2019alimentation, l’hygi\u00e8ne, l\u2019\u00e9ducation, la recherche, l\u2019innovation, les \u00e9nergies durables, l\u2019information, la culture, l\u2019art, la d\u00e9mocratie, la d\u00e9fense, la s\u00e9curit\u00e9, la logistique, le commerce, la finance durable. Ces secteurs forment ce que je nomme \u00ab l’\u00e9conomie de la vie \u00bb. Ils \u00e9taient, jusque tr\u00e8s r\u00e9cemment, fait principalement de services, et donc ne portaient pas de potentialit\u00e9 de croissance \u2013 qui suppose l\u2019augmentation de la productivit\u00e9 d\u00e9coulant de l\u2019industrialisation d\u2019un service. Depuis peu, ils sont faits aussi d\u2019industries, capables d\u2019innover et d\u2019am\u00e9liorer sans cesse leur capacit\u00e9 \u00e0 remplir leur mission.<\/p>\n\n\n\n

    Il faut aussi reconvertir les autres secteurs, qui forment \u00ab l\u2019\u00e9conomie de la mort<\/em> \u00bb, et qui aujourd\u2019hui, dans tous les pays, repr\u00e9sentent l\u2019essentiel de la production marchande  : pas une mince affaire, puisqu\u2019il faudra reconvertir tout ce qui exige l\u2019usage d\u2019\u00e9nergies fossiles (l\u2019industrie p\u00e9troli\u00e8re et gazi\u00e8re, l\u2019industrie automobile, la chimie, le plastique, la mode, le tourisme) ou de sucres artificiels et autres drogues (une grande partie de l\u2019alimentation).<\/p>\n\n\n\n

    Il faut enfin faire en sorte que les richesses ainsi produites soient \u00e9quitablement r\u00e9parties et c\u2019est pour l\u2019essentiel le r\u00f4le de la fiscalit\u00e9, qui ne peut \u00eatre v\u00e9ritablement efficace que si elle s\u2019inscrit dans des r\u00e8gles plan\u00e9tairement mises en \u0153uvre.<\/p>\n\n\n\n

    Tout cela ensemble formera une \u00ab soci\u00e9t\u00e9 de la vie \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

    Il faut reconvertir les secteurs forment \u00ab l\u2019\u00e9conomie de la mort<\/em> \u00bb et qui aujourd\u2019hui, dans tous les pays, repr\u00e9sentent l\u2019essentiel de la production marchande.<\/p>Jacques Attali<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

    Comment agir  ? Une \u00e9conomie de guerre au service de la soci\u00e9t\u00e9 de la vie<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

    Pendant les crises r\u00e9centes, chacun de nous, \u00e0 titre personnel ou collectif, a senti l\u2019urgence de reprendre en main sa vie, de redevenir souverain<\/em>  ; en particulier la France et l\u2019Europe ont ressenti combien elles \u00e9taient d\u00e9pendantes du reste du monde, dans des domaines essentiels  : des \u00c9tats-Unis pour la d\u00e9fense, de la Russie pour l\u2019\u00e9nergie, de la Chine pour les terres rares et tant d\u2019autres choses. <\/p>\n\n\n\n

    Il ne faut pas se faire d\u2019illusion excessive  : aucun \u00eatre mortel ne peut, par nature, \u00eatre souverain, puisqu\u2019il ne contr\u00f4le pas l\u2019essentiel, c\u2019est-\u00e0-dire la date de sa mort. Et m\u00eame dans le cadre limit\u00e9 de nos vies, quiconque vit en soci\u00e9t\u00e9, m\u00eame la plus d\u00e9mocratique, ne peut \u00eatre pleinement souverain puisqu\u2019il doit tenir compte de la souverainet\u00e9 des autres. Cela est vrai de l\u2019individu, de la famille, de la commune, de la nation, du monde, et m\u00eame de l\u2019humanit\u00e9. Et la nature elle-m\u00eame, dont l\u2019homme n\u2019est pas le souverain, n\u2019est pas souveraine non plus puisqu\u2019elle est d\u00e9termin\u00e9e dans son \u00e9volution par des contraintes cosmologiques. Alors, que nous reste-t-il, sinon de tenter, tout au long de nos vies et de l\u2019histoire, d\u2019\u00e9carter les murs de notre prison ?<\/p>\n\n\n\n

    Bien des obstacles se sont dress\u00e9s en travers de ce grand mouvement historique. Des syst\u00e8mes religieux, id\u00e9ologiques et politiques ont tout fait pour emp\u00eacher d\u2019y parvenir. Aujourd\u2019hui encore, un tr\u00e8s grand nombre d\u2019humains, surtout des femmes, n\u2019ont aucun contr\u00f4le de leur propre vie.<\/p>\n\n\n\n

    Pour y parvenir, il faut faire construire une soci\u00e9t\u00e9 de la vie<\/em>, passant notre appareil industriel en \u00e9conomie de guerre<\/a> , pour produire \u00e0 marche forc\u00e9e les moyens de l\u2019\u00e9conomie de la vie et r\u00e9orienter, \u00e0 marche forc\u00e9e, les secteurs de l’\u00e9conomie de la mort.<\/p>\n\n\n\n

    Il faut faire construire une soci\u00e9t\u00e9 de la vie<\/em>, passant notre appareil industriel en \u00e9conomie de guerre, pour produire \u00e0 marche forc\u00e9e les moyens de l\u2019\u00e9conomie de la vie et r\u00e9orienter, \u00e0 marche forc\u00e9e, les secteurs de l’\u00e9conomie de la mort.<\/p>Jacques Attali<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

    Par exemple, il est un secret de polichinelle que nos arm\u00e9es, comme celles de tous les autres pays europ\u00e9ens, vont bient\u00f4t manquer cruellement de munitions et d\u2019armement  ; surtout si elles continuent, ce qui est \u00e0 leur honneur, de trouver et de fournir les moyens de se d\u00e9fendre et de contre attaquer \u00e0 ceux qui, en Ukraine, r\u00e9sistent en notre nom \u00e0 l\u2019avanc\u00e9e de la dictature. Au rythme actuel, nos forces seront bient\u00f4t, si elles ne le sont pas d\u00e9j\u00e0, hors d\u2019\u00e9tat d\u2019assurer leur posture dissuasive, encore moins une posture offensive si le malheur voulait qu\u2019elle devienne n\u00e9cessaire. Il serait donc urgent, tr\u00e8s urgent, de mettre les entreprises industrielles du secteur de la d\u00e9fense au travail \u00e0 marche forc\u00e9e  ; de leur faire produire armements et munitions 24 heures sur 24, et 7 jours sur 7, en payant pour cela le prix qu\u2019il faut, \u00ab quoi qu\u2019il en co\u00fbte \u00bb. En le compl\u00e9tant par la reconversion, provisoire ou d\u00e9finitive, d\u2019entreprises, ou au moins d\u2019usines parfaitement adaptables \u00e0 ces besoins nouveaux  : par exemple, toute l\u2019industrie automobile pourrait produire des armements. <\/p>\n\n\n\n

    Cette urgence est aussi justifi\u00e9e pour tous les autres secteurs de l\u2019\u00e9conomie de la vie, \u00e0 d\u00e9velopper  ; et pour ceux de l\u2019\u00e9conomie de la mort, \u00e0 reconvertir. Ainsi par exemple de celui du tourisme, qui doit devenir au plus vite celui de l\u2019hospitalit\u00e9, dans les acceptions de ce mot. Et ce sera passionnant. Il faut le faire tr\u00e8s vite, pour tenir compte de l\u2019imminence des crises dont il a \u00e9t\u00e9 question plus haut.<\/p>\n\n\n\n

    Passer en \u00e9conomie de guerre pour promouvoir la soci\u00e9t\u00e9 de la vie<\/em> n\u00e9cessitera une v\u00e9ritable mobilisation de l\u2019opinion, et des d\u00e9cisions radicales  : r\u00e9mun\u00e9rer beaucoup plus le travail et en particulier les heures suppl\u00e9mentaires pour produire \u00e0 marche forc\u00e9e les outils n\u00e9cessaires \u00e0 la transition \u00e9nerg\u00e9tique et agro-alimentaire ; accorder des pr\u00eats bonifi\u00e9s illimit\u00e9s \u00e0 tout industriel se lan\u00e7ant de fa\u00e7on cr\u00e9dible dans une production de ce type ou convertissant des lignes de production de l\u2019\u00e9conomie de la mort. On en est loin.<\/p>\n\n\n\n

    Plus g\u00e9n\u00e9ralement, le <\/em>\u00ab quoiqu\u2019il en co\u00fbte<\/em> \u00bb devrait concerner non plus la demande mais aussi et surtout l\u2019offre<\/em>. Et en priorit\u00e9 l\u2019offre de biens de tous les secteurs de l\u2019\u00e9conomie de la vie  ? <\/p>\n\n\n\n

    Cela exige une pr\u00e9paration, une organisation, des recrutements, une lib\u00e9ration de l\u2019initiative pratique et technique \u00e0 tous les niveaux dans les organisations, une volont\u00e9 administrative et surtout politique, de tous et de tous les instants. Cela devrait \u00eatre aussi un projet commun de tous les membres de l\u2019Union europ\u00e9enne, appelant le continent \u00e0 se donner les moyens de sa souverainet\u00e9, condition, on le voit aujourd\u2019hui clairement, de la sauvegarde de son mode de vie, et de son niveau de vie. Cela ne serait pas simple, \u00e9videmment, en particulier \u00e0 ce moment de l\u2019histoire, o\u00f9 l\u2019Europe est confront\u00e9e \u00e0 un grand moment de v\u00e9rit\u00e9  : faudra-t-il aller jusqu\u2019\u00e0 faire la guerre hors de nos fronti\u00e8res  ? Et comment prendre une telle d\u00e9cision en commun alors que seule la France, dans l\u2019Union, dispose d\u2019une arm\u00e9e digne de ce nom, sans avoir les moyens d\u2019assurer seule la protection de ses voisins  ? Comment penser un projet europ\u00e9en quand, face \u00e0 toutes les urgences, on n’a eu, depuis quinze ans, en Allemagne, qu\u2019une chanceli\u00e8re arc-bout\u00e9e sur son droit d\u2019\u00eatre le pays de la r\u00e9gion le plus puissant \u00e9conomiquement sans avoir la moindre obligation d\u2019assurer sa propre d\u00e9fense  ? Comment penser un projet commun de d\u00e9fense de ce qui nous unit quand chacun ne pense qu\u2019\u00e0 se ranger sous le parapluie d\u2019une arm\u00e9e non europ\u00e9enne, dont la garantie est de plus en plus illusoire  ?<\/p>\n\n\n\n

    Faudra-t-il aller jusqu\u2019\u00e0 faire la guerre hors de nos fronti\u00e8res  ? Et comment prendre une telle d\u00e9cision en commun alors que seule la France, dans l\u2019Union, dispose d\u2019une arm\u00e9e digne de ce nom, sans avoir les moyens d\u2019assurer seule la protection de ses voisins  ?<\/p>Jacques Attali<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

    Quelques propositions concr\u00e8tes pour une \u00ab soci\u00e9t\u00e9 europ\u00e9enne de la vie \u00bb<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

    C\u2019est tout cela qu\u2019il faut changer et cela ne sera pas simple. <\/p>\n\n\n\n

    Il faudra pouvoir se doter des moyens d\u2019une v\u00e9ritable politique de la vie. Ce qui supposerait de se doter de moyens communs de s\u00e9curit\u00e9 et de d\u00e9fense, en les finan\u00e7ant en commun, dans une conception globale d\u2019une \u00ab soci\u00e9t\u00e9 europ\u00e9enne de la vie<\/em> \u00bb.<\/em> <\/p>\n\n\n\n

    Cela supposera de r\u00e9orienter toute les politiques nationales de d\u00e9fense et de s\u00e9curit\u00e9, les politiques de sant\u00e9, d\u2019\u00e9ducation, les politiques agricoles et industrielles de l\u2019Union selon ce concept strat\u00e9gique  ; de transformer la BEI, plus grande banque publique du monde, en la \u00ab Banque de l\u2019\u00c9conomie de la vie \u00bb et pas seulement en une banque du climat  ; de faire prendre acte de la n\u00e9cessit\u00e9 de se mettre tous ensemble en \u00e9conomie de guerre, pour garantir au plus vite notre souverainet\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

    [Depuis le tout d\u00e9but de l\u2019invasion de la Russie de l\u2019Ukraine, avec nos cartes, nos analyses et nos perspectives nous avons aid\u00e9 presque 2 millions de personnes \u00e0 comprendre les transformations g\u00e9opolitiques de cette s\u00e9quence. Si vous trouvez notre travail utile et vous pensez qu\u2019il m\u00e9rite d\u2019\u00eatre soutenu, vous pouvez vous abonner ici<\/a>.]<\/em><\/p>\n\n\n\n

    Bien des r\u00e9formes institutionnelles d\u00e9couleront de ce cadre strat\u00e9gique. Il faudra d\u2019abord que l\u2019Union soit capable d\u2019 imposer chez elle, puis ailleurs, le respect de ses propres r\u00e8gles de droit  ; qu\u2019elle dispose de r\u00e9glementations anti-corruption qui lui soit propres  ; qu\u2019elle promeuve l\u2019usage de sa monnaie, et des services de paiement europ\u00e9ens  ; qu\u2019elle contr\u00f4le les investissements \u00e9trangers dans les secteurs de l\u2019\u00e9conomie de la vie  ; qu\u2019elle mette en place \u00e0 ses fronti\u00e8res une taxe carbone, \u00e0 un niveau cr\u00e9dible  ; qu\u2019elle renforce le pouvoir de son parlement  ; qu\u2019elle fasse vraiment \u00e9lire ceux qui la dirigent au suffrage universel, condition d\u2019une gouvernance l\u00e9gitime.<\/p>\n\n\n\n

    La France ne pourra y jouer un r\u00f4le plein et entier que si elle redevient une puissance industrielle dans les domaines de la vie, si elle renforce sa puissance militaire et si elle s\u2019appuie sur ce qui fait son identit\u00e9, la francophonie.<\/p>\n\n\n\n

    Tout cela d\u00e9finit une strat\u00e9gie  : une soci\u00e9t\u00e9 de la vie par une \u00e9conomie de guerre. Cela supposerait une action continue, qui commencerait maintenant et qui durerait au moins vingt ans. Soit la dur\u00e9e de quatre mandats pr\u00e9sidentiels.<\/p>Jacques Attali<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

    Tout cela ne sera pas que l\u2019affaire des gouvernements  : les Europ\u00e9ens commencent \u00e0 comprendre que l\u2019avenir d\u00e9pend d\u2019eux bien plus que de leurs \u00e9lus  ; si l\u2019\u00e9cole va mal, c\u2019est beaucoup \u00e0 cause des parents, des professeurs, des \u00e9l\u00e8ves, et pas seulement \u00e0 cause des budgets et des programmes ; si le syst\u00e8me de sant\u00e9 va mal, ce n\u2019est pas seulement \u00e0 cause de l\u2019incurie des minist\u00e8res mais aussi beaucoup \u00e0 cause de l\u2019absence d\u2019hygi\u00e8ne, le manque de pratique sportive, une alimentation d\u00e9sastreuse, et des gaspillages de toute nature ; si l\u2019int\u00e9gration se passe mal, ce n\u2019est pas seulement \u00e0 cause des moyens insuffisants des politiques publiques, mais aussi parce que les plus riches refusent de partager leurs \u00e9coles avec les enfants des autres classes sociales  ; si le d\u00e9ficit ext\u00e9rieur du pays est si catastrophique, ce n\u2019est pas seulement par la faute d\u2019une strat\u00e9gie industrielle inexistante ou d\u2019un syst\u00e8me bancaire d\u2019une prudence suicidaire, mais par la faute de tout un pays incapable de produire ce qu\u2019il veut consommer  ; si notre d\u00e9mocratie est si menac\u00e9e, ce n\u2019est pas seulement la faute de ceux qui, au sommet, ne la respecte pas, mais aussi par le trop petit nombre de ceux qui ont le courage quotidien de ne pas baisser les yeux devant ceux qui la menacent et d\u2019en d\u00e9fendre les valeurs et les principes, dont celui de la la\u00efcit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

    Tout cela d\u00e9finit une strat\u00e9gie  : une soci\u00e9t\u00e9 de la vie par une \u00e9conomie de guerre. Cela supposerait une action continue, qui commencerait maintenant et qui durerait au moins vingt ans. Soit la dur\u00e9e de quatre mandats pr\u00e9sidentiels.<\/p>\n\n\n\n

    Osera-t-on  ?<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

    Dans la recomposition du quinquennat qui vient, quel sera le cap  ? Osera-t-on regarder plus loin  ?
    \nUne pi\u00e8ce de doctrine sign\u00e9e Jacques Attali.<\/p>\n","protected":false},"author":10,"featured_media":137884,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"templates\/post-editorials.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1731],"tags":[],"geo":[1917],"class_list":["post-137848","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-politique","staff-jacques-attali","geo-europe"],"acf":[],"yoast_head":"\nLa "soci\u00e9t\u00e9 de la vie" comme concept strat\u00e9gique | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/04\/26\/la-societe-de-la-vie-comme-concept-strategique\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"La "soci\u00e9t\u00e9 de la vie" comme concept strat\u00e9gique | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"Dans la recomposition du quinquennat qui vient, quel sera le cap ? 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