{"id":132417,"date":"2022-02-28T18:44:51","date_gmt":"2022-02-28T17:44:51","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=132417"},"modified":"2022-03-02T14:33:49","modified_gmt":"2022-03-02T13:33:49","slug":"de-la-bienveillance-dans-les-relations-internationales","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/28\/de-la-bienveillance-dans-les-relations-internationales\/","title":{"rendered":"De la bienveillance dans les relations internationales"},"content":{"rendered":"\n

Offensives militaires russes contre l\u2019Ukraine. Augmentation de l\u2019arsenal nucl\u00e9aire chinois. Craintes d\u2019une guerre de haute intensit\u00e9 entre grandes puissances. La Chute du mur de Berlin est bien loin\u2026 La fin de l\u2019\u00e8re bipolaire sans conflit arm\u00e9 avait g\u00e9n\u00e9r\u00e9 un immense espoir. Avec des g\u00e9nocides au cours des ann\u00e9es 1990 ainsi que les guerres exp\u00e9ditionnaires de contre-insurrection men\u00e9es en Afghanistan et en Irak apr\u00e8s le 11 septembre 2001, cet espoir s\u2019\u00e9tiole. Dans un tel contexte, la c\u00e9l\u00e8bre formule de Raymond Aron \u00ab  Paix impossible, guerre improbable  \u00bb appliqu\u00e9e \u00e0 la Guerre froide fait l\u2019objet d\u2019amendements  : \u00ab  paix toujours impossible, guerre moins improbable  \u00bb <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Survivre. Voil\u00e0 l\u2019unique qu\u00eate au c\u0153ur d\u2019une mondialisation qui rime avec violence mais aussi souffrance et indiff\u00e9rence. Ce diagnostic a une valeur incontestable. Il demeure n\u00e9anmoins restrictif. Tel le haut de l\u2019iceberg, il \u00e9corne d\u2019autres dimensions moins visibles de la r\u00e9alit\u00e9 internationale. Parmi elles, la bienveillance\u2026 Je vois d\u00e9j\u00e0 froncer les sourcils. La bienveillance fait l\u2019objet de vives controverses dans nombre de domaines tels le Management ou encore les Sciences de l\u2019\u00e9ducation. Mais en politique internationale, elle prend les traits d\u2019un v\u00e9ritable hors-sujet. Elle rel\u00e8verait de l\u2019utopie qu\u2019il convient de mettre \u00e0 distance avec \u00e9nergie. Sa terre de floraison  ? La sph\u00e8re priv\u00e9e. Et certainement pas les chancelleries diplomatiques ou l\u2019espace public. Un tel jugement cat\u00e9gorique ferme la discussion alors que la bienveillance peut appara\u00eetre entre \u00c9tats. Et l\u2019observer ou en tracer les diverses manifestations ne signifie pas succomber \u00e0 certaines illusions comme celle d\u2019une substitution de la bienveillance \u00e0 la puissance par exemple <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. D\u00e8s lors, t\u00e2chons de la d\u00e9crire au-del\u00e0 des st\u00e9r\u00e9otypes qui lui sont accol\u00e9s : se limite-t-elle \u00e0 une logique d\u2019int\u00e9r\u00eat purement mat\u00e9riel lorsque les \u00c9tats endossent ses habits pour se soustraire \u00e0 une guerre existante (la neutralit\u00e9 bienveillante), pour \u00e9tablir un ordre international (l\u2019h\u00e9g\u00e9monie bienveillante), pour amadouer la volont\u00e9 des partenaires diplomatiques (la duplicit\u00e9 bienveillante)  ? Et d\u2019ailleurs, la bienveillance \u00e9tatique se borne-t-elle \u00e0 ces trois types de conduites  ? De mani\u00e8re plus fondamentale, la bienveillance se d\u00e9finit-elle vraiment par mi\u00e8vrerie et bons sentiments  ? Sortir des clich\u00e9s et des clivages entre d\u00e9fenseurs et d\u00e9tracteurs de la bienveillance suppose de regarder en face sa \u00ab  juste part  \u00bb dans les relations internationales : ni plus, ni moins. Car si elle est bien souvent instrumentalis\u00e9e afin d\u2019aur\u00e9oler la r\u00e9putation des \u00c9tats comme l\u2019illustre un aspect de la diplomatie publique chinoise actuelle \u00e0 l\u2019\u00e9gard des soci\u00e9t\u00e9s du Sud, elle ne se cantonne pas \u00e0 une construction d\u2019image.<\/p>\n\n\n\n

Car si elle est bien souvent instrumentalis\u00e9e afin d\u2019aur\u00e9oler la r\u00e9putation des \u00c9tats comme l\u2019illustre un aspect de la diplomatie publique chinoise actuelle \u00e0 l\u2019\u00e9gard des soci\u00e9t\u00e9s du Sud, la bienveillance ne se cantonne pas \u00e0 une construction d\u2019image.<\/p>Fr\u00e9d\u00e9ric RameL<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Se d\u00e9faire des bons sentiments<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Comme le soulignait Alain, la bienveillance rel\u00e8ve \u00e0 la fois de la nature et de la volont\u00e9. En tant que disposition, elle correspond \u00e0 une affection calme faite d\u2019attention \u00e0 soi, \u00e0 autrui et plus largement au milieu qui nous entoure. La nature humaine ne se r\u00e9duit pas \u00e0 cette affection, laquelle correspond aussi et surtout \u00e0 une potentialit\u00e9. Si toutes et tous nous la poss\u00e9dons et sommes capables de la reconna\u00eetre en la voyant \u00e0 l\u2019\u0153uvre chez les autres, nous d\u00e9cidons \u2013 ou non\u2026 \u2013 de la mobiliser selon les circonstances. Ce passage de la bont\u00e9 formelle \u00e0 la bont\u00e9 r\u00e9elle n\u2019a donc rien d\u2019automatique. Et quand il se dessine, il r\u00e9sulte d\u2019une pure spontan\u00e9it\u00e9 ou d\u2019un effort dans la dur\u00e9e. Mais vers quelle finalit\u00e9  ? En tant qu\u2019action, la bienveillance r\u00e9side dans la temp\u00e9rance, dans la non-nuisance (bienveillance n\u00e9gative) et dans la promotion raisonnable<\/em> du bien (bienveillance positive). <\/p>\n\n\n\n

La diplomatie n\u2019exclut ni cette disposition ni ces actions guid\u00e9es par le calme et l\u2019attention. Les t\u00e9moignages de sympathie face \u00e0 la d\u00e9tresse \u00e9prouv\u00e9e par les diplomates et leurs concitoyens suspendent les tensions existantes entre \u00c9tats comme l\u2019illustrent les r\u00e9actions apr\u00e8s le 11 septembre de la Russie \u00e0 l\u2019\u00e9gard des \u00c9tats-Unis ou encore les relations entre la Turquie et la Gr\u00e8ce apr\u00e8s le tsunami en mer \u00c9g\u00e9e de 2020. Le recours aux minutes de silence ou l\u2019organisation de c\u00e9r\u00e9monies en hommage aux \u00e9v\u00e9nements traumatiques pass\u00e9s incarnent \u00e9galement des gestes bienveillants en tant que rituels diplomatiques. Plus g\u00e9n\u00e9ralement, la sensibilit\u00e9 au calme pour les diplomates accentue l\u2019\u00e9coute  : une facult\u00e9 primordiale pour l\u2019exercice de leurs fonctions dont la vis\u00e9e ne s\u2019articule pas seulement \u00e0 la prudence. Elle est essentielle tant pour la compr\u00e9hension que pour la tenue m\u00eame des n\u00e9gociations.<\/p>\n\n\n\n

Une autre dimension r\u00e9side dans l\u2019attention au milieu mondial. Selon les approches traditionnelles d\u2019ordre r\u00e9aliste, les \u00ab  buts du milieu  \u00bb en politique \u00e9trang\u00e8re consistent pour les Etats \u00e0 \u00ab  se pr\u00e9occuper d\u2019autre choses que leurs propres possessions <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>  \u00bb. Ils fa\u00e7onnent un environnement \u00ab  sens\u00e9  \u00bb \u00eatre favorable \u00e0 l\u2019\u00c9tat en question : par exemple, la politique du Grand-Moyen Orient sous George Bush fils (fin des alliances avec des \u00c9tats non d\u00e9mocratiques). Cette d\u00e9finition du milieu demeure \u00e9triqu\u00e9e. Elle ne permet pas de saisir le milieu comme source m\u00eame de l\u2019existence. Ce que Durkheim et Mauss ont mis en relief dans leurs travaux sociologiques. Et ce que des philosophes contemporains contribuent \u00e0 reformuler via l\u2019\u00e9pist\u00e9mologie des sciences naturelles. S\u2019appuyant sur une lecture renouvel\u00e9e de Darwin, Baptiste Morizot souligne que les meilleurs organismes dans l\u2019\u00e9volution sont ceux qui pr\u00e9servent le mieux leurs relations au milieu<\/em> et avec leurs semblables dans ce milieu<\/em>. Loin de dominer celui-ci, ils cherchent \u00e0 le maintenir. \u00c0 titre d\u2019illustration, ne pas chasser toutes ses proies au risque de ne plus avoir assez de nourriture pour subsister. On parle alors de \u00ab  relation constitutive  \u00bb dans le sens o\u00f9 garantir la p\u00e9rennit\u00e9 de la relation aboutit, ainsi, \u00e0 se pr\u00e9munir soi-m\u00eame. Oppos\u00e9e \u00e0 une diplomatie des termes (\u00ab  se battre pour un terme contre un autre  \u00bb), elle donne corps \u00e0 une diplomatie de la relation \u00ab  o\u00f9 ce sont les relations qui sont ontologiquement pr\u00e9\u00e9minentes, ce qu\u2019on appelle le soi, ce que l\u2019on ressent comme soi, n\u2019est qu\u2019un effet secondaire des relations qu\u2019on entretient avec les autres <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>  \u00bb. \u00catre sensible au bien de la relation s\u2019apparente, d\u00e8s lors, \u00e0 une \u00ab  voie diplomatique  \u00bb. Ce que l\u2019on peut rep\u00e9rer dans la r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 un milieu commun qui motive et guide l\u2019\u00e9laboration progressive, cahin-caha, d\u2019une gouvernance environnementale globale  : le rapport Brundtland sur le d\u00e9veloppement durable (\u00ab  Our Common future  \u00bb, 1987), les conventions de Rio sur le changement climatique, la biodiversit\u00e9 et la d\u00e9sertification (1992), la construction des Objectifs du D\u00e9veloppement Durable (ODD, 2015). Ces derniers s\u2019abreuvent \u00e0 l\u2019id\u00e9e de contenir le d\u00e9veloppement \u00e9conomique, de le rendre tol\u00e9rable pour la plan\u00e8te. Ici, le d\u00e9veloppement durable devient un standard qui d\u00e9passe les oppositions Nord-Sud car c\u2019est bien l\u2019ensemble des Etats qui s\u2019engagent dans cette lutte commune, et ce, malgr\u00e9 des avanc\u00e9es fragiles.<\/p>\n\n\n\n

En mati\u00e8re de temp\u00e9rance strat\u00e9gique, les tendances pourraient s\u2019av\u00e9rer moins probantes, notamment du c\u00f4t\u00e9 des grandes puissances cultivant une faible retenue voire succombant aux affres de la d\u00e9mesure. N\u00e9anmoins, ces basculements fonctionnent aussi comme repoussoirs car sources de fragilisation. Thucydide l\u2019avait d\u00e9j\u00e0 observ\u00e9 pour les Cit\u00e9s grecques en son temps. Par ailleurs, Jacqueline de Romilly a bien montr\u00e9 que l\u2019id\u00e9al de douceur ainsi que l\u2019apaisement ne s\u2019arr\u00eatent pas aux fronti\u00e8res des unit\u00e9s politiques lors des p\u00e9riodes antiques grecques et romaines <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Si le regard porte sur la r\u00e9alit\u00e9 contemporaine, comment ne pas voir dans le d\u00e9clenchement de la guerre en Irak de 2003 une sur-r\u00e9action de l\u2019administration Bush Jr. apr\u00e8s le 11 septembre, laquelle exprime une hubris qui se retourne en partie contre son initiateur  ? Et les prises de position au Conseil de s\u00e9curit\u00e9 telles que celles du repr\u00e9sentant kenyan le 25 f\u00e9vrier 2022 apr\u00e8s le d\u00e9clenchement des op\u00e9rations militaires russes en Ukraine n\u2019attestent-elles pas d\u2019une conscientisation de la temp\u00e9rance : \u00ab  Nous devons achever de gu\u00e9rir sur les braises des empires morts sans replonger dans de nouvelles formes de domination et d\u2019oppression<\/a>  \u00bb   ? Rep\u00e9rer les conditions plus ou moins favorables \u00e0 l\u2019essor de la temp\u00e9rance est donc une entreprise n\u00e9cessaire. Parmi elles, la reconnaissance para\u00eet incontournable. Dans le cas russe, la posture de Vladimir Poutine r\u00e9v\u00e8le l\u2019influence des passions et de l\u2019identit\u00e9 <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span> sur les conduites politiques car derri\u00e8re ses choix se loge un vif ressentiment \u00e0 l\u2019\u00e9gard des Occidentaux depuis la fin de la Guerre froide associ\u00e9e \u00e0 une volont\u00e9 d\u2019affirmer une sup\u00e9riorit\u00e9 face \u00e0 une Europe consid\u00e9r\u00e9e comme d\u00e9cadente. Ici, la temp\u00e9rance se heurte \u00e0 de profonds \u00e9cueils lorsqu\u2019un leader au pouvoir \u00e9prouve un d\u00e9calage entre l\u2019image qu\u2019il se fait de son pays et l\u2019image que lui renvoient les autres.<\/p>\n\n\n\n

Dans le cas russe, la posture de Vladimir Poutine r\u00e9v\u00e8le l\u2019influence des passions et de l\u2019identit\u00e9 sur les conduites politiques car derri\u00e8re ses choix se loge un vif ressentiment \u00e0 l\u2019\u00e9gard des Occidentaux depuis la fin de la Guerre froide associ\u00e9e \u00e0 une volont\u00e9 d\u2019affirmer une sup\u00e9riorit\u00e9 face \u00e0 une Europe consid\u00e9r\u00e9e comme d\u00e9cadente. <\/p>Fr\u00e9d\u00e9ric RameL<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Quant \u00e0 la bienveillance n\u00e9gative, \u00e0 savoir la non-nuisance, elle n\u2019est pas \u00e9trang\u00e8re \u00e0 l\u2019histoire des relations internationales. Ne pas causer de \u00ab  souffrance inutile  \u00bb ou de \u00ab  maux superflus  \u00bb constitue un acquis du droit des conflits arm\u00e9s dont on trouve trace dans les Conventions de La Haye sur le r\u00e8glement pacifique des diff\u00e9rends de 1899 et 1907. Il s\u2019\u00e9tend \u00e0 l\u2019usage d\u2019armes, dont les effets sont consid\u00e9r\u00e9s comme particuli\u00e8rement dangereux \u00e0 l\u2019instar des bombes chimiques, et bien s\u00fbr \u00e0 la lutte contre la torture comme le r\u00e9v\u00e8le l\u2019article 1 de la Convention contre la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou d\u00e9gradants de 1984. Porter secours aux bless\u00e9s participe \u00e9galement de la non-nuisance. La cr\u00e9ation de la Croix-Rouge en 1864 \u00e0 partir de l\u2019exp\u00e9rience m\u00eame de la guerre lors de la bataille de Solferino explique la d\u00e9termination d\u2019Henri Dunant, l\u2019un de ses initiateurs. Il serait inhumain de laisser les combattants mais aussi les non-combattants dans une situation de souffrance au c\u0153ur de ces conflits arm\u00e9s. Enfin, ne pas porter atteinte \u00e0 l\u2019int\u00e9grit\u00e9 physique ou mentale des personnes ou des groupes ethniques s\u2019inscrit dans le principe de non-nuisance \u00e0 l\u2019instar de l\u2019article 2b de la Convention pour la pr\u00e9vention et la r\u00e9pression du crime de g\u00e9nocide de 1948. <\/p>\n\n\n\n

Une des traductions de la non-nuisance r\u00e9side dans le principe de due diligence<\/em>. Il consiste \u00e0 s\u2019abstenir de nuire par anticipation. L\u2019\u00e9thique de cette vigilance prend assise sur une attention renforc\u00e9e \u00e0 l\u2019alt\u00e9rit\u00e9, les \u00c9tats se devant de pr\u00e9venir les risques de se nuire r\u00e9ciproquement. \u00c9troitement reli\u00e9e au principe de responsabilit\u00e9 internationale des \u00c9tats, la due diligence<\/em> pr\u00e9sente l\u2019aspect d\u2019un devoir qui n\u2019est autre que le miroir du droit \u00e0 la souverainet\u00e9. La plupart des branches du droit incluent aujourd\u2019hui ce principe, notamment la protection de l\u2019environnement ou celle des droits humains. Quand bien m\u00eame elle prend les traits d\u2019une obligation de moyens et non de r\u00e9sultats et laisse au juge l\u2019appr\u00e9ciation au cas par cas de son respect ou non, elle enregistre une \u00e9volution du droit certes encore \u00e0 affermir \u2013 certains domaines \u00e9chappant \u00e0 sa port\u00e9e comme celui du cyber – mais rep\u00e9rable.<\/p>\n\n\n\n

Reconna\u00eetre des vuln\u00e9rabilit\u00e9s r\u00e9ciproques<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

En 2015, l\u2019adoption de l\u2019Agenda 2030 sur les Objectifs du D\u00e9veloppement Durable (ODD) et celle de l\u2019Accord de Paris sur le climat apparaissent comme une perc\u00e9e r\u00e9v\u00e9latrice d\u2019une repr\u00e9sentation partag\u00e9e des conditions fragilis\u00e9es de notre existence. Cette conscience d\u2019une vuln\u00e9rabilit\u00e9 partag\u00e9e en ce qui concerne les enjeux climatiques et sanitaires transcende les clivages id\u00e9ologiques ou la nature des r\u00e9gimes politiques. Elle est moins significative sur d\u2019autres th\u00e8mes comme les formes de terrorisme, lesquelles peuvent faire l\u2019objet d\u2019interpr\u00e9tations vari\u00e9es notamment sous l\u2019aspect de leur d\u00e9clenchement comme le rapport \u00e0 la libert\u00e9 d\u2019expression au sein des d\u00e9mocraties.<\/p>\n\n\n\n

La non-nuisance est pour certains la seule et unique vis\u00e9e morale possible dans l\u2019espace mondial. Elle aurait d\u2019ailleurs un statut d\u2019obligation beaucoup plus strict et rigoureux que la bienveillance positive pour deux raisons. En se focalisant sur les pr\u00e9judices, voire uniquement les plus graves d\u2019entre eux, elle proc\u00e8de \u00e0 un recentrage de l\u2019\u00e9valuation des actions \u00e9tatiques vers leur responsabilit\u00e9 primaire  : ne pas porter atteinte \u00e0 l\u2019int\u00e9grit\u00e9 physique ou morale des personnes ainsi qu\u2019\u00e0 leur int\u00e9grit\u00e9 propre en tant qu\u2019entit\u00e9 collective. En identifiant les pr\u00e9judices les plus s\u00e9rieux, la non-nuisance esquive des controverses beaucoup plus d\u00e9licates sur la conception m\u00eame du bien. S\u2019entendre sur les conduites de bienveillance n\u00e9gative ne remet pas en cause les d\u00e9finitions rivales de ce bien selon les soci\u00e9t\u00e9s, lesquelles reposent sur des valeurs et philosophies vari\u00e9es. En d\u2019autres termes, elle permet plus ais\u00e9ment l\u2019\u00e9closion d\u2019un consensus moral entre diff\u00e9rentes approches de ce que pourrait \u00eatre la vie bonne. Qui pourrait, en effet, refuser d\u2019emp\u00eacher la cruaut\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9gard des vuln\u00e9rables ou de tout individu quel qu\u2019il soit  ?<\/p>\n\n\n\n

Or, la bienveillance n\u00e9gative peut aussi prendre les traits d\u2019une \u00e9tape. Un palier n\u00e9cessaire. Un d\u00e9veloppement moral progressif semble surgir ici. Quand l\u2019ordre minimal est assur\u00e9, \u00e0 savoir pr\u00e9server la coexistence sociale en vue d\u2019emp\u00eacher la violence, alors, un ordre optimum pourrait se dessiner et des obligations positives appara\u00eetre. Mais il y a plus. En recentrant l\u2019effort de mani\u00e8re exclusive sur la responsabilit\u00e9 prima facie<\/em> \u2013 \u00e9viter les atteintes les plus graves et se conformer aux r\u00e8gles du droit international existant relatif aux pr\u00e9judices caus\u00e9s par les \u00c9tats ou d\u2019autres acteurs \u2013, cette conception de la bienveillance occulte les responsabilit\u00e9s plus complexes. Les situations de vuln\u00e9rabilit\u00e9 r\u00e9sultent d\u2019une combinaison de divers facteurs allant, de mani\u00e8re non limitative, de l\u2019\u00e9conomique (comme la pauvret\u00e9) au g\u00e9ographique (comme le risque de submersion par mont\u00e9e des eaux). En effet, \u00ab  la plupart des \u00eatres humains ne souhaitent pas uniquement \u00eatre prot\u00e9g\u00e9s contre une mort violente, des blessures physiques et la d\u00e9gradation. \u00c0 mesure que s\u2019intensifient les interconnections globales, un nombre croissant d\u2019\u00eatres humains semblent \u00e9galement esp\u00e9rer que seront d\u00e9velopp\u00e9s des syst\u00e8mes de responsabilit\u00e9 transnationale qui assureront que les soci\u00e9t\u00e9s affluentes seront r\u00e9ceptives aux int\u00e9r\u00eats des communaut\u00e9s vuln\u00e9rables, et pr\u00eates \u00e0 prendre la responsabilit\u00e9 relativement aux pr\u00e9judices caus\u00e9s par les soci\u00e9t\u00e9s privil\u00e9gi\u00e9es. La logique de ces aspirations est que le principe de non-nuisance n\u00e9cessite non seulement l\u2019abstention d\u2019actes pr\u00e9judiciables, mais \u00e9galement un engagement face \u00e0 une responsabilit\u00e9 complexe qui reconna\u00eet la fa\u00e7on dont les structures et les processus globaux causent un pr\u00e9judice aux autres \u00eatres humains et la fa\u00e7on dont l\u2019absence de compassion ou l\u2019indiff\u00e9rence peut entra\u00eener un pr\u00e9judice dignitaire et nuire \u00e0 l\u2019estime de soi <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>  \u00bb. Le spectre de la deuxi\u00e8me pand\u00e9mie post-Covid, \u00e0 savoir le retour de la famine, rel\u00e8ve de cet entrelacement d\u2019ins\u00e9curit\u00e9s \u00e0 prendre en compte aujourd\u2019hui. La r\u00e9ponse du Secr\u00e9taire G\u00e9n\u00e9ral des Nations Unies \u00e0 travers son appel \u00e0 la construction d\u2019une \u00ab  seule sant\u00e9  \u00bb illustre \u00e9galement cette tendance \u00e0 penser les responsabilit\u00e9s de concert. Dans ce cas, il s\u2019agit d\u2019associer sant\u00e9 animale, sant\u00e9 humaine, sant\u00e9 environnementale de la ferme \u00e0 la fourchette en passant par l\u2019assiette. Les connexions entre pr\u00e9servation de la biodiversit\u00e9, lutte contre le changement climatique, am\u00e9lioration de la sant\u00e9 alimentaire mais aussi r\u00e9duction des in\u00e9galit\u00e9s sociales et \u00e9conomiques sont consid\u00e9r\u00e9es comme majeures.<\/p>\n\n\n\n

Les autres acteurs de l\u2019espace mondial notamment les villes et les ONG sont de plus en plus impliqu\u00e9s dans cette lutte mais je voudrais ici inclure les individus ordinaires, Tr\u00e8s souvent dans l\u2019anonymat, ils adoptent des pratiques bienveillantes dans la proximit\u00e9. C\u2019est en effet d\u2019abord et avant tout \u00e0 cette \u00e9chelle locale que la bienveillance trouve sa dynamique premi\u00e8re et probablement la plus intense. Comme le soulignait le philosophe Francis Hutcheson, la bienveillance, \u00e0 l\u2019instar de la gravitation, est plus forte \u00e0 mesure que les corps se rapprochent \u00ab  et en viennent \u00e0 se toucher  \u00bb. Mais cette \u00e9chelle n\u2019est absolument pas d\u00e9connect\u00e9e du reste de l\u2019espace mondial puisqu\u2019elle demeure en lien avec les enjeux qui traversent les fronti\u00e8res, notamment la protection de l\u2019environnement, la pr\u00e9servation des liens solidaires, ou, bien s\u00fbr, la circulation des personnes. Porter secours aux migrants en situation de p\u00e9ril – C\u00e9dric Herrou<\/a> et Pierre-Alan Mannoni aux fronti\u00e8res de l\u2019Italie ou Carola Rackete en mer M\u00e9diterran\u00e9e -, mettre en place des circuits courts en mati\u00e8re \u00e9conomique ou \u00e9tablir des jardins partag\u00e9s fond\u00e9s sur les pratiques de permaculture  : voil\u00e0 autant d\u2019exp\u00e9riences d\u00e9montrant l\u2019existence de conduites bienveillantes dans la proximit\u00e9. Elles donnent surtout acc\u00e8s \u00e0 une forme de responsabilit\u00e9 que les individus peuvent conscientiser sans basculer dans l\u2019apathie ou le d\u00e9sarroi  ; sentiments que nous \u00e9prouvons face \u00e0 l\u2019ampleur des ph\u00e9nom\u00e8nes qui affectent aujourd\u2019hui l\u2019anthropoc\u00e8ne<\/a>.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est en effet d\u2019abord et avant tout \u00e0 cette \u00e9chelle locale que la bienveillance trouve sa dynamique premi\u00e8re et probablement la plus intense. <\/p>Fr\u00e9d\u00e9ric RameL<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Faire de la bienveillance une brique et non une clef de vo\u00fbte <\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Selon Adam Smith, l\u2019action men\u00e9e au nom de la bienveillance est \u00ab  l\u2019ornement qui embellit et non la fondation qui supporte le b\u00e2timent <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>  \u00bb. La justice, dont la fonction r\u00e9sulte des obligations parfaites que se doivent de respecter les individus, l\u2019emporte sur la bienveillance dans la construction d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 appr\u00e9hend\u00e9e comme un \u00e9difice. David Hume ne s\u2019\u00e9loigne pas vraiment de ce diagnostic lorsque lui aussi convoque une m\u00e9taphore architecturale pour rendre compte de ces deux vertus n\u00e9cessaires au lien social. La bienveillance correspond \u00e0 un assemblage de briques fa\u00e7onnant un mur selon la conduite de tout un chacun alors que la justice s\u2019apparente \u00e0 une cl\u00e9 de vo\u00fbte dont l\u2019absence met en p\u00e9ril l\u2019ensemble de la construction <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Cette distinction permet d\u2019exclure la bienveillance comme fondement <\/em>d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 politique. N\u00e9anmoins, la bienveillance pr\u00e9pare<\/em> au politique. Elle g\u00e9n\u00e8re des relations favorables \u00e0 l\u2019expression de la sympathie et donc sources de civilit\u00e9 en tant que savoir-vivre et mani\u00e8re d\u2019\u00eatre avec ses semblables. Exclure la bienveillance du registre du politique au nom de la morale contribue \u00e0 une lecture fort \u00e9triqu\u00e9e de cette vertu. Celle-ci ne pulv\u00e9rise pas la communaut\u00e9 \u00e0 travers une soi-disant remise en question du principe d\u2019\u00e9galit\u00e9. Elle participe \u00e0 l\u2019\u00e9closion du sentiment d\u2019appartenance et de civilit\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Smith et Hume raisonnent essentiellement dans le cadre de soci\u00e9t\u00e9s nationales. Mais aujourd\u2019hui, des aspirations \u00e0 la justice mondiale sont de plus en plus visibles en vue de constituer une soci\u00e9t\u00e9 mondiale \u00e9quitable (revendications en mati\u00e8re de d\u00e9veloppement en vue de corriger les in\u00e9galit\u00e9s), et une soci\u00e9t\u00e9 mondiale d\u00e9cente (revendications en mati\u00e8re de reconnaissance en vue de renforcer le droit des minorit\u00e9s ou respecter la diversit\u00e9). Ces demandes de justice ne sont que tr\u00e8s partiellement honor\u00e9es. La bienveillance ne saurait combler ces carences de justice. La cultiver offre toutefois une brique qui contribue au fonctionnement d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 mondiale. <\/p>\n\n\n\n

Cette brique diff\u00e8re de la piti\u00e9, cette \u00ab  r\u00e9pugnance inn\u00e9e \u00e0 voir souffrir son prochain  \u00bb selon Rousseau <\/span>10<\/sup><\/a><\/span><\/span>, dont la principale cons\u00e9quence est de mettre \u00e0 distance les alt\u00e9rit\u00e9s. Elle diff\u00e8re \u00e9galement du paternalisme car elle suppose la reconnaissance d\u2019une alt\u00e9rit\u00e9 autonome. Si cette reconnaissance vient \u00e0 manquer, alors la libert\u00e9 d\u2019autrui se voit bafou\u00e9e. C\u2019est la raison pour laquelle les interventions militaires pour cause humanitaire d\u00e9ploy\u00e9es sans autorisations l\u00e9gales et ayant pour vis\u00e9e implicite voire explicite la transformation des r\u00e9gimes politiques ne saurait \u00eatre qualifi\u00e9es de bienveillantes.<\/p>\n\n\n\n

Cette image de la brique permet d\u2019\u00e9tablir un pont avec une tradition de pens\u00e9e : le solidarisme. Celui-ci ne correspond pas seulement \u00e0 une synth\u00e8se id\u00e9ologique entre lib\u00e9ralisme et socialisme  ; \u00e0 savoir prot\u00e9ger et renforcer l\u2019exercice de la libert\u00e9 individuelle gr\u00e2ce \u00e0 l\u2019am\u00e9lioration des conditions mat\u00e9rielles d\u2019existence des plus faibles. Il s\u2019enracine dans une conception profonde, celle de la solidarit\u00e9 comme loi naturelle. La solidarit\u00e9 est un fait biologique. Tout corps vivant persiste dans son existence gr\u00e2ce aux rapports de d\u00e9pendance r\u00e9ciproque entre les diff\u00e9rents organes qui le compose. La solidarit\u00e9 est \u00e9galement un fait social. Car tout corps social repose sur les m\u00eames interd\u00e9pendances mais cette fois-ci entre les individus eux-m\u00eames, leurs \u00e9nergies ne pouvant se d\u00e9velopper que dans l\u2019association. Il serait illusoire de consid\u00e9rer un individu libre de mani\u00e8re isol\u00e9e. C\u2019est l\u00e0 tout le projet \u00e9labor\u00e9 par L\u00e9on Bourgeois (1851-1925) en son temps mais dont les id\u00e9es rencontrent une r\u00e9sonance contemporaine. Protection et pr\u00e9voyance sociales, \u00e9ducation et plus largement anticipation afin d\u2019offrir des conditions favorables d\u2019existence pour les g\u00e9n\u00e9rations \u00e0 venir  : voil\u00e0 le dessein. L\u00e9on Bourgeois n\u2019a pas seulement travaill\u00e9 \u00e0 l\u2019\u00e9chelle d\u2019une nation afin de le r\u00e9aliser et ce, en \u00e9laborant des r\u00e8gles de droit \u00e0 l\u2019origine d\u2019une \u00ab  soci\u00e9t\u00e9 form\u00e9e entre des semblables <\/span>11<\/sup><\/a><\/span><\/span>  \u00bb. Sa volont\u00e9 fut d\u2019\u00e9tendre le solidarisme aux relations entre Etats ainsi qu\u2019entre les soci\u00e9t\u00e9s elles-m\u00eames. Le d\u00e9veloppement de l\u2019arbitrage entre Etats ou la cr\u00e9ation de l\u2019Organisation Internationale du Travail apr\u00e8s la Premi\u00e8re Guerre mondiale en sont des illustrations. Renouer avec cet esprit, c\u2019est soutenir un multilat\u00e9ralisme social le plus inclusif possible par rapport aux diff\u00e9rents acteurs (y compris non-\u00e9tatiques) et ne pas se limiter \u00e0 la paix n\u00e9gative comme finalit\u00e9 ultime. L\u2019exp\u00e9rience du premier confinement lors de la crise pand\u00e9mique de Covid-19 en 2020 a permis de le voir en partie \u00e0 l\u2019\u0153uvre, notamment via le Programme Alimentaire Mondiale acheminant des vivres aux populations vuln\u00e9rables alors que la circulation a\u00e9rienne est interrompue. Renouer avec cet esprit, c\u2019est aussi revigorer une foi dans la solidarit\u00e9 <\/span>12<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Une foi non aveugle.<\/p>\n\n\n\n

Une bienveillance \u00e9clair\u00e9e n\u2019est pas tyrannie de la bienveillance<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Dans un passionnant ouvrage dystopique \u2013 Le Congr\u00e8s de Futurologie<\/em>, 1971 \u2013, le romancier polonais Stanislas Lem imagine une soci\u00e9t\u00e9 o\u00f9 le gouvernement exerce son pouvoir par des \u00ab  bombes de mutuelle bienveillance  \u00bb. Celles-ci g\u00e9n\u00e8rent une contagion \u00e9motionnelle qui, en modifiant les conduites, garantit l\u2019ordre. Cette \u0153uvre litt\u00e9raire dessine les traits d\u2019une tentation totalitaire sous-jacente \u00e0 ce type de projets politiques. Elle invite aussi et surtout \u00e0 reconna\u00eetre avec lucidit\u00e9 un certain nombre de ses faces obscures appliqu\u00e9es aux \u00c9tats comme aux acteurs de la soci\u00e9t\u00e9 civile. <\/p>\n\n\n\n

La condescendance. Celle qui magnifie le bienfaiteur jouissant d\u2019une sup\u00e9riorit\u00e9 m\u00eal\u00e9e de m\u00e9pris. La bienveillance s\u2019allie alors avec la suffisance. Lorsque l\u2019aide humanitaire \u00e0 destination d\u2019Ha\u00efti apr\u00e8s le s\u00e9isme de 2010 consiste \u00e0 donner de la nourriture provenant de l\u2019\u00e9tranger sans penser aux productions et approvisionnements locaux pourtant disponibles. Ne s\u2019agit-il pas d\u2019abord de montrer et faire conna\u00eetre l\u2019engagement dynamique des tiers ext\u00e9rieurs quant au sort des Ha\u00eftiens  ? Mettre en lumi\u00e8re la r\u00e9putation de celui qui aide devient majeur mais aussi l\u2019un des pi\u00e8ges d\u2019une \u00ab  assistance mortelle  \u00bb pour reprendre le titre du documentaire r\u00e9alis\u00e9 par Raoul Peck sur Ha\u00efti.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019arrogance. Une approche maximaliste en mati\u00e8re de r\u00e9conciliation post-conflit nourrit parfois des \u00ab  op\u00e9rations de pardon  \u00bb dont l\u2019automaticit\u00e9 et la rapidit\u00e9 deviennent des imp\u00e9ratifs difficiles \u00e0 contourner ou \u00e0 interroger. Au Rwanda, le rapport \u00e0 la m\u00e9moire du g\u00e9nocide de 1994 selon une vis\u00e9e r\u00e9conciliatrice innerve discours et politiques publiques. Elle embarque dans une m\u00eame dynamique coh\u00e9sion nationale (l\u2019attachement au m\u00eame pays meurtri dans le pass\u00e9) et r\u00e9silience personnelle (la gu\u00e9rison par le d\u00e9passement de soi). Une dynamique soutenue par des ONG impliqu\u00e9es dans ce travail tout cathartique d\u2019\u00e9mancipation par rapport aux haines. Mais ces acteurs se fourvoient lorsqu\u2019ils imposent un devoir de pardon aux victimes non pr\u00eates \u00e0 l\u2019accepter.<\/p>\n\n\n\n

Une bienveillance \u00e9clair\u00e9e ne bascule pas dans l\u2019aveuglement. Mais elle ne renie rien \u00e0 l\u2019esp\u00e9rance.<\/p>Fr\u00e9d\u00e9ric RameL<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

D\u2019autres faces obscures peuvent surgir. Elles invitent \u00e0 approfondir la r\u00e9flexion afin d\u2019expliciter les contextes qui encouragent l\u2019adoption de comportements bienveillants mais aussi \u00e0 engager un dialogue interculturel plus global entre repr\u00e9sentants de diff\u00e9rentes traditions de pens\u00e9e sur ce qu\u2019est la bienveillance. En d\u2019autres termes, une bienveillance \u00e9clair\u00e9e ne bascule pas dans l\u2019aveuglement. Mais elle ne renie rien \u00e0 l\u2019esp\u00e9rance, celle qui \u00ab  ne saurait sombrer dans la logique utopique de l’action r\u00e9volutionnaire purificatrice, r\u00e9demptrice, messianique, qui voudrait faire craquer le vieux monde vermoulu pour voir surgir le neuf. La logique utopique du tout ou rien n’est pas l’esp\u00e9rance. D’une part, celle-ci exerce plut\u00f4t une fonction critique permanente (\u2026). D’autre part, elle exerce une fonction d’invention quasi- po\u00e9tique, pour \u00e9branler les pr\u00e9jug\u00e9s, les pr\u00e9suppositions qui gouvernent la discussion, d\u00e9placer les questions, faire voir la compossibilit\u00e9 de ce que l’on croyait incompatible  \u00bb <\/span>13<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Le retour de la guerre en Europe fait ressurgir des impens\u00e9s. En relations internationales, la bienveillance a longtemps \u00e9t\u00e9 un hors sujet. Pourtant, la conduite de la diplomatie ne devrait pas exclure une bienveillance \u00e9clair\u00e9e. 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