{"id":131224,"date":"2022-02-17T17:03:28","date_gmt":"2022-02-17T16:03:28","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=131224"},"modified":"2022-06-02T18:09:39","modified_gmt":"2022-06-02T16:09:39","slug":"constituer-une-culture-commune-en-temps-de-crise-une-conversation-avec-pierre-charbonnier","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/17\/constituer-une-culture-commune-en-temps-de-crise-une-conversation-avec-pierre-charbonnier\/","title":{"rendered":"\u00ab Constituer une culture commune en temps de crise \u00bb, une conversation avec Pierre Charbonnier"},"content":{"rendered":"\n
Le livre s\u2019inscrit dans une collection qui est en train de se construire aux Presses de Sciences Po. Le livre de Dominique Cardon, Culture num\u00e9rique<\/em> <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>, y a d\u00e9j\u00e0 paru et il y aura sans doute d\u2019autres volumes dans cette s\u00e9rie. Cela correspond \u00e0 un dispositif intellectuel que l\u2019on peut comprendre de deux mani\u00e8res. D\u2019abord, essayer de proposer \u00e0 un public \u00e9largi une synth\u00e8se sur des travaux qui ont \u00e9t\u00e9 r\u00e9alis\u00e9s depuis une ou deux d\u00e9cennies en histoire environnementale, en sociologie des sciences et des techniques, en histoire \u00e9conomique d\u2019une certaine mani\u00e8re, en anthropologie de la nature, c\u2019est-\u00e0-dire dans tous les domaines des sciences sociales qui essaient de relire notre histoire et notre actualit\u00e9 sous l\u2019angle des relations collectives au milieu naturel. Et montrer que cela a un sens philosophique et politique. <\/p>\n\n\n\n Ensuite, il y a un aspect p\u00e9dagogique. Ce livre est le r\u00e9sultat et l\u2019accompagnement de cours que je donne \u00e0 Sciences Po, donc il peut jouer un r\u00f4le d\u2019introduction didactique pour les \u00e9tudiants, pour les militants, les journalistes, les politiques, administrateurs, les scientifiques, les enseignants, etc. Mais plus g\u00e9n\u00e9ralement, c\u2019est une interrogation sur ce qui peut constituer une culture commune en ces temps de crise politique et climatique. On dit souvent \u00e0 tort que l\u2019\u00e9cologie politique gagne du terrain, mais \u00e7a n\u2019est pas si \u00e9vident. Et on peut imaginer qu\u2019une des raisons pour lesquelles elle ne gagne pas de terrain, m\u00eame si le probl\u00e8me climatique est bien une pr\u00e9occupation collective, c\u2019est que les moyens par lesquels on construit de la citoyennet\u00e9 et du savoir commun ne sont pas du tout index\u00e9s sur ce type de probl\u00e8me mais plut\u00f4t sur le r\u00e9cit national et la recherche de la productivit\u00e9. Les gens que l\u2019on promeut socialement aujourd\u2019hui ne sont pas ceux qui s\u2019int\u00e9ressent \u00e0 l\u2019\u00e9cologie, ce sont en fait des innovateurs, des cost killers<\/em>, des \u00ab premiers de cord\u00e9e \u00bb. Une \u00e9tape qui manque est alors peut-\u00eatre de construire un savoir collectif qui lie la coexistence politique et la coexistence dans un monde avec des caract\u00e9ristiques \u00e9cologiques et mat\u00e9rielles singuli\u00e8res. Mon livre ne permet pas \u00e0 lui seul de faire cela, \u00e9videmment, et il y a beaucoup de gens qui m\u00e8nent et qui ont men\u00e9 des efforts similaires aux miens. Mais on peut essayer d\u2019envisager les probl\u00e8mes historiques, \u00e9conomiques, politiques, li\u00e9s aux relations \u00e0 la nature comme un pilier de la socialisation d\u00e9mocratique, de la citoyennet\u00e9 \u00e0 venir.<\/p>\n\n\n\n Il y a donc dans ce livre la synth\u00e8se d\u2019une recherche collective interdisciplinaire et une tentative de poser une base, peut-\u00eatre pas d\u2019\u00e9ducation populaire car le livre n\u2019est sans doute pas suffisamment accessible pour cela mais je pourrais dire d\u2019alphab\u00e9tisation \u00e9cologique. <\/p>\n\n\n\n On peut consid\u00e9rer que ce qui a organis\u00e9 jusqu\u2019\u00e0 pr\u00e9sent \u00e0 la fois les savoirs des sciences sociales et d\u2019une certaine mani\u00e8re la construction du pouvoir, ce sont deux choses. D\u2019un c\u00f4t\u00e9 la construction de l\u2019\u00c9tat moderne, dans son aspect bureaucratique, r\u00e9glementaire et en tant qu\u2019il accompagne l\u2019approfondissement de la culture d\u00e9mocratique. C\u2019est l\u2019\u00c9tat de droit, ses proc\u00e9dures, ses faillites, ses contradictions. Et de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9, le capitalisme, c\u2019est-\u00e0-dire l\u2019\u00e9dification d\u2019un ensemble de r\u00e8gles qui organisent l\u2019initiative industrielle, le profit, le travail, et la science \u00e9conomique qui va avec. Si vous voulez partir \u00e0 la conqu\u00eate du pouvoir, par exemple, il est assez judicieux de bien conna\u00eetre les rouages de l\u2019\u00c9tat et les r\u00e8gles du commerce international. C\u2019est ce que l\u2019on enseigne \u00e0 Sciences Po habituellement et m\u00eame les sciences sociales, y compris critiques, sont adoss\u00e9es \u00e0 ces deux grands piliers. Or on peut consid\u00e9rer que ce qui est oubli\u00e9 dans cette organisation des savoirs et des pouvoirs, ce sont les liens permanents qui se construisent entre les institutions sociales et le monde ext\u00e9rieur, le monde naturel, les ressources et les territoires. <\/p>\n\n\n\n Ce qui est oubli\u00e9 dans cette organisation des savoirs et des pouvoirs, ce sont les liens permanents qui se construisent entre les institutions sociales et le monde ext\u00e9rieur, le monde naturel, les ressources et les territoires. <\/p>pierre charbonnier<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Ce n\u2019est pas inconnu bien s\u00fbr, je n\u2019invente rien, je ne fais que mettre en forme des savoirs \u00e9tablis, mais ce n\u2019est pas ce qui rev\u00eat un caract\u00e8re structurant et organisateur. Or \u00e0 travers toutes ces nouvelles disciplines et sous-disciplines int\u00e9ress\u00e9es par la question environnementale, dont je parlais tout \u00e0 l\u2019heure, on peut imaginer qu\u2019il y a une contestation de ces deux piliers ou peut-\u00eatre la proposition d\u2019un troisi\u00e8me. Il peut donc \u00eatre int\u00e9ressant de pr\u00e9senter ce mouvement interne \u00e0 l\u2019organisation des savoirs et la fa\u00e7on dont il affecte les formes de pouvoir et de contre-pouvoir \u00e0 un public un peu plus large que le public universitaire. <\/p>\n\n\n\n L\u2019une des particularit\u00e9s de Sciences Po est d\u2019\u00eatre \u00e0 la fois une universit\u00e9 et le lieu de formation des \u00e9lites, des classes dirigeantes ou dominantes selon le lexique que vous voulez employer. Dans la mesure o\u00f9 l\u2019on ne consid\u00e8re pas d\u2019embl\u00e9e que toute \u00e9lite est socialement toxique mais qu\u2019elle doit justifier aupr\u00e8s du peuple et m\u00eame de l\u2019histoire la position qui lui est accord\u00e9e, alors mieux vaut qu\u2019elle soit bien form\u00e9e. C\u2019est un probl\u00e8me de l\u00e9gitimit\u00e9, \u00e0 mes yeux : pr\u00e9tendre diriger quoi que ce soit, pr\u00e9tendre incarner le bien commun, sans avoir en t\u00eate les contradictions \u00e9cologiques de notre mode de production, de nos r\u00e9gimes politiques, c\u2019est purement et simplement un abus de pouvoir. Mais pour que les \u00e9lites, en France ou ailleurs, aient le sens de leurs responsabilit\u00e9s, il faut de nouveaux instruments d\u2019analyse, de nouvelles r\u00e9f\u00e9rences, de nouveaux rep\u00e8res historiques. Encore une fois, ce travail est collectif, il mobilise tous les domaines du savoir, mais j\u2019essaie d\u2019y contribuer. J\u2019ajoute que la raison d\u2019\u00eatre de ces cours c\u2019est aussi qu\u2019il y a une forte demande des \u00e9tudiants, qui tr\u00e8s souvent pr\u00e9c\u00e8de l\u2019offre p\u00e9dagogique. Il s’agit donc aussi de r\u00e9pondre \u00e0 cette demande. <\/p>\n\n\n\n Je n\u2019ai pas fait le tour de l\u2019Europe ou du monde pour savoir ce qui a \u00e9t\u00e9 fait mais cela devient quelque chose d\u2019assez r\u00e9pandu. En France, l\u2019Universit\u00e9 Paris-Dauphine le fait d\u00e9j\u00e0 mais il est \u00e9vident qu\u2019il y a un mouvement g\u00e9n\u00e9ral dont Sciences Po n\u2019est qu\u2019une partie. <\/p>\n\n\n\n Pour \u00e9crire ce livre, je me suis int\u00e9ress\u00e9 \u00e0 des choses qui ne font habituellement pas partie de mon domaine de sp\u00e9cialit\u00e9 en tant que chercheur – c\u2019est ce qu\u2019il faut faire quand on \u00e9crit un ouvrage \u00e0 large spectre, d\u2019introduction g\u00e9n\u00e9rale. En particulier, cette question de l\u2019histoire de la domestication. C\u2019est une question passionnante d\u2019abord parce qu\u2019elle a fait l\u2019objet de remaniements scientifiques assez importants depuis quelques ann\u00e9es ou d\u00e9cennies. Le grand partage que l\u2019on faisait autrefois entre les soci\u00e9t\u00e9s de chasseurs-collecteurs et les soci\u00e9t\u00e9s de producteurs (d\u2019un c\u00f4t\u00e9, un rapport de pr\u00e9dation \u00e0 la nature et de l\u2019autre un rapport r\u00e9gi par l\u2019organisation productive, intentionnelle du milieu) n\u2019est pas aussi simple que l\u2019on avait pu l\u2019imaginer. Il existe beaucoup de cas interm\u00e9diaires entre pr\u00e9dation et production, et un bon nombre de nos institutions politiques et de nos rep\u00e8res sociaux ont \u00e9t\u00e9 forg\u00e9s dans cet interm\u00e9diaire plut\u00f4t que dans un paradigme productif bien \u00e9tabli. Il est important de reconna\u00eetre que les sciences arch\u00e9ologiques ont \u00e9volu\u00e9, car cela remet en question un imaginaire politique, dont Rousseau est l\u2019exemple le plus connu, qui \u00e9tablit ce grand partage entre pr\u00e9dation et production, et la sacralisation de la propri\u00e9t\u00e9 priv\u00e9e.<\/p>\n\n\n\n Cette id\u00e9e a jou\u00e9 un r\u00f4le central dans la construction de la conscience de soi collective moderne, et une partie des critiques \u00e9cologiques actuelles du paradigme modernisateur vont puiser dans ces recherches d\u2019arch\u00e9ologie et d\u2019anthropologie pour concevoir des modes de relation au monde qui sont en rupture avec cette fascination pour la production.<\/p>\n\n\n\n On pourrait objecter \u00e0 votre question qu\u2019une rationalit\u00e9 est toujours incompl\u00e8te, que l\u2019horizon de l\u2019action humaine n\u2019est jamais totalement d\u00e9barrass\u00e9 de contradictions et d\u2019\u00e9preuves. <\/p>\n\n\n\n N\u00e9anmoins, il y a un aspect int\u00e9ressant de la question. Pourquoi l\u2019organisation de la raison scientifique et politique moderne a \u00e0 ce point laiss\u00e9 dans l\u2019ombre les effets qu\u2019elle avait sur le milieu ? Si l\u2019on \u00e9carte l\u2019hypoth\u00e8se d\u2019une remise en question int\u00e9grale du processus de rationalisation du monde comme le proposaient Adorno, Horkheimer ou certaines critiques radicalement antimodernistes, on est amen\u00e9s \u00e0 avoir des hypoth\u00e8ses plus temp\u00e9r\u00e9es. Est-ce que, par exemple, et c\u2019est l\u2019hypoth\u00e8se que certains historiens de l\u2019environnement font aujourd\u2019hui, il y a une affinit\u00e9 structurelle entre le progressisme techno-scientifique et le pouvoir, qui fait passer sous silence les alertes, les questions, les doutes, les risques. C\u2019est la th\u00e8se que d\u00e9fend par exemple Jean-Baptiste Fressoz dans ses travaux : le pouvoir a tendance \u00e0 entretenir ce qu\u2019il appelle la d\u00e9sinhibition face aux risques, parce qu\u2019\u00e0 la cl\u00e9, il y a du profit et une source de l\u00e9gitimit\u00e9 politique. <\/p>\n\n\n\n Le grand partage que l\u2019on faisait autrefois entre les soci\u00e9t\u00e9s de chasseurs-collecteurs et les soci\u00e9t\u00e9s de producteurs n\u2019est pas aussi simple que l\u2019on avait pu l\u2019imaginer.<\/p>pierre charbonnier<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Le livre Culture<\/em> \u00e9cologique<\/em> ne d\u00e9fend pas sp\u00e9cialement une th\u00e8se sur ce sujet, j\u2019essaie plut\u00f4t d\u2019en illustrer plusieurs. J\u2019envisage celle \u00e9voqu\u00e9e \u00e0 l\u2019instant, mais j\u2019envisage aussi une interpr\u00e9tation plus classiquement marxiste de l\u2019incapacit\u00e9 de la logique du profit \u00e0 voir ses externalit\u00e9s sur les humains ou sur le milieu : l\u2019ordre productif surexploite ses biens les plus pr\u00e9cieux, et repousse dans le temps le moment de la confrontation avec ces limites mat\u00e9rielles. Et je d\u00e9veloppe aussi une id\u00e9e qui est peut-\u00eatre celle que je favoriserais car c\u2019est celle que je d\u00e9fends dans Abondance et Libert\u00e9<\/em>, <\/em>qui est l\u2019id\u00e9e que l\u2019angle mort environnemental du d\u00e9veloppement de la raison scientifique et politique moderne est aussi suscit\u00e9 par des demandes qui viennent d\u2019en bas. Des demandes de d\u00e9veloppement, de r\u00e9ponse \u00e0 des attentes de justice, de bien-\u00eatre, d\u2019abondance en quelque sorte et qu\u2019il n\u2019y a pas forc\u00e9ment de clivage net entre dominant et domin\u00e9 mais un point de jonction entre certaines formes de gouvernement, d\u2019administration de la v\u00e9rit\u00e9, certaines constructions id\u00e9ologiques du progr\u00e8s, et certaines demandes sociales, tout cela convergeant dans des grands projets de d\u00e9veloppement industriel \u00e0 l\u2019int\u00e9rieur desquels la relativisation des risques, des menaces, des incertitudes est assez largement accept\u00e9e \u2013 du moins temporairement. <\/p>\n\n\n\n C\u2019est pour cela que je fais pas mal de d\u00e9veloppements sur les pays du Sud ou les situations postcoloniales car lorsque l\u2019on prend l\u2019exemple de l\u2019Inde, de la Chine ou de l\u2019Am\u00e9rique latine, l\u2019inclusion de la question sociale dans les grandes entreprises de d\u00e9veloppement technoscientifiques, agraires, industrielles, indique bien une coalition d\u2019int\u00e9r\u00eats entre certaines formes de gouvernement et certaines attentes sociales qui fait passer sous silence les risques environnementaux. C\u2019est une r\u00e9flexion sur l\u2019histoire du capitalisme, de l\u2019\u00c9tat, des formes de domination, de la question sociale en g\u00e9n\u00e9ral \u2013 un processus qui est loin d\u2019\u00eatre derri\u00e8re nous. Et pour bien d\u00e9velopper cette culture \u00e9cologique, il faut essayer d\u2019avoir un regard un peu large sur toutes les dimensions du probl\u00e8me. <\/p>\n\n\n\n C\u2019est important parce que tr\u00e8s souvent, lorsqu\u2019on s\u2019int\u00e9resse \u00e0 ces questions du strict point de vue du monde occidental, on peut avoir tendance \u00e0 \u00e9tablir une opposition un peu sommaire entre les promoteurs de la modernisation et les objecteurs, ou les technocritiques comme les appelle Fran\u00e7ois Jarrige. Et l\u2019id\u00e9e serait que, comme nous n\u2019avons pas entendu les technocritiques, nous avons provoqu\u00e9 une crise climatique, environnementale. Je pense que le sch\u00e9ma est un peu plus compliqu\u00e9, d\u2019abord parce que la critique du d\u00e9veloppement industriel, scientifique, de la massification de la production, a \u00e9man\u00e9 de secteurs sociaux et id\u00e9ologiques tr\u00e8s vari\u00e9s, parmi lesquels des secteurs tr\u00e8s r\u00e9actionnaires. J\u2019en cite quelques exemples dans le livre, mais ils sont assez c\u00e9l\u00e8bres pour certains, car ils n\u2019ont de cesse de revenir dans l\u2019histoire : l\u2019exaltation de la terre, du local, de l\u2019appartenance \u00e0 une communaut\u00e9 ferm\u00e9e. Il y avait l\u2019id\u00e9e que l\u2019\u00e9mergence d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 civile urbaine, \u00e9mancip\u00e9e, qui fait droit \u00e0 l\u2019\u00e9galit\u00e9 entre les hommes et les femmes, en tant que r\u00e9sultat de l\u2019industrialisation de la soci\u00e9t\u00e9, mena\u00e7ait l\u2019ordre cl\u00e9rical, mais aussi les hi\u00e9rarchies raciales. <\/p>\n\n\n\n Il peut donc y avoir des alliances entre la critique du sch\u00e9ma de d\u00e9veloppement industriel et la pr\u00e9servation d\u2019une id\u00e9ologie conservatrice, et l\u2019abondance actuelle de travaux sur ce qu\u2019on commence \u00e0 appeler \u00ab l\u2019\u00e9cofascisme \u00bb confirme cette alliance possible.<\/p>\n\n\n\n Mais la critique du progr\u00e8s prend un visage assez diff\u00e9rent si on sort du monde occidental. Parmi les mouvements de contestation les plus int\u00e9ressants du dit paradigme du progr\u00e8s, il y a ceux qui viennent du Sud. C\u2019est pour cela que je fais un d\u00e9veloppement assez long sur Gandhi et les d\u00e9bats qui ont agit\u00e9 l\u2019Inde au moment de l\u2019ind\u00e9pendance, au sujet du mod\u00e8le ou du contre-mod\u00e8le que pouvait constituer le d\u00e9veloppement historique de l\u2019Empire britannique, de son aspect industriel. Je pense que la critique qu\u2019\u00e9labore Gandhi de la civilisation moderne du train, de la m\u00e9decine, d\u00e8s les ann\u00e9es 1910, permet d\u2019avoir une conception plus riche des contestations du progr\u00e8s que ce que l\u2019on pourrait avoir si l\u2019on s\u2019en tient au conflit interne aux modernit\u00e9s occidentales. Gandhi est \u00e0 ma connaissance le seul qui a essay\u00e9 de construire un projet r\u00e9ellement politique autour de ce qu\u2019on appelle aujourd\u2019hui la d\u00e9croissance, autour du refus du d\u00e9veloppement. Et ce n\u2019est pas du tout le cas des mouvements antimodernes occidentaux. L\u2019influence du gandhisme, et de son opposition aux choix politiques de Nehru apr\u00e8s l\u2019ind\u00e9pendance, se retrouve jusque dans les travaux remarquables de l\u2019histoire environnementale indienne, de Ramachandra Guha \u00e0 Dipesh Chakrabarty, en passant bien s\u00fbr par des personnalit\u00e9s comme Vandana Shiva.<\/p>\n\n\n\n Je pense que ce genre de d\u00e9bat terminologique peut aider \u00e0 soulever des questions int\u00e9ressantes. Mais je ne pense pas que ce soit un d\u00e9bat que l\u2019on puisse trancher en optant pour l\u2019un ou l\u2019autre des deux mots. Anthropoc\u00e8ne est un terme effectivement limit\u00e9 car comme l\u2019ont signal\u00e9 plusieurs chercheurs \u00e0 juste titre, ce n\u2019est pas n\u2019importe quel anthropos <\/em>qui est en cause, le probl\u00e8me ne se situe pas au niveau de la constitution sp\u00e9cifique, biologique de l\u2019esp\u00e8ce humaine, car \u00e9videmment l\u2019anthropoc\u00e8ne intervient bien apr\u00e8s l\u2019\u00e9mergence de l\u2019humain. <\/p>\n\n\n\n Mais derri\u00e8re l\u2019id\u00e9e de promouvoir le terme de capitaloc\u00e8ne plut\u00f4t qu\u2019anthropoc\u00e8ne, il y a l\u2019id\u00e9e tout \u00e0 fait fausse qu\u2019il n\u2019y a absolument aucune sp\u00e9cificit\u00e9 \u00e0 la crise climatique : ce serait juste la continuation des crises du capitalisme telles que d\u00e9finies au XIXe si\u00e8cle. La situation actuelle dans laquelle nous vivons de transformation cataclysmique de la composition chimique de l\u2019atmosph\u00e8re, des sols et des oc\u00e9ans, ce n\u2019est pas une crise standard, ce n\u2019est pas une contradiction ordinaire, interne, du capitalisme. C\u2019est \u00e9videmment en lien avec le d\u00e9veloppement du capitalisme. Mais \u00e7a l\u2019est tout autant avec le d\u00e9veloppement du socialisme et de toutes les id\u00e9ologies politiques qui ont accompagn\u00e9 et pouss\u00e9 le d\u00e9veloppement mat\u00e9riel. Il n\u2019y a pas que le capitalisme qui a accompagn\u00e9 le d\u00e9veloppement mat\u00e9riel, m\u00eame s\u2019il a \u00e9vinc\u00e9 tous les autres syst\u00e8mes. D\u2019ailleurs, on peut tout \u00e0 fait imaginer que le triomphe d\u2019une r\u00e9volution communiste mondiale au XXe si\u00e8cle nous laisserait avec un \u00ab bilan carbone \u00bb encore pire que celui constat\u00e9 aujourd\u2019hui, tout simplement parce que ses performances productives et d\u00e9veloppementales auraient \u00e9t\u00e9 bien meilleures.<\/p>\n\n\n\n Gandhi est \u00e0 ma connaissance le seul qui a essay\u00e9 de construire un projet r\u00e9ellement politique autour de ce qu\u2019on appelle aujourd\u2019hui la d\u00e9croissance, autour du refus du d\u00e9veloppement.<\/p>pierre charbonnier<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Le terme de capitaloc\u00e8ne n\u2019est donc gu\u00e8re plus satisfaisant que celui d\u2019anthropoc\u00e8ne. Et je pense que, comme disait Spinoza, cela ne sert \u00e0 rien d\u2019inventer les mots, il faut utiliser les anciens en leur donnant de nouvelles significations. Je n\u2019aime pas faire des propositions s\u00e9mantiques. J\u2019accepte la discussion sur l\u2019ensemble des qualificatifs de cette crise mais ce qui me g\u00eane est le dogmatisme des diff\u00e9rents promoteurs de ces termes. Dans la situation contemporaine, il y a des \u00e9l\u00e9ments qui sont li\u00e9s \u00e0 l\u2019histoire du capitalisme, des \u00e9l\u00e9ments qui sont li\u00e9s \u00e0 l\u2019histoire de l\u2019esp\u00e8ce humaine, il y a des \u00e9l\u00e9ments qui sont li\u00e9s \u00e0 l\u2019histoire des entreprises coloniales et imp\u00e9riales, \u00e0 l\u2019histoire des rapports de genre : il y a beaucoup de composants. Dire alors qu\u2019il n\u2019est pas possible de comprendre la situation contemporaine si l\u2019on ne lie pas toute son analyse au concept de capitalisme ou \u00e0 un autre ne me semble pas judicieux. <\/p>\n\n\n\n C\u2019est ce qui est int\u00e9ressant dans la question \u00e9cologique. Nous avons affaire \u00e0 un grand nombre d\u2019acteurs historiques et institutionnels qui sont li\u00e9s \u00e0 l\u2019organisation de la connaissance, du pouvoir, des machines, du droit. Et je ne vois pas pourquoi l\u2019un ou l\u2019autre aurait une priorit\u00e9 absolue sur les autres. <\/p>\n\n\n\n Un des chapitres de mon livre est assez ambitieux car j\u2019essaie de faire une synth\u00e8se en quelques dizaines de pages des sp\u00e9cificit\u00e9s du rapport \u00e0 la nature tel qu\u2019il pr\u00e9vaut dans les soci\u00e9t\u00e9s modernes. L\u2019entreprise est un peu p\u00e9rilleuse mais on peut essayer de faire des synth\u00e8ses. C\u2019est en effet un certain rapport \u00e0 la v\u00e9rit\u00e9, au temps et \u00e0 l\u2019espace. Le rapport \u00e0 la v\u00e9rit\u00e9 est domin\u00e9 par l\u2019id\u00e9al \u00e9pist\u00e9mologique de l\u2019objectivit\u00e9 et du d\u00e9veloppement des sciences exp\u00e9rimentales, qui s\u2019appliquent in fine \u00e0 la soci\u00e9t\u00e9 elle-m\u00eame. Le rapport au temps est domin\u00e9 par la construction id\u00e9ologique ou presque mythique de l\u2019id\u00e9e de progr\u00e8s, d\u2019accomplissement historique d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 qui se donne ses r\u00e8gles \u00e0 travers le contr\u00f4le de la nature. Et le contr\u00f4le de l\u2019espace est domin\u00e9 par le sch\u00e8me de la conqu\u00eate, qui peut prendre une forme coloniale – qui est la plus spectaculaire mais n\u2019est pas la seule : c\u2019est l\u2019id\u00e9e d\u2019une fronti\u00e8re g\u00e9ographique entre les terres incultes et barbares, et les terres soumises \u00e0 l\u2019encadrement rationnel de l\u2019\u00c9tat et du capital.<\/p>\n\n\n\n Rapport \u00e0 la v\u00e9rit\u00e9, au temps et \u00e0 l\u2019espace. C\u2019est pour moi une mani\u00e8re de renvoyer la balle \u00e0 ceux qui ont, avant moi, tent\u00e9 ce genre de synth\u00e8se, comme Philippe Descola. Et c\u2019est aussi une mani\u00e8re d\u2019indiquer, par effet de renvoi historique, que s\u2019il y a un r\u00e9ajustement de nos organisations normatives contemporaines en face du probl\u00e8me climatique, il doit concerner en m\u00eame temps notre rapport \u00e0 la v\u00e9rit\u00e9, au temps et \u00e0 l\u2019espace. C\u2019est cela l\u2019id\u00e9e que j\u2019avais et l\u2019id\u00e9e \u00e9tait aussi de dire que le capitalisme est un effet second de ces trois grandes matrices. Il est li\u00e9 aux trois, mais il s\u2019agit peut-\u00eatre plus d\u2019une cons\u00e9quence historique de ces trois matrices que d\u2019une r\u00e9alit\u00e9 v\u00e9ritablement structurante, qui aurait en elle-m\u00eame sa force motrice et sa logique historique. Mais je consacre tout de m\u00eame, par la suite, un chapitre sur le capitalisme car comme ce mod\u00e8le d\u2019\u00e9conomie politique s\u2019est largement impos\u00e9, il est int\u00e9ressant de r\u00e9pondre \u00e0 la question que l\u2019on me pose toujours qui est : est-ce que le capitalisme est-il compatible avec l\u2019\u00e9cologie ? <\/p>\n\n\n\n On me demande parfois si le capitalisme est compatible avec la d\u00e9mocratie. Si l\u2019on prend le probl\u00e8me de mani\u00e8re sommaire, on est oblig\u00e9 de r\u00e9pondre non. Le capitalisme, dans sa version pure, abstraite, sauvage, c\u2019est-\u00e0-dire faire du profit et regarder comme \u00e9tant d\u00e9nu\u00e9 de valeur la simple vie des personnes et la simple r\u00e9alit\u00e9 du monde, c\u2019est franchement incompatible avec la d\u00e9mocratie. Mais il se trouve qu\u2019historiquement, comme le dit Koj\u00e8ve dans un texte fameux sur Marx et Ford, l\u2019organisation capitaliste de l\u2019\u00e9conomie a fini par trouver une issue, selon ses propres termes, \u00e0 cette contradiction entre le profit et la vie, en fournissant un compromis aux travailleurs, et donc en sauvant sa peau tout en acceptant \u00e0 contrec\u0153ur une forme de d\u00e9mocratisation. Cela ne signifie pas qu\u2019il n\u2019y a plus de contradiction entre capitalisme et d\u00e9mocratie mais qu\u2019il y a un arrangement strat\u00e9gique entre deux formes institutionnelles qui se stabilisent temporairement. <\/p>\n\n\n\n L\u2019organisation capitaliste de l\u2019\u00e9conomie a fini par trouver une issue, selon ses propres termes, \u00e0 cette contradiction entre le profit et la vie, en fournissant un compromis aux travailleurs, et donc en sauvant sa peau tout en acceptant \u00e0 contrec\u0153ur une forme de d\u00e9mocratisation.<\/p>Pierre charbonnier<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Le rapport entre capitalisme et \u00e9cologie est assez similaire. On peut dire d\u2019abord que de la m\u00eame mani\u00e8re que le capitalisme surexploite et d\u00e9valorise une ressource qui lui est indispensable, c\u2019est-\u00e0-dire le travail, il surexploite et d\u00e9valorise une autre ressource qui lui est tout aussi indispensable, le sol, la terre, le milieu, ou comme on dit parfois les biens communs. Il est incapable de se reproduire par ses propres moyens et donc il a besoin de b\u00e9quilles r\u00e9gulatrices, et en particulier des b\u00e9quilles \u00ab environnementales \u00bb, sans lesquelles les gens et les milieux d\u00e9p\u00e9rissent tr\u00e8s rapidement. La p\u00e9riode que l\u2019on vit aujourd\u2019hui nous met face \u00e0 cette question. Est-ce que ce qui est en jeu est une abolition de toute modalit\u00e9 de l\u2019\u00e9conomie du profit ou est-ce que ce qui est en jeu est un r\u00e9ajustement de ce r\u00e9gime \u00e9conomique, de la m\u00eame mani\u00e8re qu\u2019il a fait l\u2019objet d\u2019un r\u00e9ajustement apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale pour rendre tol\u00e9rable la d\u00e9mocratie ? Est-ce qu\u2019on est face \u00e0 un r\u00e9ajustement r\u00e9gulateur du capitalisme qui vise \u00e0 le sauver en m\u00eame temps que la plan\u00e8te, au sens o\u00f9 il se donnerait \u00e0 nouveau un avenir, comme lorsqu\u2019on a invent\u00e9 la S\u00e9curit\u00e9 sociale et les cong\u00e9s pay\u00e9s ? <\/p>\n\n\n\n Je n\u2019ai pas de doctrine sur cette question. Comme nous tous, je traverse cette p\u00e9riode en me posant la m\u00eame question que vous, sans vouloir lui donner d\u2019issue dogmatique. Si un mouvement majoritaire se construit et parvient dans l\u2019\u00e9preuve climatique, \u00e0 abolir toutes les relations sociales capitalistes, j\u2019en serais ravi. Si un mouvement social majoritaire parvient \u00e0 imposer une r\u00e9gulation \u00e0 la fois environnementale et d\u00e9mocratique du capitalisme, un peu comme ce que proposait Polanyi – d\u00e9marchandisation totale des secteurs clefs : travail, monnaie et terre-, je suis content \u00e9galement. On est tellement loin de l\u2019un ou l\u2019autre de ces objectifs que je crois qu\u2019il ne faut pas \u00eatre trop s\u00e9lectif. On peut, sur un mode purement sp\u00e9culatif, faire des plans, des listes d\u2019envies id\u00e9ologiques mais cela ne m\u2019int\u00e9resse pas. <\/p>\n\n\n\n L\u2019analogie historique est int\u00e9ressante. Le capitalisme ne s\u2019est pas d\u00e9mocratis\u00e9 tout seul mais sous la menace de l\u2019hypoth\u00e8se communiste et \u00e9galement dans une conjoncture historique o\u00f9 la classe propri\u00e9taire s\u2019est beaucoup compromise, notamment avec l\u2019occupant allemand pendant la guerre. <\/p>\n\n\n\n A-t-on aujourd\u2019hui l’\u00e9quivalent historique de cette menace susceptible de cr\u00e9er un rapport de force b\u00e9n\u00e9ficiaire \u00e0 la majorit\u00e9 sociale qui travaille et supporte les cons\u00e9quences de la crise \u00e9cologique et climatique ? Je ne suis pas s\u00fbr qu\u2019on l\u2019ait, et je ne suis surtout pas s\u00fbr que le collapse puisse jouer ce r\u00f4le. Je pense que l\u2019URSS \u00e9tait beaucoup plus efficace pour tirer quelque chose de la classe propri\u00e9taire occidentale que ne l\u2019est Extinction Rebellion ou la collapsologie pour faire bouger les rapports de force. C\u2019est la strat\u00e9gie, plus largement, dite de la \u00ab g\u00e9n\u00e9ration climat \u00bb : il y aurait un groupe social qui d\u00e9signe le grand monstre climatique qui vient frapper \u00e0 la porte et tout emporter, et la pression morale qu\u2019elle exerce sur les classes dirigeantes serait suffisante pour faire bouger des lignes v\u00e9ritablement politiques. Mais ce r\u00e9cit est trop id\u00e9aliste \u00e0 mes yeux.<\/p>\n\n\n\n On peut, sur un mode purement sp\u00e9culatif, faire des plans, des listes d\u2019envies id\u00e9ologiques mais cela ne m\u2019int\u00e9resse pas. <\/p>pierre charbonnier<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Il manque quelque chose qui se situe au niveau de l\u2019exp\u00e9rience imm\u00e9diate de la domination, de l\u2019ali\u00e9nation, de la d\u00e9gradation de la qualit\u00e9 de vie de la majorit\u00e9. <\/strong>On entre ici dans un d\u00e9bat v\u00e9ritablement politique, \u00e0 savoir : a-t-on les moyens concrets pour r\u00e9aliser une coalition d\u2019int\u00e9r\u00eats sociaux capable de renverser le statu quo politique et \u00e9conomique ? Ce ne sont pas des questions que je traite dans le livre car j\u2019essaie dans cet ouvrage d\u2019\u00eatre \u00e0 un niveau moins pol\u00e9mique. J\u2019essaie plut\u00f4t de poser les \u00e9l\u00e9ments du terrain plut\u00f4t que de rentrer l\u00e0-dedans : j\u2019essaierai de faire cela dans d’autres publications et d\u2019autres contextes. <\/p>\n\n\n\n Il est n\u00e9cessaire en tout cas, pour que cette coalition d\u2019int\u00e9r\u00eats se forme dans un avenir proche, qu\u2019une masse critique de citoyens soit capable de retranscrire son exp\u00e9rience ordinaire, son exp\u00e9rience du travail, de l\u2019ali\u00e9nation, de l\u2019amoindrissement de ses capacit\u00e9s, en r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 l\u2019histoire et au pr\u00e9sent des rapports collectifs \u00e0 la nature.<\/p>\n\n\n\n Non seulement elle n\u2019est pas r\u00e9cente, mais en plus on peut contester m\u00eame – comme je le fais dans mon chapitre sur le mouvement environnemental – l\u2019id\u00e9e de prise de conscience. L\u00e0 encore c\u2019est un apport essentiel de l\u2019histoire environnementale. Comme il y a toujours eu de la r\u00e9flexivit\u00e9 environnementale, c\u2019est-\u00e0-dire qu\u2019\u00e0 chaque fois qu\u2019il y a de l\u2019innovation, l\u2019introduction de nouveaux choix technologiques, il y a de la r\u00e9sistance, des d\u00e9bats, de la controverse, des incertitudes, cette conscience est toujours l\u00e0. Simplement, elle est soit relativis\u00e9e, soit remise \u00e0 plus tard, soit d\u00e9sactiv\u00e9e. Et donc nous voyons plut\u00f4t des vagues. Il y a des moments de plus grand optimisme et des moments plus pessimistes. Les moments de la R\u00e9volution fran\u00e7aise ou d\u2019apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale sont des grands moments d\u2019optimisme tandis que la p\u00e9riode de la fin du XIXe – d\u00e9but XXe marqu\u00e9e par des crises engendre beaucoup de r\u00e9flexivit\u00e9s environnementales, de m\u00eame que la p\u00e9riode des ann\u00e9es 1960-70 o\u00f9 les questions d\u00e9mographiques, de limites, se posent, engendrent plus de r\u00e9flexivit\u00e9 ou d\u2019angoisses. <\/p>\n\n\n\n C\u2019est donc par vague plut\u00f4t qu\u2019un mouvement continu, graduel, de prise de conscience qui aurait pour unique destin\u00e9e de s\u2019accro\u00eetre. Encore une fois, la r\u00e9flexivit\u00e9 environnementale n\u2019a pas que des bons c\u00f4t\u00e9s : elle peut alimenter des id\u00e9ologies de repli et des instincts malthusiens, elle peut jeter le doute sur des apports utiles des sciences, elle a donc aussi ses d\u00e9r\u00e8glements.<\/p>\n\n\n\n \u00c0 cela s\u2019ajoute qu\u2019il y a des discontinuit\u00e9s dans la forme de la conscience environnementale. Dans les ann\u00e9es 1950-1960, par exemple, la question environnementale est massivement structur\u00e9e par l\u2019internationalisme de l\u2019ONU et l\u2019id\u00e9e d\u2019un consensus scientifique uniforme : c\u2019est une question dont on consid\u00e8re qu\u2019elle convoque l\u2019humanit\u00e9 en g\u00e9n\u00e9ral, sa capacit\u00e9 \u00e0 faire la paix, \u00e0 surmonter les conflits d\u2019int\u00e9r\u00eats entre nations – c\u2019est un environnementalisme humanitaire, internationaliste, qui est m\u00fb par de grands universaux un peu abstraits.<\/p>\n\n\n\n La r\u00e9flexivit\u00e9 environnementale n\u2019a pas que des bons c\u00f4t\u00e9s : elle peut alimenter des id\u00e9ologies de repli et des instincts malthusiens, elle peut jeter le doute sur des apports utiles des sciences, elle a donc aussi ses d\u00e9r\u00e8glements.<\/p>pierre charbonnier<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Aujourd\u2019hui, cette rh\u00e9torique humanitaire, universaliste, a beaucoup recul\u00e9 dans le mouvement environnemental et fait place \u00e0 une rh\u00e9torique plus franchement sociale o\u00f9 l\u2019on voit une convergence entre la question des in\u00e9galit\u00e9s, de la justice, des rapports de domination et la probl\u00e9matique \u00e9cologique. C\u2019est un bon signe car on se rapproche de la v\u00e9rit\u00e9 de ce qu\u2019est cette crise, mais cela peut aussi n\u2019\u00eatre qu\u2019une p\u00e9riode parmi d\u2019autres dans les r\u00e9gimes de r\u00e9flexivit\u00e9 environnementale, et encore une fois un environnementalisme plus r\u00e9actionnaire peut tout \u00e0 fait revenir et s\u2019imposer. <\/p>\n\n\n\n L\u2019\u00e9cologie politique tire profit de la logique d\u00e9mocratique et les partis collectent des aspirations collectives qu\u2019ils trouvent dans certains secteurs de la soci\u00e9t\u00e9 afin de les faire avancer dans le jeu de la rivalit\u00e9 \u00e9lectorale. Donc l\u2019\u00e9cologie politique, entendue comme structuration en parti des questions environnementales, est l\u2019une des formes que prend la r\u00e9flexivit\u00e9 environnementale dans la conjoncture actuelle. Mais elle est continuellement en train d\u2019\u00e9merger. Cela fait cinquante ans que l\u2019on dit que l\u2019\u00e9cologie politique est en train d\u2019\u00e9merger, mais peut-\u00eatre qu\u2019en regardant les sondages qui sortent, nous pourrions penser \u00e0 sortir de cette id\u00e9e. Elle n\u2019\u00e9merge pas mais elle stagne, pr\u00e9cis\u00e9ment parce que son point de jonction avec la question sociale n\u2019a pas encore \u00e9t\u00e9 r\u00e9ellement atteint. Elle est proclam\u00e9e, annonc\u00e9e mais pas effectu\u00e9e. <\/p>\n\n\n\n Nous en avions discut\u00e9 dans une de vos conf\u00e9rences du mardi avec Paul Magnette, Chantal Mouffe et Ulysse Lojkine <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>, et c\u2019est le constat que faisait ce dernier en introduction de cette conf\u00e9rence : il ne semble pas y avoir d\u2019alignement parfait entre conflit social – le conflit de classe – et le conflit d\u2019int\u00e9r\u00eats au sujet de la crise climatique. Beaucoup de segments de la classe populaire, ouvri\u00e8re, sont carbon captured<\/em>, pour reprendre le titre d\u2019un livre int\u00e9ressant sur la question <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>, ils sont sous le pouvoir du prix des \u00e9nergies fossiles n\u00e9cessaires pour travailler, se d\u00e9placer, parce que les \u00e9nergies fossiles peu ch\u00e8res sont aussi un des aspects du pouvoir d\u2019achat. Il y a donc une capture objective de certains segments de la soci\u00e9t\u00e9 et donc de l\u2019\u00e9lectorat par le statu quo fossile. <\/p>\n\n\n\n C\u2019est ce que les sociologues Mark Blyth et Thomas Oatley appellent la carbon coalition <\/em>qui rassemble les grands industriels de la fili\u00e8re et certains segments des classes populaires <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>. R\u00e9ussir \u00e0 briser cela est difficile, et d\u2019autant plus que ce qui est face \u00e0 cette coalition, la coalition post-carbone, ce sont les gens comme vous et moi, des urbains, qui ont b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 de structures \u00e9ducatives de qualit\u00e9 qui sont de plus en r\u00e9serv\u00e9es \u00e0 une portion congrue de la population et qui n\u2019ont pas trop envie de perdre ces privil\u00e8ges. Nous pouvons ou pensons pouvoir nous permettre l\u2019abandon du statu quo carbone parce que c\u2019est notre int\u00e9r\u00eat. Cela cr\u00e9e un jeu de rivalit\u00e9s avec les classes populaires. Je pense donc que la seule mani\u00e8re de s\u2019en sortir est qu\u2019un groupe politique cr\u00e9\u00e9 artificiellement l\u2019alliance entre des groupes sociaux pour l\u2019instant encore oppos\u00e9s les uns aux autres et de r\u00e9aligner la question sociale avec la question climatique. Mais pas grand monde ne sait quel sera le vecteur de ce r\u00e9alignement.<\/p>\n\n\n\n L\u2019\u00e9cologie politique, entendue comme structuration en parti des questions environnementales, est l\u2019une des formes que prend la r\u00e9flexivit\u00e9 environnementale dans la conjoncture actuelle. <\/p>pierre charbonnier<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n On peut penser que la cl\u00e9 se trouve dans l\u2019attitude \u00e0 l\u2019\u00e9gard des migrations. Puisque celles-ci sont et seront acc\u00e9l\u00e9r\u00e9es par la crise climatique, accentuant notre appartenance globale, voire plan\u00e9taire, plut\u00f4t que nationale, et puisque la conception sociale de la solidarit\u00e9 et de la libert\u00e9 a g\u00e9n\u00e9ralement dans l\u2019histoire \u00e9t\u00e9 de pair avec le pluralisme culturel, alors on peut imaginer que la coalition majoritaire post-fossiles trouvera son \u00e9quilibre en tant que r\u00e9ponse aux diverses formes que prend en ce moment l\u2019obsession nationale et identitaire. J\u2019emprunte une formule \u00e0 Cl\u00e9ment S\u00e9n\u00e9chal, qui me disait r\u00e9cemment que la figure du migrant pourrait \u00eatre le code d\u2019acc\u00e8s \u00e0 la construction d\u2019une politique climatique r\u00e9ellement progressiste.<\/p>\n\n\n\n En effet, mais les formes de connaissance sont toujours impliqu\u00e9es dans la construction d\u2019une coalition sociale. Ce n\u2019est donc pas qu\u2019une question triviale de condition de vie, de budget, de salaire. C\u2019est \u00e9galement la mani\u00e8re dont on per\u00e7oit notre situation dans des rapports d\u2019autorit\u00e9, de pouvoir, de connaissance, dans des rapports \u00e0 l\u2019avenir. <\/p>\n\n\n\n C\u2019est un bon exemple, mais qui a surtout une port\u00e9e g\u00e9opolitique. Les travailleurs du fossile ne sont pas si nombreux en France, \u00e0 l\u2019\u00e9chelle europ\u00e9enne un peu plus, notamment avec le cas de la Pologne, mais c\u2019est surtout une question internationale. C\u2019est pourquoi les questions de transferts de fonds du Nord au Sud dans le dernier cycle de la COP \u00e9taient si importantes. Il y a la question de l\u2019adaptation, il faut leur donner de l\u2019argent afin de les aider \u00e0 s\u2019adapter \u00e0 des cons\u00e9quences imm\u00e9diates du changement climatique, ce qui co\u00fbte cher. Mais il y a \u00e9galement la question du financement de la transition pour des pays qui n\u2019en ont pas encore les moyens tout en devant l\u2019essentiel de leur prosp\u00e9rit\u00e9 aux \u00e9nergies fossiles bon march\u00e9. Donc ce qui est en jeu est le d\u00e9couplage de l\u2019appareil d\u2019\u00c9tat indien et \/ ou chinois du charbon ou du p\u00e9trole, et peut-\u00eatre que cela vaut le coup de leur proposer quelques milliards afin de pouvoir payer l\u2019assurance-ch\u00f4mage de ceux qui travaillent dans les mines.<\/p>\n\n\n\n Dans l\u2019avant-dernier chapitre du livre, j\u2019essaie de faire un tour d\u2019horizon des diff\u00e9rentes propositions de r\u00e9ajustement de l\u2019\u00e9conomie politique sous la contrainte \u00e9cologique et climatique. Je parle du capitalisme vert, des propositions comme le Green New Deal, donc n\u00e9o-keyn\u00e9siennes, et j\u2019essaie aussi de faire place \u00e0 des critiques plus radicales d\u2019inspiration d\u00e9croissante, \u00e9cof\u00e9ministe, d\u2019\u00e9cologie postcoloniale. Ce sont des courants de pens\u00e9e et d\u2019activisme qui t\u00e9moignent de l\u2019effet tache d\u2019huile culturelle de la question \u00e9cologique. On voit aujourd\u2019hui des gens, par exemple dans les milieux f\u00e9ministes, qui affirment que la question \u00e9cologique et la question des rapports de genre sont indissociables. Et l\u2019argument principal c\u2019est la d\u00e9valorisation du travail de reproduction, d\u2019entretien de la soci\u00e9t\u00e9, qui va de pair avec la survalorisation du travail productif : puisque ce contraste suit les contours de la division sexuelle du travail, la subordination du travail des unes au travail des autres s\u2019inscrit bien dans la d\u00e9valorisation de tout ce qui rel\u00e8ve de l\u2019entretien, de la perp\u00e9tuation ou de la reproduction sociale.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est une mani\u00e8re tr\u00e8s int\u00e9ressante d\u2019\u00e9tablir des liens historiques, critiques, entre les deux causes. Mais il y a un autre ph\u00e9nom\u00e8ne, tout aussi int\u00e9ressant, qui est le fait que le caract\u00e8re presque unanime de la pr\u00e9occupation pour l\u2019\u00e9cologie et le climat incite certaines activistes f\u00e9ministes \u00e0 se mettre sur les rails de cette critique pour obtenir de la reconnaissance et pour cr\u00e9er des alliances. De la m\u00eame mani\u00e8re avec la critique d\u2019inspiration d\u00e9coloniale des syst\u00e8mes politiques, \u00e9conomiques. Donc \u00e0 mes yeux, la dynamique de coalition, encore une fois, entre diff\u00e9rents mouvements critiques qui ont \u00e0 peu pr\u00e8s les m\u00eames ennemis, est aussi int\u00e9ressante que l\u2019\u00e9tablissement d\u2019une v\u00e9rit\u00e9 historique, voire dogmatique, sur la co\u00efncidence absolue entre domination masculine et destruction de la nature. On dit parfois que l\u2019on ne peut \u00eatre \u00e9cologiste que si on est aussi f\u00e9ministes ou d\u00e9coloniaux, mais peut-\u00eatre que la construction de passerelles intellectuelles, critiques, id\u00e9ologiques, militantes entre diff\u00e9rentes sph\u00e8res de pr\u00e9occupations n\u2019implique pas n\u00e9cessairement une intransigeance dogmatique qui affirmerait que l\u2019on ne peut \u00eatre X que si l\u2019on est Y. Car, par exemple, nous pourrions imaginer que ce ne soit pas enti\u00e8rement judicieux de subordonner toute la critique f\u00e9ministe de la soci\u00e9t\u00e9 \u00e0 des consid\u00e9rations \u00e9cologiques, qu\u2019une partie de ce programme intellectuel est autonome dans ses instruments d\u2019analyse et ses finalit\u00e9s politiques. En tout cas deux choses sont certaines : l\u2019\u00e9cologie, le f\u00e9minisme et l\u2019anti-imp\u00e9rialisme ont en commun de s\u2019attirer les foudres des r\u00e9actionnaires et nationalistes, ce qui les rassemble de facto dans une alliance des \u00e9nergies \u00e9mancipatrices ; et ce sont des questions qui font l\u2019objet de beaucoup de questionnements de la part des \u00e9tudiants, donc nous n\u2019avons pas d\u2019autre choix que d\u2019y r\u00e9fl\u00e9chir. <\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Quel est l’objectif de Culture \u00e9cologique<\/em> ? Dans son dernier livre, Pierre Charbonnier revient sur ce que la prise de conscience \u00e9cologique veut dire.<\/p>\n","protected":false},"author":1782,"featured_media":131236,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"templates\/post-reviews.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1730],"tags":[],"geo":[1917],"class_list":["post-131224","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-energie-et-environnement","staff-clement-fontanarava","staff-florian-louis","geo-europe"],"acf":[],"yoast_head":"\nIl y a donc l\u2019id\u00e9e que la culture g\u00e9n\u00e9rale de tout honn\u00eate homme du XXIe si\u00e8cle ne peut plus se cantonner aux humanit\u00e9s et aux sciences, mais qu\u2019elle doit aussi faire place \u00e0 de nouveaux pans comme le num\u00e9rique ou l\u2019\u00e9cologique ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Il est int\u00e9ressant de voir qu\u2019une institution comme Sciences Po compte mettre les \u00e9tudes environnementales au centre de ses enseignements. Est-ce une tendance g\u00e9n\u00e9rale dans les universit\u00e9s du monde entier ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Dans le livre, vous revenez sur ce que vous appelez le mythique n\u00e9olithique pour montrer que la rupture que constitue un basculement d\u2019un r\u00e9gime socio-\u00e9cologique \u00e0 un autre est une simplification et que le passage du chasseur-cueilleur au fermier est en r\u00e9alit\u00e9 plus souple que les repr\u00e9sentations qui en sont faites. Comment ce mythe a-t-il fondamentalement structur\u00e9 notre vision des questions \u00e9cologiques ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Vous soulevez \u00e9galement un paradoxe int\u00e9ressant. Alors que les soci\u00e9t\u00e9s modernes ont de plus en plus invoqu\u00e9 la rationalit\u00e9, en s\u2019appuyant sur des cadastres, sur le calcul, sur les savoirs scientifiques, elles ont n\u00e9glig\u00e9 l\u2019impact environnemental de leurs pratiques, amenant d\u00e8s lors \u00e0 une surexploitation des corps, des esprits et des terres. Comment expliquer ce paradoxe d\u2019une rationalit\u00e9 \u00e0 la fois exacerb\u00e9e et incompl\u00e8te voire incons\u00e9quente car pas pouss\u00e9e jusqu\u2019au bout ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Vous revenez d\u2019ailleurs sur les critiques du progr\u00e8s et du modernisme en insistant sur leur diversit\u00e9.<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Toute une part des critiques de la modernit\u00e9 technoscientifique invoquent la responsabilit\u00e9 du capitalisme, pr\u00e9f\u00e9rant parler d\u2019un Capitaloc\u00e8ne plut\u00f4t que de l\u2019Anthropoc\u00e8ne. Que vous inspire cette vision des choses ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Vous identifiez trois grandes \u00ab <\/strong> matrices \u00bb qui structurent la relation entre les soci\u00e9t\u00e9s \u00ab <\/strong> modernes \u00bb et la nature : l\u2019activit\u00e9 scientifique, la notion de progr\u00e8s et la conqu\u00eate territoriale. Comment s\u2019articulent ces matrices dans l\u2019histoire de nos soci\u00e9t\u00e9s modernes ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Peut-on donc selon vous trouver des solutions \u00e0 cette crise \u00e9cologique sans rompre avec le capitalisme ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Lorsque vous affirmez que le capitalisme a su prendre \u00e0 sa charge la d\u00e9mocratie, c\u2019est parce qu\u2019il y avait une menace, la peur du communisme. La menace de l\u2019effondrement, le spectre du <\/strong>collapse<\/em><\/strong>, peuvent-ils jouer aujourd\u2019hui le m\u00eame r\u00f4le ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Il est souvent affirm\u00e9 que les pr\u00e9occupations environnementales \u00e9mergent principalement dans les ann\u00e9es 1960-1970. En r\u00e9alit\u00e9, cette \u00ab <\/strong> prise de conscience \u00bb a des origines lointaines, et tr\u00e8s diverses. Finalement, la prise de conscience de l\u2019influence humaine sur l\u2019environnement n\u2019est pas si r\u00e9cente ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Sur quel terreau se fonde donc l\u2019\u00e9cologie politique ? N\u2019est-ce qu\u2019une forme moderne de la r\u00e9flexivit\u00e9 environnementale ou peut-on quand m\u00eame dire que la naissance de l\u2019\u00e9cologie politique est un tournant voire une rupture dans l\u2019histoire de celle-ci ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Ce n\u2019est donc pas simplement un probl\u00e8me de d\u00e9ficit de \u00ab <\/strong> culture \u00e9cologique \u00bb<\/strong> populaire ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Nous avions discut\u00e9 avec Paul Guillibert<\/strong><\/a> de l\u2019alliance possible entre mouvements \u00e9cologistes et classes populaires, ouvri\u00e8res qui ferait partie de cette coalition <\/strong>carbon-captured<\/em><\/strong>. L\u2019exemple de la raffinerie de Grandpuits, o\u00f9 les \u00e9cologistes se sont mobilis\u00e9s pour la d\u00e9fense des int\u00e9r\u00eats de travailleurs a montr\u00e9 la possibilit\u00e9 de l\u2019\u00e9mergence d\u2019une nouvelle coalition. Est-ce que c\u2019est dans le sens de cette alliance que pourrait ou devrait se faire une nouvelle coalition ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Vous distinguez deux critiques radicales du capitalisme li\u00e9es \u00e0 des pr\u00e9occupations environnementales, l\u2019id\u00e9e de d\u00e9croissance et le projet \u00e9cof\u00e9ministe ou intersectionnel. Pourquoi avoir choisi ces deux types de contestations en particulier ? <\/strong><\/h3>\n\n\n\n