{"id":130098,"date":"2022-02-02T11:40:38","date_gmt":"2022-02-02T10:40:38","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=130098"},"modified":"2022-02-02T11:40:44","modified_gmt":"2022-02-02T10:40:44","slug":"le-centenaire-dulysse","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/","title":{"rendered":"Le centenaire d’Ulysse"},"content":{"rendered":"\n

James Joyce lui-m\u00eame a d\u00e9clar\u00e9 \u00e0 plusieurs reprises qu’il avait \u00e9crit son \u0153uvre pour donner du grain \u00e0 moudre aux chercheurs pendant trois cents ans. Maintenant qu’Ulysse<\/em>, publi\u00e9 pour la premi\u00e8re fois en 1922, a un si\u00e8cle, nous pouvons constater que cette proph\u00e9tie continue de se r\u00e9aliser, bien que sous une forme r\u00e9siduelle, dans le secteur des \u00e9tudes universitaires. Mais nous devons aussi reconna\u00eetre que l’aura mystique qui a accompagn\u00e9 le roman depuis sa parution a fini par nuire \u00e0 sa post\u00e9rit\u00e9, en le transformant en une \u0153uvre que tout le monde conna\u00eet et que peu lisent. D’autre part, il n’\u00e9chappe \u00e0 personne qu’en cet anniversaire de l’annus mirabilis<\/em> de la litt\u00e9rature europ\u00e9enne, ce que nous appelions jusqu’\u00e0 r\u00e9cemment le \u00ab  canon occidental  \u00bb subit un discr\u00e9dit qui aurait \u00e9t\u00e9 inimaginable pour la g\u00e9n\u00e9ration de Joyce, T.S. Eliot ou Ezra Pound. Le modernisme a violemment rejet\u00e9 certaines esth\u00e9tiques mais, loin de remettre en cause le canon, il s’est surtout attach\u00e9 \u00e0 secouer la tradition jusque dans ses fondations et \u00e0 int\u00e9grer ce nouvel ordre dans son pr\u00e9sent, pour reprendre une id\u00e9e ch\u00e8re \u00e0 T.S. Eliot. En ce sens, Ulysse<\/em> continue d’offrir une r\u00e9sistance contre la domestication de la litt\u00e9rature et la soumission \u00e0 de nouveaux dogmes.<\/p>\n\n\n\n

Le voyage de Leopold Bloom et Stephen Dedalus est un passage de l’obscurit\u00e9 \u00e0 la lumi\u00e8re qui s’op\u00e8re dans des sph\u00e8res tr\u00e8s diverses et synchronis\u00e9es. Mais avant toute chose, il convient de rappeler qu’Ulysse<\/em>, comme Don Quichotte, est une grande com\u00e9die au bord de l’ab\u00eeme. Joyce lui-m\u00eame a admis un jour \u00e0 Samuel Beckett qu’il s’\u00e9tait peut-\u00eatre tromp\u00e9 dans ses efforts pour syst\u00e9matiser le roman avec tous ces sch\u00e9mas explicatifs qui l’accompagnent g\u00e9n\u00e9ralement en notes, et qui souvent dissuadent le lecteur au lieu de le guider. Avant d’\u00eatre un mammouth herm\u00e9tique et avant-gardiste, Ulysse<\/em> est une \u0153uvre vivante, pleine d’humour, parfois hilarante, irr\u00e9v\u00e9rencieuse, transgressive, excessive, parfois lourde et m\u00eame insupportable, mais finalement lumineuse et positive.<\/strong> Le parcourir reste une exp\u00e9rience irrempla\u00e7able, pleine de surprises pour le lecteur de notre temps.<\/p>\n\n\n\n

Avant d’\u00eatre un mammouth herm\u00e9tique et avant-gardiste, Ulysse<\/em> est une \u0153uvre vivante, pleine d’humour, parfois hilarante, irr\u00e9v\u00e9rencieuse, transgressive, excessive, parfois lourde et m\u00eame insupportable, mais finalement lumineuse et positive<\/p>Andreu Jaume <\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Pourquoi, disent certains, une complexit\u00e9 formelle aussi ostentatoire et gratuite  ? La question est particuli\u00e8rement insistante \u00e0 notre \u00e9poque. Cent ans apr\u00e8s cette r\u00e9volution artistique, la litt\u00e9rature occidentale semble souffrir d’une crise d’amn\u00e9sie ou de d\u00e9sertion, comme si tout cela n’avait jamais eu lieu. Des \u0153uvres telles qu’Ulysse<\/em> nous rappellent toutefois que le roman, en tant que genre d\u00e9positaire <\/em>de la narration, est un jour devenu incapable de continuer \u00e0 raconter l’histoire, \u00e0 t\u00e9moigner de l’exp\u00e9rience humaine avec joie et ing\u00e9niosit\u00e9. Le ph\u00e9nom\u00e8ne a commenc\u00e9 \u00e0 \u00eatre observ\u00e9 \u00e0 la fin du XIXe si\u00e8cle. Le roman, qui avait aspir\u00e9 \u00e0 supplanter l’\u00e9pop\u00e9e et l’histoire, a commenc\u00e9 \u00e0 montrer des signes de fatigue et une incapacit\u00e9 \u00e0 englober le monde. Flaubert \u00e9tait d\u00e9j\u00e0 un sympt\u00f4me de cet \u00e9puisement. Sa derni\u00e8re \u0153uvre, Bouvard et P\u00e9cuchet<\/em> (1881), n’est qu’une dramatisation satirique de l’effondrement du savoir, dernier acte de l’illusion bourgeoise de la ma\u00eetrise. Le style tardif de Henry James est \u00e9galement touch\u00e9 par cette paralysie. Dans ses derniers romans, il ne se passe rien d’autre que le flux de conscience (stream of consciousness<\/em>) \u2014 l’expression est de James \u2014 de personnages paralys\u00e9s devant eux-m\u00eames et leurs d\u00e9cisions morales. La sp\u00e9culation r\u00e9flexive rempla\u00e7ait ce qui faisait jadis autorit\u00e9. Pour le dire avec Walter Benjamin, la disparition progressive de l’art classique de la narration est aussi l’extinction de la sagesse, de la dimension \u00e9pique de la v\u00e9rit\u00e9. Le roman \u2014 et surtout le roman du vingti\u00e8me si\u00e8cle \u2014 devait d\u00e9sormais se poser en \u00e9pop\u00e9e de la connaissance. M\u00eame Borges, avec ses paraboles essayistes, illustre ce probl\u00e8me.<\/p>\n\n\n\n

La crise de la repr\u00e9sentation litt\u00e9raire dans Ulysse<\/em> peut \u00eatre compar\u00e9e aux bouleversements parall\u00e8les d’autres arts comme la musique ou la peinture. La r\u00e9action contre la m\u00e9lodie et la tonalit\u00e9 ou la disparition de la perspective et l’irruption de l\u2019abstraction sont des sympt\u00f4mes du fait que l’homme occidental ne pouvait plus se regarder selon les sch\u00e9mas \u00e9tablis depuis des mill\u00e9naires par la mimesis<\/em>. Le centre de r\u00e9f\u00e9rence s’est d\u00e9plac\u00e9 ou a \u00e9t\u00e9 d\u00e9truit, notamment en raison de l’\u00e9puisement religieux et des avanc\u00e9es scientifiques, transformant \u00e0 jamais notre rapport \u00e0 la mort, \u00e0 l’horizon eschatologique, et bouleversant ainsi l’\u00e9chelle humaine. Bien que Joyce n’ait appartenu \u00e0 aucun mouvement d’avant-garde et qu’il n’ait suivi aucun programme dans son travail, Ulysse<\/em> a \u00e9t\u00e9 imm\u00e9diatement reconnu comme l’expression d’un changement d\u2019\u00e9poque. Ezra Pound, qui s’est fait le d\u00e9fenseur du modernisme, est all\u00e9 jusqu’\u00e0 dire que l’\u00e8re chr\u00e9tienne avait pris fin le 31 octobre 1921, lorsque Joyce a \u00e9crit les derniers mots de son roman. Et pendant quelques ann\u00e9es, Pound lui-m\u00eame a couronn\u00e9 ses lettres de la l\u00e9gende post scriptum Ulixi<\/em>, c’est-\u00e0-dire \u00ab  apr\u00e8s l’\u00e9criture d’Ulysse  \u00bb. La nouvelle \u00e8re, cependant, allait \u00eatre celle du totalitarisme, que Pound, comme tant d’autres des deux c\u00f4t\u00e9s du spectre id\u00e9ologique, embrasserait avec enthousiasme.<\/p>\n\n\n\n

Pourquoi Joyce a-t-il choisi le nom d’Ulysse pour le titre de son roman ? Au cours de ce si\u00e8cle, en partie gr\u00e2ce \u00e0 cet effort gratuit de syst\u00e9matisation auquel nous avons fait r\u00e9f\u00e9rence plus haut, les correspondances entre le voyage de L\u00e9opold Bloom et le po\u00e8me hom\u00e9rique ont \u00e9t\u00e9 \u00e9tudi\u00e9es ad nauseam<\/em>, avec des r\u00e9sultats aussi \u00e9vidents que d\u00e9cevants. La r\u00e9f\u00e9rence aux aventures d’Ulysse est de nature extra-formelle. Dans son roman, Joyce a entrepris d’int\u00e9grer et de subvertir le canon, en le faisant r\u00e9sonner d’un nouveau souffle. En fonction de cette angoisse extr\u00eame des influences, qui pour la premi\u00e8re fois se manifestent violemment, Hom\u00e8re est l’architecte de la parole dans le temps. Dans ses po\u00e8mes, il cr\u00e9e l’\u00e9v\u00e9nement de l’histoire et le devenir de l’exp\u00e9rience tels que nous avons appris \u00e0 les imaginer en Occident. La relation entre les hommes et les dieux, la guerre, le voyage, le retour, la recherche du p\u00e8re ou du mariage sont les probl\u00e8mes humains constants avec lesquels nous avons construit notre repr\u00e9sentation. Deux mille ans plus tard, le titre d’Ulysse<\/em> ne pourrait \u00eatre plus ironique. Ce qui, dans l’\u00e9pop\u00e9e, \u00e9tait de l’ordre de l’oral et de l’\u00e9coute collective, est devenu de l’ordre de l’\u00e9crit et de la lecture individuelle. La relation entre les hommes et les dieux avait \u00e9t\u00e9 rompue avec l’\u00e9puisement du christianisme. L’exp\u00e9rience riche et expansive d’Ulysse dans son po\u00e8me plein d’aventures a \u00e9t\u00e9 r\u00e9duite \u00e0 une journ\u00e9e ordinaire dans la vie d’un cocu mi-juif dans la ville de Dublin \u00e0 une date indiff\u00e9rente. Les perspectives d’accomplissement \u00e9pique \u2014 le nationalisme irlandais \u2014 se noyaient dans leur propre banalit\u00e9. La m\u00e9taphore hom\u00e9rique ne pouvait donc \u00eatre que n\u00e9gative.<\/p>\n\n\n\n

Car malgr\u00e9 les feux d’artifice, Ulysse<\/em> n’est rien de plus qu’un roman. Et, en tant que tel, il assume et exploite toutes les limites de son genre, se posant \u00e9galement comme la conclusion de l’odyss\u00e9e imaginative qui a commenc\u00e9 avec Cervant\u00e8s. Il est \u00e9loquent que tant Don Quichotte<\/em> qu’Ulysse<\/em>, l’alpha et l’om\u00e9ga d’une tradition, aient \u00e9t\u00e9 \u00e0 l’origine une nouvelle, un roman exemplaire dans le cas de Cervant\u00e8s et un conte de Dublin dans le cas de Joyce. Chez les deux auteurs, le personnage s\u2019est \u00e9mancip\u00e9 de l’intrigue, \u00e9chappant au destin pour se r\u00e9p\u00e9ter \u00e0 l’infini. De la m\u00eame mani\u00e8re que le chevalier et son \u00e9cuyer sont la parodie d’une exp\u00e9rience tragique disparue, Leopold Bloom et Stephen Dedalus apparaissent au d\u00e9but du vingti\u00e8me si\u00e8cle pour certifier l’\u00e9puisement du drame bourgeois que le roman avait racont\u00e9. Cyril Connolly a observ\u00e9 que dans Ulysse<\/em>, les personnages n’\u00e9voluent pas. Mais c’est pr\u00e9cis\u00e9ment le sujet du roman. Les intrigues d’initiation, de formation, de malentendu filial et d’adult\u00e8re qui avaient fait la carri\u00e8re du grand roman moderne sont ici \u00e9lud\u00e9es et estomp\u00e9es au profit de l’\u00e9tude des personnages et de leur rapport au langage. Joyce semble dire  : \u00ab  Nous savons ce qui leur est arriv\u00e9, nous devons maintenant nous demander ce qu’ils sont \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Hom\u00e8re est l’architecte de la parole dans le temps. Dans ses po\u00e8mes, il cr\u00e9e l’\u00e9v\u00e9nement de l’histoire et le devenir de l’exp\u00e9rience tels que nous avons appris \u00e0 les imaginer en Occident.<\/p>andreu jaume <\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Joyce pouvait se permettre cette transgression car il s’\u00e9tait auparavant essay\u00e9 \u00e0 tous les genres, de la po\u00e9sie et la nouvelle au th\u00e9\u00e2tre et au roman de formation. L’ensemble de son \u0153uvre, en fait, se r\u00e9duit \u00e0 une s\u00e9rie de motifs qui se r\u00e9p\u00e8tent et se transforment dans des styles diff\u00e9rents jusqu’\u00e0 atteindre le paroxysme d’Ulysse<\/em>. Dubliners<\/em> (1914) reste un recueil exemplaire d’images de la vie d’une soci\u00e9t\u00e9. Les Exil\u00e9s<\/em> (1915) est un beau drame ibs\u00e9nien sur le mariage. Et Portrait<\/em> de l\u2019artiste en jeune<\/em> (1916) est un Bildungsroman<\/em> dans lequel, comme l’a observ\u00e9 Anthony Burgess, pour la premi\u00e8re fois, ce qui est racont\u00e9 affecte le style. Ulysse<\/em> ne sera que la probl\u00e9matisation radicale de tous les \u00e9l\u00e9ments d\u00e9ploy\u00e9s dans ces \u0153uvres. Stephen Dedalus, l’alter ego de Joyce, rencontre Leopold Bloom, dont l’exp\u00e9rience sentimentale prolonge et complique ce qui avait d\u00e9j\u00e0 \u00e9t\u00e9 explor\u00e9 dans Les Morts<\/em> et Les Exil\u00e9s<\/em>. Et, bien s\u00fbr, l’exp\u00e9rimentation stylistique du Portrait<\/em> devient ici un autre personnage. Il est int\u00e9ressant de noter comment Joyce d\u00e9\u00e7oit les attentes du lecteur de roman classique, puisque le premier chapitre pr\u00e9sente des personnages dont il fait ensuite avorter l’histoire pour se concentrer sur d’autres aspects qui n’avaient jamais m\u00e9rit\u00e9 l’attention du genre.<\/p>\n\n\n\n

Que raconte donc Ulysse<\/em> ? Portrait de l\u2019artiste en jeune homme<\/em> s’ouvre sur une citation des M\u00e9tamorphoses<\/em> d’Ovide : \u00ab  Et ignotas animum dimittit in artes<\/em>  \u00bb (\u00ab  Et il appliqua son \u00e2me sombre aux arts  \u00bb). L’expression fait r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 D\u00e9dale, l’artisan qui a construit le labyrinthe dans lequel il a \u00e9t\u00e9 emprisonn\u00e9 avec son fils Icare sur ordre du roi Minos. Gr\u00e2ce \u00e0 ces arts sombres, D\u00e9dale a pu fabriquer les ailes de cire avec lesquelles le p\u00e8re et le fils s\u2019\u00e9chappent de prison. Pour Joyce, le mythe de D\u00e9dale repr\u00e9sente la capacit\u00e9 de l’art \u00e0 nous lib\u00e9rer des liens familiaux et historiques. Malgr\u00e9 toute la noirceur du monde dans lequel ils ont v\u00e9cu, les auteurs du modernisme sont les derniers \u00e0 manifester une foi in\u00e9branlable dans le pouvoir et la magie de l’imagination artistique. En ce sens, ils sont les h\u00e9ritiers de l’esth\u00e9tisme de la fin du si\u00e8cle. Et Joyce, comme Pound, a \u00e9t\u00e9 toute sa vie convaincu que la litt\u00e9rature \u00e9tait une nouvelle religion. Ce n’est pas pour rien qu’il se sentait un enfant du naturalisme et du symbolisme. C’est pourquoi, dans Ulysse<\/em>, la langue n’est plus seulement un instrument, mais un protagoniste \u00e0 part enti\u00e8re, peut-\u00eatre le principal.<\/p>\n\n\n\n

La question du langage traverse bien s\u00fbr toute l’esth\u00e9tique de l’\u00e9poque. Un an avant la publication d’Ulysse<\/em>, Wittgenstein avait r\u00e9volutionn\u00e9 la philosophie avec le Tractatus logico-philosophicus<\/em>, initiant la plus s\u00e9rieuse interrogation sur les limites du langage jamais formul\u00e9e. Joyce, pour sa part, s’est \u00e9galement attach\u00e9 \u00e0 cartographier les fronti\u00e8res du monde des mots, soumettant ses personnages \u00e0 un examen verbal sans pr\u00e9c\u00e9dent. La langue, dans Ulysse<\/em>, na\u00eet, se d\u00e9veloppe et se d\u00e9truit. Que reste-t-il de la v\u00e9rit\u00e9 dans la parole ? C’est l’une des questions constantes du roman, qui, pour cette raison m\u00eame, questionne les grands p\u00e8res de la tradition litt\u00e9raire. Non seulement Hom\u00e8re, mais aussi Shakespeare et Dante jouent un r\u00f4le central dans la lutte \u00e0 mort de Joyce avec l’h\u00e9ritage qu’il a re\u00e7u. Joyce, Eliot et Pound ont \u00e9t\u00e9 les premiers \u00e0 contester le canon europ\u00e9en invent\u00e9 par les romantiques, se sentant les gardiens d’un h\u00e9ritage qu’ils ont \u00e9galement s\u00e9v\u00e8rement remis en question.<\/p>\n\n\n\n

Stephen Dedalus est le fils paria qui s’enfuit de chez lui \u00e0 la recherche d’un p\u00e8re spirituel, qu’il trouve en la personne de Leopold Bloom. Bloom est un homme ordinaire d’une quarantaine d’ann\u00e9es, agent publicitaire, descendant d’\u00e9migr\u00e9s juifs hongrois mais converti au protestantisme. Lui et sa femme, Molly, une chanteuse d’op\u00e9ra connue \u00e0 Dublin, ont une fille de quinze ans, Milly, qui ne vit plus avec eux, \u00e9tant partie dans une autre ville pour \u00e9tudier la photographie. Le couple a \u00e9galement eu un fils, Rudy, qui est mort onze jours apr\u00e8s sa naissance – ce qui rappelle la mort d’Hamnet, le fils de Shakespeare mort \u00e0 l’\u00e2ge de onze ans \u2014 une perte qui a traumatis\u00e9 Molly, qui, en cons\u00e9quence, ne veut plus avoir de relations sexuelles avec son mari depuis dix ans. Molly a plut\u00f4t une liaison avec Blazes Boylan, son manager. Bloom, quant \u00e0 lui, entretient une relation \u00e9pistolaire clandestine avec une certaine Martha Clifford. Malgr\u00e9 tout, Bloom et sa femme sont toujours tr\u00e8s attach\u00e9s l’un \u00e0 l’autre, comme le montre le monologue final de Molly.<\/p>\n\n\n\n

Stephen s’introduit dans ces vies ordinaires \u00e0 la recherche d’une r\u00e9v\u00e9lation. Jusque-l\u00e0, sa vie a consist\u00e9 en un perp\u00e9tuel m\u00e9pris \u2014 \u00ab  Non serviam<\/em>  \u00bb \u00e9tait la devise de Joyce \u2014 mais il a peu \u00e0 peu compris que tous ses r\u00eaves de r\u00e9demption politique, intellectuelle et religieuse \u00e9taient faux. Au d\u00e9but, nous le surprenons vivant avec deux compagnons dans la tour Martello, coup\u00e9 de tout, comme T\u00e9l\u00e9maque sur le point de sortir et de cr\u00e9er son p\u00e8re. L’Irlande est un terrain vague, domin\u00e9 par un roi anglais et un pape italien. M\u00eame son langage est \u00e0 la fois propre et \u00e9trange. La rencontre avec Bloom apprendra \u00e0 Stephen que le v\u00e9ritable voyage spirituel consiste \u00e0 abandonner les s\u00e9curit\u00e9s illusoires de l’ego et de l’identit\u00e9 pour embrasser l’absence de racines de l’existence. Dedalus semble suivre la maxime de Hugues de Saint-Victor selon laquelle l’homme pour qui la patrie est la plus douce est encore un d\u00e9butant ; celui qui voit chaque sol comme celui de sa terre natale est d\u00e9j\u00e0 plus fort, mais seul est parfait celui qui ose voir le monde entier comme un exil\u00e9. C’est en effet sa mission de \u00ab  forger dans la forge de son \u00e2me la conscience incr\u00e9\u00e9e de sa race  \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Deux mille ans plus tard, le titre d’Ulysse<\/em> ne pourrait \u00eatre plus ironique.<\/p>andreu jaume<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Dans cette variante de Telemachia<\/em>, Joyce invoque \u00e9galement le spectre de Shakespeare, son anc\u00eatre dans la ma\u00eetrise virtuose de la langue anglaise. \u00c0 cet \u00e9gard, Ulysse est une m\u00e9ditation puissante et satirique sur Hamlet et le mythe de la paternit\u00e9. Le prince du Danemark, lui aussi, fuit la roue du pouvoir et du sacrifice \u00e0 laquelle il semble destin\u00e9 pour tenter d’allumer autre chose, se d\u00e9couvrant dans l’exil de l’\u00e2ge m\u00fbr. Tout le cycle tragique de Shakespeare, en particulier de Henri IV<\/em> \u00e0 Hamlet<\/em> et au Roi Lear<\/em>, aborde ce probl\u00e8me, qui n’est pas r\u00e9solu avant les romances tardives. Dans des pi\u00e8ces telles que Le Conte d\u2019hiver<\/em> et La Temp\u00eate<\/em>, le tragique semble trouver une solution. La mort intol\u00e9rable de Cordelia est rachet\u00e9e dans l’heureuse reconnaissance de Miranda par Prospero, son p\u00e8re. La st\u00e9rilit\u00e9 de la terre froide et des cr\u00e2nes avec laquelle Hamlet<\/em> se cl\u00f4t, concr\u00e9tis\u00e9e par la mort de l’innocente Oph\u00e9lie, se transforme en une fertilit\u00e9 lumineuse repr\u00e9sent\u00e9e par des personnages f\u00e9minins triomphants et restaur\u00e9s, qu’ils s’appellent Miranda, Perdita ou Hermione. Bloom et Stephen se rencontrent \u00e0 la maternit\u00e9, o\u00f9 ils entendent le tonnerre d’une renaissance int\u00e9rieure, l’acc\u00e8s \u00e0 une autre forme de spiritualit\u00e9, comme \u00e0 la fin de La Terre vaine<\/em> de T.S. Eliot, le po\u00e8me qui cl\u00f4tura l’ann\u00e9e qui avait commenc\u00e9 avec Ulysse.<\/p>\n\n\n\n

Joyce, comme on le sait, \u00e9tait un \u00e9crivain d’origine catholique, \u00e9duqu\u00e9 chez les J\u00e9suites, mais son appartenance \u00e0 la tradition anglo-saxonne lui a permis de jouir du privil\u00e8ge, refus\u00e9 dans d’autres langues, de travailler avec un instrument qui avait \u00e9t\u00e9 temp\u00e9r\u00e9 dans la traduction de la Bible, puis affin\u00e9 par un auteur, Shakespeare, qui a port\u00e9 l’imagination de la Renaissance \u00e0 une conception de l’homme \u00e9mancip\u00e9e du christianisme. Cette influence, inexcusable pour tout \u00e9crivain de son domaine, \u00e9tait particuli\u00e8rement probl\u00e9matique pour Joyce qui, comme Eliot, oscillait entre la d\u00e9votion \u00e0 Shakespeare et \u00e0 Dante, ce dernier \u00e9tant compris comme le po\u00e8te canonique de l’Europe catholique. Joyce, en outre, dans le long exil qui l’a amen\u00e9 \u00e0 quitter l’Irlande tr\u00e8s jeune et \u00e0 vivre \u00e0 Paris, Trieste et Zurich, a adopt\u00e9 l’italien comme une langue presque \u00e0 part enti\u00e8re et l’a utilis\u00e9 pour communiquer avec ses enfants. Il y a chez lui, comme chez Eliot, un glissement vers la vieille Europe qui lui permet d’\u00e9largir la distance avec laquelle les Irlandais, en raison de leurs propres idiosyncrasies, ont traditionnellement jug\u00e9 la culture anglaise.<\/p>\n\n\n\n

Sous l’influence de Dante, Ulysse<\/em> peut \u00eatre lu comme une descente aux enfers. En fait, de son propre aveu, Joyce voulait organiser son travail sur le mod\u00e8le de la Divine Com\u00e9die<\/em>. Ulysse<\/em> devait \u00eatre l’enfer et Finnegans Wake<\/em> (1939) le purgatoire. Paradise<\/em> devait \u00eatre une \u0153uvre sur l’oc\u00e9an, qu’il n’a jamais \u00e9crite. Mais, selon certains t\u00e9moignages, Joyce voulait que ce soit une pi\u00e8ce courte, simple, diaphane, un retour \u00e0 la clart\u00e9 apr\u00e8s la longue agonie de l’obscurit\u00e9 et de l’herm\u00e9tisme. Dans son cas, cependant, le mod\u00e8le de Dante lui sert, contrairement \u00e0 Eliot, \u00e0 tenter d’\u00e9chapper \u00e0 l’orthodoxie catholique, notamment \u00e0 son id\u00e9e de Dieu, que Joyce veut reformuler en termes d’immanence  : Dieu est un cri dans la rue. Dieu n’est pas la scission ontologique cr\u00e9\u00e9e par le monoth\u00e9isme, mais un cri dans la rue. La fuite de la maison paternelle et la rencontre avec le principe f\u00e9minin, comme cela arrive \u00e0 Ulysse avec Circ\u00e9 ou Calypso, implique aussi une transformation spirituelle, un passage de la transcendance \u00e0 l’immanence qui devait s’accomplir dans ce Paradis qu’il n’a jamais \u00e9crit mais dont on a l’intuition dans \u00ab  Anna Livia Plurabelle<\/em>  \u00bb, le dernier chapitre de la premi\u00e8re partie de Finnegans Wake<\/em> d\u00e9di\u00e9 \u00e0 cette m\u00e8re qui est aussi \u00e9pouse et fleuve. Tout cela est d\u00e9j\u00e0 pr\u00e9figur\u00e9 dans la rencontre entre Stephen et Poldy Bloom, qui est l’homme ordinaire, l’homme de la rue qui apprend \u00e0 son fils adoptif \u00e0 voir le monde avec une humilit\u00e9 g\u00e9n\u00e9rative. En d\u00e9finitive, la grande question d’Ulysse est l’amour, non pas un grand amour ou un amour ultraterrestre, mais le sentiment le plus commun et le plus difficile, la caritas<\/em>, celui qui survit, malgr\u00e9 la douleur et les infid\u00e9lit\u00e9s, au sein du mariage de Bloom.<\/p>\n\n\n\n

Comme nous pouvons le constater, Ulysse<\/em> reste une \u0153uvre vivante et stimulante pour le lecteur du XXIe si\u00e8cle, qui s’est \u00e9gar\u00e9 \u00e0 bien des \u00e9gards. Lu aujourd’hui, le roman surprend par le nombre de sympt\u00f4mes que son auteur a d\u00e9tect\u00e9s par rapport aux transformations que la soci\u00e9t\u00e9 occidentale subissait alors et qui sont d\u00e9j\u00e0 aujourd’hui des traits dominants de notre monde. Pour commencer, Joyce, qui avait une oreille pour l’anglais comparable seulement \u00e0 celle de Shakespeare, s’est rendu compte \u00e0 quel point la langue \u00e9tait cadenass\u00e9e et \u00e9puis\u00e9e. Des chapitres entiers sont \u00e9crits dans l’argot des magazines f\u00e9minins ou des publications masculines. Dans le monde d’Ulysse<\/em>, la publicit\u00e9, le journalisme et les clich\u00e9s ont tout envahi. Le fl\u00e2neur de Baudelaire est d\u00e9j\u00e0, comme le proph\u00e9tisait Benjamin, un publicitaire. Joyce d\u00e9montre \u00e0 quel point le langage public est d\u00e9grad\u00e9 et exploit\u00e9, au point de devenir un instrument de tyrannie, sans doute le pr\u00e9c\u00e9dent de l’imposition actuelle du politiquement correct. La forme classique de narration a \u00e9galement \u00e9t\u00e9 \u00e9puis\u00e9e parce qu’il n’y a plus de langue qui s’y pr\u00eate. La seule issue est la parodie, le sarcasme, la caricature, les \u00e9poques stylistiques successives de la langue anglaise se disant adieu dans un dernier rire. L’\u00e9closion finale de la parole int\u00e9rieure de Molly Bloom est le seul moment o\u00f9 le langage semble retrouver sa puret\u00e9. Le monologue de l’\u00e9pouse devient ainsi le r\u00e9veil apr\u00e8s un cauchemar de mort, de mensonges et de st\u00e9rilit\u00e9 qui culmine dans une affirmation orgasmique, paradoxalement la fin la plus lumineuse de toute la litt\u00e9rature du modernisme.<\/p>\n\n\n\n

Il y a chez lui, comme chez Eliot, un glissement vers la vieille Europe qui lui permet d’\u00e9largir la distance avec laquelle les Irlandais, en raison de leurs propres idiosyncrasies, ont traditionnellement jug\u00e9 la culture anglaise.<\/p>Andreu jaume<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Mais on trouve d\u2019autres signes avant-coureurs de notre pr\u00e9sent. Joyce a os\u00e9 remplir le langage et la vie de ses personnages avec la physiologie des corps, alors presque inexplor\u00e9e. Contrairement \u00e0 la vie mentale de Stephen, Bloom incarne toutes les exp\u00e9riences somatiques, de la nourriture et du sexe \u00e0 la d\u00e9f\u00e9cation et aux expectorations. Thomas Mann fera quelque chose de similaire dans La Montagne magique<\/em> (1924) et plus tard C\u00e9line dans tous ses romans. La pr\u00e9\u00e9minence actuelle du discours biologique, qui a mis fin \u00e0 la m\u00e9taphysique, est d\u00e9j\u00e0 l\u00e0, annonc\u00e9e et expos\u00e9e avec une crudit\u00e9 qui nous \u00e9tonne aujourd’hui et continue \u00e0 nous provoquer. Il en va de m\u00eame pour les signes de la mort que Joyce diss\u00e9mine avec inqui\u00e9tude et insistance tout au long du roman. Une nouvelle mar\u00e9e d’an\u00e9antissement semble s’approcher dans ces pages, comme si Joyce se faisait l’\u00e9cho du carnage qui se d\u00e9roulait en Europe au moment o\u00f9 il \u00e9crivait le roman. L’enterrement de Paddy Dignam, avec la vision de l’abattoir sur le chemin du cimeti\u00e8re, fonctionne en ce sens comme l’\u00e9mergence d’une nouvelle forme de mort, sans r\u00e9demption ni salut possible. La m\u00eame chose que la mort bestiale de la m\u00e8re de Stephen. Le fils a transform\u00e9 la mort de sa m\u00e8re en une mort animale en refusant de prier \u00e0 genoux \u00e0 ses c\u00f4t\u00e9s, comme elle le lui avait demand\u00e9. Ce non serviam<\/em> fait de lui un vaurien \u00e0 la fin.<\/p>\n\n\n\n

Tout au long de ce si\u00e8cle, Ulysse<\/em> est pass\u00e9 du statut d’\u0153uvre h\u00e9r\u00e9tique, interdite et censur\u00e9e, comme c’\u00e9tait le cas au d\u00e9but, \u00e0 celui d’\u0153uvre inscrite au canon avec une autorit\u00e9 indiscutable qui a fini par d\u00e9sactiver sa f\u00e9rocit\u00e9 jusqu’\u00e0 devenir une ruine mus\u00e9ale inoffensive et m\u00eame discr\u00e9dit\u00e9e. Joyce a eu des \u00e9pigones insupportables qui lui ont fait du tort, mais aussi des disciples intelligents et habiles qui ont su profiter de son influence sans s’y br\u00fbler, comme ce fut le cas de Samuel Beckett, qui a pouss\u00e9 le jeu avec langage \u00e0 l’extr\u00eame oppos\u00e9, de Nabokov, pour qui Ulysse<\/em> a toujours \u00e9t\u00e9 un grand mod\u00e8le, ou d’Anthony Burgess, peut-\u00eatre le romancier qui a su tirer le maximum du ma\u00eetre sans tomber dans ses pi\u00e8ges. Borges est all\u00e9 jusqu’\u00e0 dire que si nous devions sauver deux \u0153uvres de la litt\u00e9rature moderne, nous devrions choisir Ulysse<\/em> et Finnegans Wake<\/em>, comme exemples de ce que Virginia Woolf appelait \u00ab  un glorieux \u00e9chec  \u00bb.<\/p>\n\n\n\n

Convenons qu’aujourd’hui, un si\u00e8cle apr\u00e8s sa publication, Ulysse<\/em> n’a que peu, voire pas, d’influence. L’industrie acad\u00e9mique qui se consacrait \u00e0 obscurcir davantage sa signification a \u00e9t\u00e9 remplac\u00e9e par l’industrie des \u00e9tudes culturelles, qui constitue peut-\u00eatre la derni\u00e8re \u00e9tape de cet \u00e2ge chaotique proph\u00e9tis\u00e9 par Giambattista Vico dans un cycle que Joyce a utilis\u00e9 pour structurer Finnegans Wake <\/em>et que Harold Bloom a emprunt\u00e9 pour composer son \u00e9l\u00e9gie particuli\u00e8re pour le canon occidental. Toutefois, alors que nous attendons l’aube d’une nouvelle \u00e8re d\u00e9mocratique, nous pouvons peut-\u00eatre faire de cette fatalit\u00e9 une vertu. D\u00e9pouill\u00e9s de leur autorit\u00e9, les chefs-d’\u0153uvre du modernisme se montrent \u00e0 nouveau tels qu’ils \u00e9taient \u00e0 l’origine, anim\u00e9s par un esprit de d\u00e9fi et d\u2019insoumission, pr\u00eats \u00e0 transgresser les nouvelles limites que notre soci\u00e9t\u00e9 actuelle, peut-\u00eatre sans en avoir conscience, a fini par s’imposer \u00e0 elle-m\u00eame.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Cent ans apr\u00e8s la parution d\u2019Ulysses de James Joyce, \u00e0 Paris, et 140 ans apr\u00e8s la naissance de l\u2019\u00e9crivain, la litt\u00e9rature occidentale semble souffrir d\u2019amn\u00e9sie ou de d\u00e9n\u00e9gation, comme si la r\u00e9volution artistique du modernisme anglo-saxon n’avait pas eu lieu.<\/p>\n","protected":false},"author":1950,"featured_media":130112,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"templates\/post-reviews.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1734],"tags":[],"geo":[1917],"class_list":["post-130098","post","type-post","status-publish","format-standard","hentry","category-doctrines","staff-andreu-jaume","geo-europe"],"acf":[],"yoast_head":"\nLe centenaire d'Ulysse | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"Le centenaire d'Ulysse | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"Cent ans apr\u00e8s la parution d\u2019Ulysses de James Joyce, \u00e0 Paris, et 140 ans apr\u00e8s la naissance de l\u2019\u00e9crivain, la litt\u00e9rature occidentale semble souffrir d\u2019amn\u00e9sie ou de d\u00e9n\u00e9gation, comme si la r\u00e9volution artistique du modernisme anglo-saxon n'avait pas eu lieu.\" \/>\n<meta property=\"og:url\" content=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/\" \/>\n<meta property=\"og:site_name\" content=\"Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"article:published_time\" content=\"2022-02-02T10:40:38+00:00\" \/>\n<meta property=\"article:modified_time\" content=\"2022-02-02T10:40:44+00:00\" \/>\n<meta property=\"og:image\" content=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/gc-ulyssesreseaux.jpg\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:width\" content=\"1200\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:height\" content=\"693\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:type\" content=\"image\/jpeg\" \/>\n<meta name=\"author\" content=\"valentinf\" \/>\n<meta name=\"twitter:card\" content=\"summary_large_image\" \/>\n<meta name=\"twitter:image\" content=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/gc-ulyssesreseaux.jpg\" \/>\n<meta name=\"twitter:label1\" content=\"\u00c9crit par\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:data1\" content=\"valentinf\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:label2\" content=\"Dur\u00e9e de lecture estim\u00e9e\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:data2\" content=\"20 minutes\" \/>\n<script type=\"application\/ld+json\" class=\"yoast-schema-graph\">{\"@context\":\"https:\/\/schema.org\",\"@graph\":[{\"@type\":\"WebPage\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/\",\"url\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/\",\"name\":\"Le centenaire d'Ulysse | Le Grand Continent\",\"isPartOf\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website\"},\"primaryImageOfPage\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#primaryimage\"},\"image\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#primaryimage\"},\"thumbnailUrl\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/51NDQKBaYIL.jpg\",\"datePublished\":\"2022-02-02T10:40:38+00:00\",\"dateModified\":\"2022-02-02T10:40:44+00:00\",\"author\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/c85110a0970a7ae08146cad05cfa9e4d\"},\"breadcrumb\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#breadcrumb\"},\"inLanguage\":\"fr-FR\",\"potentialAction\":[{\"@type\":\"ReadAction\",\"target\":[\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/\"]}]},{\"@type\":\"ImageObject\",\"inLanguage\":\"fr-FR\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#primaryimage\",\"url\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/51NDQKBaYIL.jpg\",\"contentUrl\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/51NDQKBaYIL.jpg\",\"width\":1103,\"height\":1360},{\"@type\":\"BreadcrumbList\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#breadcrumb\",\"itemListElement\":[{\"@type\":\"ListItem\",\"position\":1,\"name\":\"Accueil\",\"item\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/\"},{\"@type\":\"ListItem\",\"position\":2,\"name\":\"Le centenaire d’Ulysse\"}]},{\"@type\":\"WebSite\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website\",\"url\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/\",\"name\":\"Le Grand Continent\",\"description\":\"L'\u00e9chelle pertinente\",\"potentialAction\":[{\"@type\":\"SearchAction\",\"target\":{\"@type\":\"EntryPoint\",\"urlTemplate\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?s={search_term_string}\"},\"query-input\":{\"@type\":\"PropertyValueSpecification\",\"valueRequired\":true,\"valueName\":\"search_term_string\"}}],\"inLanguage\":\"fr-FR\"},{\"@type\":\"Person\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/c85110a0970a7ae08146cad05cfa9e4d\",\"name\":\"valentinf\",\"image\":{\"@type\":\"ImageObject\",\"inLanguage\":\"fr-FR\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/image\/\",\"url\":\"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/74bcf6a86adb79e16547d6a9350e1703?s=96&d=mm&r=g\",\"contentUrl\":\"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/74bcf6a86adb79e16547d6a9350e1703?s=96&d=mm&r=g\",\"caption\":\"valentinf\"}}]}<\/script>\n<!-- \/ Yoast SEO plugin. -->","yoast_head_json":{"title":"Le centenaire d'Ulysse | Le Grand Continent","robots":{"index":"index","follow":"follow","max-snippet":"max-snippet:-1","max-image-preview":"max-image-preview:large","max-video-preview":"max-video-preview:-1"},"canonical":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/","og_locale":"fr_FR","og_type":"article","og_title":"Le centenaire d'Ulysse | Le Grand Continent","og_description":"Cent ans apr\u00e8s la parution d\u2019Ulysses de James Joyce, \u00e0 Paris, et 140 ans apr\u00e8s la naissance de l\u2019\u00e9crivain, la litt\u00e9rature occidentale semble souffrir d\u2019amn\u00e9sie ou de d\u00e9n\u00e9gation, comme si la r\u00e9volution artistique du modernisme anglo-saxon n'avait pas eu lieu.","og_url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/","og_site_name":"Le Grand Continent","article_published_time":"2022-02-02T10:40:38+00:00","article_modified_time":"2022-02-02T10:40:44+00:00","og_image":[{"width":1200,"height":693,"url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/gc-ulyssesreseaux.jpg","type":"image\/jpeg"}],"author":"valentinf","twitter_card":"summary_large_image","twitter_image":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/gc-ulyssesreseaux.jpg","twitter_misc":{"\u00c9crit par":"valentinf","Dur\u00e9e de lecture estim\u00e9e":"20 minutes"},"schema":{"@context":"https:\/\/schema.org","@graph":[{"@type":"WebPage","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/","url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/","name":"Le centenaire d'Ulysse | Le Grand Continent","isPartOf":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website"},"primaryImageOfPage":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#primaryimage"},"image":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#primaryimage"},"thumbnailUrl":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/51NDQKBaYIL.jpg","datePublished":"2022-02-02T10:40:38+00:00","dateModified":"2022-02-02T10:40:44+00:00","author":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/c85110a0970a7ae08146cad05cfa9e4d"},"breadcrumb":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#breadcrumb"},"inLanguage":"fr-FR","potentialAction":[{"@type":"ReadAction","target":["https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/"]}]},{"@type":"ImageObject","inLanguage":"fr-FR","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#primaryimage","url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/51NDQKBaYIL.jpg","contentUrl":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2022\/02\/51NDQKBaYIL.jpg","width":1103,"height":1360},{"@type":"BreadcrumbList","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/02\/02\/le-centenaire-dulysse\/#breadcrumb","itemListElement":[{"@type":"ListItem","position":1,"name":"Accueil","item":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/"},{"@type":"ListItem","position":2,"name":"Le centenaire d’Ulysse"}]},{"@type":"WebSite","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website","url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/","name":"Le Grand Continent","description":"L'\u00e9chelle pertinente","potentialAction":[{"@type":"SearchAction","target":{"@type":"EntryPoint","urlTemplate":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?s={search_term_string}"},"query-input":{"@type":"PropertyValueSpecification","valueRequired":true,"valueName":"search_term_string"}}],"inLanguage":"fr-FR"},{"@type":"Person","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/c85110a0970a7ae08146cad05cfa9e4d","name":"valentinf","image":{"@type":"ImageObject","inLanguage":"fr-FR","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/image\/","url":"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/74bcf6a86adb79e16547d6a9350e1703?s=96&d=mm&r=g","contentUrl":"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/74bcf6a86adb79e16547d6a9350e1703?s=96&d=mm&r=g","caption":"valentinf"}}]}},"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/130098","targetHints":{"allow":["GET"]}}],"collection":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1950"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=130098"}],"version-history":[{"count":0,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/130098\/revisions"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/media\/130112"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=130098"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=130098"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=130098"},{"taxonomy":"geo","embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/geo?post=130098"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}