{"id":129918,"date":"2022-01-30T21:44:05","date_gmt":"2022-01-30T20:44:05","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=129918"},"modified":"2022-01-30T21:46:29","modified_gmt":"2022-01-30T20:46:29","slug":"la-crise-du-quirinal-un-tournant-dans-lhistoire-politique-italienne","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2022\/01\/30\/la-crise-du-quirinal-un-tournant-dans-lhistoire-politique-italienne\/","title":{"rendered":"La crise du Quirinal : un tournant dans l\u2019histoire politique italienne"},"content":{"rendered":"\n
C\u2019est donc le sc\u00e9nario de l\u2019extrema ratio<\/em> qui aura pr\u00e9valu en Italie. Un sc\u00e9nario qui a conduit \u00e0 la r\u00e9\u00e9lection du Pr\u00e9sident de la R\u00e9publique Sergio Mattarella. Toutes les autres tentatives de m\u00e9diation entre les parties qui auraient abouti \u00e0 l\u2019\u00e9lection de Mario Draghi au Quirinal ou \u00e0 l\u2019identification d\u2019une figure tierce, super partes<\/em>, ont \u00e9chou\u00e9. L\u2019\u00e9pisode qui se cl\u00f4t avec l\u2019\u00e9lection de Mattarella repr\u00e9sente l\u2019\u00e9pilogue d\u2019une mandature tr\u00e8s douloureuse ; il est aussi le signe sans \u00e9quivoque d’un syst\u00e8me politique en \u00e9tat de d\u00e9composition avanc\u00e9e. Comprendre cet \u00e9v\u00e9nement ne peut faire l\u2019\u00e9conomie d\u2019une perspective plus large.<\/p>\n\n\n\n Les \u00e9lections g\u00e9n\u00e9rales de 2018 avaient grandement d\u00e9stabilis\u00e9 le syst\u00e8me politique italien, d\u00e9j\u00e0 tr\u00e8s fragile. La croissance soudaine du consensus structur\u00e9 autour du populisme \u2013 celui du Mouvement 5 \u00e9toiles fond\u00e9 par le comique Beppe Grillo \u2013 et du souverainisme \u2013 la Ligue de Matteo Salvini \u2013 avait rendu impossible, faute de chiffres, l’hypoth\u00e8se de gouvernement qui semblait la plus cr\u00e9dible, celle d’un accord entre les deux principales formations de centre gauche et de centre droit, le Parti d\u00e9mocrate et Forza Italia de Silvio Berlusconi. Dans le m\u00eame temps, des centaines de nouvelles recrues arrivaient au Parlement : des politiciens jeunes et non qualifi\u00e9s, anim\u00e9s par des slogans anti-politiques, eurosceptiques et anti-establishment, qu\u2019il \u00e9tait tr\u00e8s difficile d\u2019organiser et de discipliner, ou m\u00eame simplement de r\u00e9duire aux cat\u00e9gories classiques de la politique.<\/p>\n\n\n\n Exploitant les aspirations progressistes, vagues et confuses, diffus\u00e9es au sein du Mouvement 5 \u00e9toiles (MS5), une tentative avait ensuite \u00e9t\u00e9 \u00e9labor\u00e9e pour tisser un accord \u00e0 gauche entre la formation de Grillo et le PD. Apr\u00e8s l\u2019\u00e9chec de cette hypoth\u00e8se, l\u2019exp\u00e9rience nationale-populiste du premier gouvernement Conte avait \u00e9t\u00e9 accouch\u00e9e au terme d\u2019une m\u00e9diation laborieuse. Ce gouvernement constituait un \u00e9l\u00e9ment perturbateur inou\u00ef pour les alliances europ\u00e9ennes et internationales de l\u2019Italie. C\u2019\u00e9tait \u00e9galement la confirmation qu\u2019il existait un clivage entre les populistes et l\u2019establishment<\/em> qui, s\u2019il n\u2019avait pas remplac\u00e9 le clivage gauche\/droite, s\u2019y \u00e9tait comme superpos\u00e9. Mais ce maintien d\u2019un double clivage s\u2019expliquait aussi parce que la coalition de centre-droit avait \u00e9t\u00e9 unie lors des \u00e9lections, tenues dans un syst\u00e8me \u00e9lectoral mixte proportionnel-uninominal, et avait gouvern\u00e9 de mani\u00e8re unie dans de nombreuses administrations locales, en particulier dans toutes les r\u00e9gions importantes du nord de l’Italie.<\/p>\n\n\n\n L\u2019exp\u00e9rience du premier gouvernement Conte durera un peu plus d\u2019un an. La tournure mod\u00e9r\u00e9e et pro-europ\u00e9enne imprim\u00e9e par Giuseppe Conte au M5S, d\u2019une part, pesait dans cet \u00e9chec de long\u00e9vit\u00e9. Cette politique culmina avec la d\u00e9cision de voter \u00e0 Strasbourg pour Ursula von der Leyen comme pr\u00e9sidente de la Commission europ\u00e9enne. D\u2019autre part, la d\u00e9cision du leader leghiste Salvini, boost\u00e9 par un score de 34 % aux \u00e9lections europ\u00e9ennes de 2019, de tenter \u00ab  d\u2019encaisser \u00bb \u00e9galement au niveau national, brisait l\u2019axe populiste, le repla\u00e7ant \u00e0 la t\u00eate de la coalition de centre-droit et for\u00e7ant des \u00e9lections. C\u2019est \u00e0 ce moment-l\u00e0, et pour mettre un coup d\u2019arr\u00eat \u00e0 la tentative de Salvini que l\u2019alliance \u00e0 gauche entre le PD et le Mouvement 5 \u00e9toiles vit le jour. Le deuxi\u00e8me gouvernement Conte pouvait na\u00eetre. Il constituait une anomalie institutionnelle majeure : le m\u00eame Pr\u00e9sident du Conseil \u00e9tait nomm\u00e9 \u00e0 la t\u00eate d’une majorit\u00e9 diff\u00e9rente, voire politiquement oppos\u00e9e \u00e0 la pr\u00e9c\u00e9dente. Mais m\u00eame ce nouveau dispositif ne parvint pas \u00e0 survivre jusqu\u2019\u00e0 la fin de la l\u00e9gislature. La mise en avant de la figure du Pr\u00e9sident du Conseil, ses difficult\u00e9s pour mener \u00e0 bien les r\u00e9formes et l\u2019urgence de la pand\u00e9mie conduisirent les forces centristes \u2013 \u00e0 l’initiative de l\u2019ancien secr\u00e9taire du PD, Matteo Renzi, qui avait entre-temps quitt\u00e9 son parti \u2013 \u00e0 \u00e9teindre l\u2019interrupteur du deuxi\u00e8me gouvernement Conte. Apr\u00e8s des semaines perdues \u00e0 chercher en vain des \u00e9lus \u00ab responsables \u00bb, c’est-\u00e0-dire des parlementaires ind\u00e9pendants pr\u00eats \u00e0 soutenir un troisi\u00e8me gouvernement Conte, le syst\u00e8me politique choisit de s\u2019auto-suspendre. <\/p>\n\n\n\n