{"id":124847,"date":"2021-11-11T14:00:00","date_gmt":"2021-11-11T13:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=124847"},"modified":"2021-11-12T00:14:40","modified_gmt":"2021-11-11T23:14:40","slug":"les-taliban-ont-ils-gagne-la-guerre-par-le-droit-une-conversation-avec-adam-baczko","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/11\/11\/les-taliban-ont-ils-gagne-la-guerre-par-le-droit-une-conversation-avec-adam-baczko\/","title":{"rendered":"Les Taliban ont-ils gagn\u00e9 la guerre par le droit ? Une conversation avec Adam Baczko"},"content":{"rendered":"\n

L’approche sociologique des guerres civiles<\/span>1<\/sup><\/a><\/span> est au c\u0153ur de vos travaux. Pourriez-vous d\u00e9velopper votre m\u00e9thode exp\u00e9rimentale, et notamment dans le cadre de l\u2019opposition que vous dessinez avec la m\u00e9thode dite \u00ab  n\u00e9opositiviste \u00bb, qui se fonde sur la th\u00e9orie dite du choix rationnel ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Le point de d\u00e9part, c\u2019est de comprendre qu\u2019une grande partie des travaux en sciences sociales sur les conflits arm\u00e9s, et l\u2019Afghanistan n\u2019y fait pas exception, sont fond\u00e9s sur ce qui devient aujourd\u2019hui le courant dominant en \u00e9conomie et en sciences politiques, c\u2019est-\u00e0-dire des travaux qui pr\u00e9supposent les intentions des acteurs en se fondant sur l\u2019id\u00e9e qu\u2019ils sont des acteurs exclusivement rationnels, mus uniquement par des int\u00e9r\u00eats \u00e9conomiques. Les conflits sont alors d\u00e9finis par ce qui est capturable, ce que l\u2019on d\u00e9finit en metrics <\/em>et par un usage abondant mais parfois trop simpliste des statistiques, avec une faible prise en compte des complexit\u00e9s d\u2019un contexte de conflit arm\u00e9. N\u2019\u00eatre centr\u00e9 que sur les questions de violence et ne pas voir les processus sociaux profonds qui se jouent dans les guerres civiles aplatit ces ph\u00e9nom\u00e8nes, nous emp\u00eache de voir leur complexit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Je propose donc de sortir de ce sens commun des guerres civiles comme des moments de paroxysme violent, de chaos, d\u2019anarchie, d\u2019effondrement des soci\u00e9t\u00e9s pour regarder au contraire l\u2019extraordinaire productivit\u00e9 sociale qui se joue dans ce contexte : ce sont des moments r\u00e9volutionnaires, d\u2019ascensions ou de d\u00e9clins sociaux, de transformations des hi\u00e9rarchies de genre, d\u2018\u00e2ge, des hi\u00e9rarchies ethnico-religieuses, ainsi que des moments de production institutionnelle intense, et cela se voit particuli\u00e8rement dans le domaine juridique.<\/p>\n\n\n\n

Je l\u2019explique dans mon livre, une situation de guerre civile n\u2019est pas une situation de non-droit mais au contraire de multiplication des revendications \u00e0 faire du droit. L\u2019apport principal d\u2019une approche sociologique des guerres civiles est donc de d\u00e9crire les effets sociaux d\u2019une guerre et les processus sociaux qui sous-tendent leur \u00e9volution et leurs trajectoires : le fait qu\u2019une guerre civile se prolonge, qu\u2019elle se finit, les modalit\u00e9s \u00e0 travers lesquelles elle se fait.<\/p>\n\n\n\n

Une telle approche permet \u00e9galement de montrer qu\u2019une guerre civile n\u2019est pas qu\u2019un conflit interne, contrairement \u00e0 l\u2019id\u00e9e fausse qu\u2019a inspir\u00e9e la philosophie politique, ce sont au contraire des moments d\u2019internationalisation. Et ce que montre une approche sociologique des guerres civiles, c\u2019est la centralit\u00e9 des processus internationaux, y compris pour des ph\u00e9nom\u00e8nes qui paraissent locaux au premier regard.<\/p>\n\n\n\n

Qu\u2019est-ce que les guerres civiles ont \u00e0 nous apprendre ? Ont-elles quelque chose \u00e0 nous apprendre sur l\u2019individu ainsi que sur la construction de l\u2019\u00c9tat et la place du droit dans cette construction ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Les guerres civiles sont int\u00e9ressantes car, comme elles sont des cas radicaux de processus politiques que l\u2019on retrouve ailleurs, elles jouent un r\u00f4le de r\u00e9v\u00e9lateur. Elles d\u00e9naturalisent le monde social. Tout le probl\u00e8me des sciences sociales est que d\u00e8s que nous rentrons dans des situations de violence politique, il y a une tendance \u00e0 faire de ces situations des exceptions et \u00e0 proposer d\u2019utiliser des outils d\u2019analyse exceptionnels.<\/p>\n\n\n\n

Le projet du groupe que nous formons avec Gilles Dorronsoro, et qui a \u00e9t\u00e9 l\u2019objet du programme europ\u00e9en <\/a>\u00ab Social Dynamics of Civil Wars \u00bb<\/span>2<\/sup><\/a><\/span>, c\u2019est de rattacher les guerres civiles \u00e0 la sociologie g\u00e9n\u00e9rale, de cesser de penser qu\u2019on peut faire de la sociologie en France, mais pas en Afghanistan. Au contraire, il s\u2019agit m\u00eame de mettre en lumi\u00e8re les processus sociaux que l\u2019on voit \u00e0 l\u2019\u0153uvre au Mali, en Syrie ou en Afghanistan, dont certains sont \u00e9tonnamment familiers et, \u00e0 l\u2019inverse, des processus exceptionnels en Afghanistan qui le sont beaucoup moins en France. J\u2019ai beaucoup travaill\u00e9 de mani\u00e8re comparative car l\u2019explosion des litiges priv\u00e9s, par exemple en Afghanistan, ou la multiplication des revendications \u00e0 faire du droit, ce n\u2019est pas une sp\u00e9cificit\u00e9 de l\u2019Afghanistan mais c\u2019est ce que l\u2019on retrouve dans toutes les guerres et cela montre quelque part qu\u2019une guerre civile est un moment d\u2019extr\u00eame questionnement sur l\u2019ordre politique, sur les rapports entre ordre politique et probl\u00e8mes personnels, un moment de politisation des questions personnelles. Et c\u2019est en m\u00eame temps un moment de r\u00e9articulation d\u2019une soci\u00e9t\u00e9, de ses institutions politiques avec l\u2019ordre international.<\/p>\n\n\n\n

La guerre civile est un moment d’extr\u00eame questionnement sur l’ordre politique, sur les rapports entre ordre politique et probl\u00e8mes personnels, un moment de politisation des questions personnelles.<\/p>adam baczko<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Les guerres civiles ne se d\u00e9roulent pas dans des pays comme le Canada ou la Suisse mais dans des zones marginalis\u00e9es dans le syst\u00e8me international et \u00e9conomique. Ces zones marginalis\u00e9es d\u00e9pendent non seulement d\u2019\u00e9l\u00e9ments qui structurent le syst\u00e8me international, comme la fixit\u00e9 des fronti\u00e8res, mais \u00e9galement de la reconnaissance internationale et des importantes ressources qui l\u2019accompagnent. On peut gouverner pendant 20 ans le Somaliland dans la paix, si cette entit\u00e9 n\u2019est pas reconnue, elle est autre chose qu\u2019un \u00c9tat, et ce m\u00eame si elle en a tous les marqueurs.<\/p>\n\n\n\n

Les guerres civiles reprennent cette double logique d\u2019un syst\u00e8me international qui repose sur les \u00c9tats mais qui met \u00e9galement en place des politiques d\u2019organisations internationales ou transnationales qui contournent les \u00c9tats, qui fonctionnent de moins en moins en construisant des politiques publiques mais qui s\u2019appuient sur des dynamiques plus locales et qui ont, d\u00e8s lors, des effets de fragmentation tr\u00e8s importants. <\/p>\n\n\n\n

La premi\u00e8re insurrection, dans les ann\u00e9es 1980, est plac\u00e9e devant son \u00e9chec pour r\u00e9soudre des situations juridiques complexes, notamment du fait des conflits entre commandants. N\u2019avons-nous pas ici le premier exemple de la n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019une instance centralis\u00e9e ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Les ann\u00e9es 1980 sont int\u00e9ressantes, notamment du fait de cette multiplicit\u00e9 de commandants qui mettent en place une multitude de syst\u00e8mes juridiques locaux  : <\/strong>l\u2019Afghanistan des ann\u00e9es 1980 est un laboratoire juridique hors du commun par son intensit\u00e9, comparable uniquement \u00e0 une guerre o\u00f9 il y a des multiplicit\u00e9s d\u2019acteurs militaires, comme la Syrie de 2011-2012.<\/p>\n\n\n\n

Ce qui est int\u00e9ressant, c\u2019est que le domaine judiciaire a des contraintes propres, qui ne se retrouvent pas dans le domaine de la sant\u00e9 par exemple. Il se construit en effet fondamentalement dans des logiques de comp\u00e9tition intense entre diff\u00e9rents acteurs. Nous retrouvons ici, finalement, les probl\u00e9matiques de la sociologie du droit telles que d\u00e9velopp\u00e9es en France ou aux \u00c9tats-Unis. Un syst\u00e8me juridique est produit gr\u00e2ce \u00e0 des logiques de reconnaissance et se traduit par, \u00e0 un moment, la d\u00e9finition de qui est l\u00e9gitime \u00e0 dire le droit, qui juge, au nom de quelles r\u00e8gles, quels sont les recours possibles, avec en bout de course le probl\u00e8me de la d\u00e9finition d’une autorit\u00e9 supr\u00eame.<\/p>\n\n\n\n

On se retrouve en permanence devant ces questions dans les ann\u00e9es 1980 quand, dans une partie du pays, des juges d\u00e9cident de mettre en place un syst\u00e8me judiciaire ind\u00e9pendant des commandants et la question devient alors : qui applique les d\u00e9cisions ? Que fait-on si un commandant refuse d\u2019appliquer les verdicts ? \u00c0 qui fait-on appel, quelle est l\u2019autorit\u00e9 de dernier recours ? Et la justice, par sa technicit\u00e9 mais aussi par le fait qu\u2019elle n\u2019est jamais tout \u00e0 fait autonome et qu\u2019elle d\u00e9pend d\u2019une autorit\u00e9 politique et d\u2019un usage de la coercition est un r\u00e9v\u00e9lateur de la difficult\u00e9 \u00e0 produire une forme du discours qui accompagnerait un tel niveau de violence ou d\u2019une coercition qui accompagnerait le droit \u00e0 partir du moment o\u00f9 une multiplicit\u00e9 d\u2019acteurs a des revendications parall\u00e8les.<\/p>\n\n\n\n

Pour commencer \u00e0 comprendre le mouvement taliban, une premi\u00e8re question s\u2019impose. Comment expliquer que la forte intrication du politique et du religieux ne d\u00e9bouche pas sur une contradiction ? Le religieux, en l\u2019esp\u00e8ce la charia, r\u00e9ussit-il \u00e0 fournir une structure juridique coh\u00e9rente et fonctionnelle ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Les Taliban sont un exemple int\u00e9ressant \u00e0 cet \u00e9gard car ils sont un mouvement du clerg\u00e9 sunnite, des dipl\u00f4m\u00e9s en th\u00e9ologie et en droit islamique des \u00e9coles religieuses, ou \u00e0 tout le moins d\u2019\u00e9tudiants. C\u2019est un mouvement arm\u00e9 compos\u00e9 donc de juges, qui revendiquent l\u2019exercice de la justice et leur comp\u00e9tence \u00e0 gouverner.<\/p>\n\n\n\n

Cette id\u00e9ologie Taliban tire ses origines d\u2019un courant religieux, le d\u00e9obandisme, en vogue en Asie du Sud. Celui-ci se d\u00e9veloppe contre la colonisation britannique, \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 le droit anglo-musulman \u2013 apr\u00e8s la r\u00e9volte des Cipayes de 1866, donne aux juges britanniques la pr\u00e9rogative d\u2019appliquer le droit islamique, la retirant donc au clerg\u00e9. Le d\u00e9obandisme va alors se d\u00e9velopper \u00e0 partir de la ville de Deoband, au nord de l\u2019Inde, ou des membres du clerg\u00e9 sunnite proposent une r\u00e9forme \u00e0 partir de deux fondements : un enseignement rationaliste inspir\u00e9 de la colonisation en mati\u00e8re d\u2019enseignement, une meilleure organisation du clerg\u00e9, une logique plus bureaucratique dans son fonctionnement ; et en m\u00eame temps une interpr\u00e9tation fondamentaliste des textes, une lecture plus litt\u00e9rale, une revendication de retour aux fondamentaux de l\u2019Islam.<\/p>\n\n\n\n

Ce double appui va \u00e0 la fois amener le d\u00e9obandisme \u00e0 cr\u00e9er un clerg\u00e9 plut\u00f4t coh\u00e9rent pour le sunnisme, qui est normalement plus fragment\u00e9, et en m\u00eame temps \u00e0 promouvoir une vision parmi ces clercs de leur r\u00f4le historique \u00e0 r\u00e9guler les rapports sociaux, \u00e0 gouverner, \u00e0 arbitrer les conflits. Chez les Taliban, il n\u2019y a pas de contradiction entre le politique et le religieux, au contraire la l\u00e9gitimit\u00e9 religieuse est celle qui permet de gouverner de mani\u00e8re morale, de bien gouverner et d\u2019\u00e9viter des m\u0153urs dissolues qui sont pour les Taliban la cause de la guerre civile qui perdure.<\/p>\n\n\n\n

Chez les Taliban, il n’y a pas de contradiction entre le politique et le religieux, au contraire la l\u00e9gitimit\u00e9 religieuse est celle qui permet de gouverner de mani\u00e8re morale. <\/p>adam baczko<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Quand vous \u00e9coutez les discours de Mollah Omar ou des juges que j\u2019ai pu interroger, ils ne parlent pas d\u2019une guerre qui aurait des enjeux g\u00e9opolitiques ou une concurrence entre des groupes sociaux (par exemple entre les dipl\u00f4m\u00e9s de l\u2019universit\u00e9 et ceux des madrasas) \u2013 deux visions tr\u00e8s pertinentes de la guerre. Pour eux, la guerre est un probl\u00e8me de m\u0153urs dissolues qu\u2019il faut r\u00e9guler pour \u00e9viter les guerres civiles : c\u2019est parce qu\u2019\u00e0 un moment des gens laissent des adult\u00e8res se commettre que d\u2019autres vont collaborer avec l\u2019\u00e9tranger, abandonner la religion et abandonner toute probit\u00e9 dans l\u2019espace public.<\/p>\n\n\n\n

Et cette vision, tr\u00e8s ancr\u00e9e dans une moralit\u00e9 individuelle, dans la n\u00e9cessit\u00e9 de re-moraliser la soci\u00e9t\u00e9, l\u00e9gitime d\u2019autant plus, du point de vue des Taliban, leur revendication en tant que religieux d\u2019\u00eatre les plus \u00e0 m\u00eame de gouverner.<\/p>\n\n\n\n

Il est d\u2019autant plus \u00e9tonnant d\u2019observer que, si l\u2019intrication entre le religieux et le politique est fondamentale, la hi\u00e9rarchie politique n\u2019est pas li\u00e9e \u00e0 la hi\u00e9rarchie cl\u00e9ricale. Comment interpr\u00e9ter une dissociation si forte entre capital religieux et capital politique quand la correspondance entre capital juridique et capital religieux semble \u00eatre parfaite ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est toute la complexit\u00e9 de ce mouvement. Il revendique le fait que la hi\u00e9rarchie cl\u00e9ricale devrait se traduire dans le politique, et donc le fait que les savants islamiques devraient gouverner. Or c\u2019est un mouvement dont le chef lui-m\u00eame, Mollah Omar, n\u2019a une \u00e9ducation que primaire, il n\u2019est personne dans la hi\u00e9rarchie religieuse, c\u2019est la vraie diff\u00e9rence avec l\u2019Iran par exemple o\u00f9 le mouvement r\u00e9volutionnaire va \u00eatre domin\u00e9 par un ayatollah parmi les plus reconnus. <\/p>\n\n\n\n

Les Taliban vont r\u00e9soudre cette contradiction en s\u2019appuyant sur des logiques charismatiques : Mollah Omar va gouverner par son absence beaucoup plus que par sa pr\u00e9sence, il est tr\u00e8s peu pr\u00e9sent, tr\u00e8s peu visible. C\u2019est quelque chose que nous voyons encore dans le mouvement taliban, mawlawi<\/em> Haibatullah Akhundzada, le dirigeant actuel des Taliban, reste peu visible, comme un dirigeant absent dont on sait la place justement parce qu\u2019il n\u2019est pas l\u00e0. Et dans le m\u00eame sens, il y a toute une s\u00e9rie de m\u00e9canismes au sein du mouvement taliban qui permettent de d\u00e9montrer ce charisme au quotidien : les r\u00eaves de mollah Omar, qui sont tr\u00e8s importants pour le mouvement. Mollah Omar r\u00eave et quand il r\u00eave, il parle au proph\u00e8te, et en discutant avec le proph\u00e8te, il aurait un acc\u00e8s plus direct aux sources de la religion que celui qui a un dipl\u00f4me religieux.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est \u00e9galement pour r\u00e9soudre ce probl\u00e8me que les Taliban font le geste tr\u00e8s symbolique de nommer Mollah Omar \u00e9mir Emir al-Mouminin<\/em>, \u00ab commandeur des croyants \u00bb, le titre du proph\u00e8te, en 1996 juste apr\u00e8s la chute de Kaboul devant 3000 dignitaires religieux d\u2019Asie du Sud en lui faisant mettre le manteau du proph\u00e8te, la plus grande relique religieuse en Afghanistan conserv\u00e9e \u00e0 la mosqu\u00e9e de Kherqa Sharif \u00e0 Kandahar. Cette c\u00e9r\u00e9monie a permis de prendre une des deux seules photos que nous avons de Mollah Omar. Les Taliban r\u00e9pondent ainsi \u00e0 leur probl\u00e8me fondamental : ils ont une id\u00e9ologie qui dit que le religieux doit d\u00e9terminer la comp\u00e9tence politique, donc ils donnent \u00e0 leur chef, dont le statut religieux est faible, une place exceptionnelle, celle de r\u00e9incarnation du proph\u00e8te.<\/p>\n\n\n\n

Cela ne repr\u00e9sente pas v\u00e9ritablement une revendication mondiale, \u00e0 la mani\u00e8re de l\u2019\u00c9tat islamique en 2014. La version talibane \u00e9tait d\u2019abord un appel \u00e0 l\u2019histoire afghane car, \u00e0 la fin du XIXe si\u00e8cle, le roi fondateur de l\u2019\u00c9tat moderne afghan, Abdul Rahman Khan, s\u2019\u00e9tait aussi fait nommer commandeur des croyants mais cela repr\u00e9sente \u00e9galement une tentative de r\u00e9soudre une contradiction fondamentale dans leur fonctionnement.<\/p>\n\n\n\n

Concernant les ambitions de l\u2019Afghanistan, il est frappant de voir que, contrairement \u00e0 l\u2019\u00c9tat islamique par exemple, les Taliban n\u2019ont pas de pr\u00e9tention internationale, il s\u2019agit uniquement de mettre en place un r\u00e9gime islamique en Afghanistan.<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

La v\u00e9ritable ambigu\u00eft\u00e9 des Taliban se situe dans le fait que, si leur revendication est de gouverner l\u2019Afghanistan et si la nomination de mollah Omar comme commandeur des croyants se fait dans un contexte plus national qu\u2019international, leur internationalisme se limite \u00e0 l\u2019accueil de mouvements qui ont des agendas globaux.<\/p>\n\n\n\n

Les Taliban sont un mouvement qui s\u2019efforce de construire une autorit\u00e9 nationale dans une logique \u00e9tatiste. Il n\u2019est pas dans une logique de remise en cause du syst\u00e8me international et des principes de la souverainet\u00e9 \u00e9tatique, \u00e0 l\u2019instar de ce que fait l\u2019\u00c9tat islamique. Pour autant, il adopte une solidarit\u00e9 avec les autres mouvements djihadistes, et c\u2019est bien ce que nous voyons quand mollah Omar accueille des membres d\u2019Al Qa\u00efda ou des groupes Cachemiris, Ou\u00efghours ou Ouzbeks dans les ann\u00e9es 1990. Ils sont dans une logique d\u2019accueil de mouvements ext\u00e9rieurs mais ils restent dans une strat\u00e9gie nationale. <\/p>\n\n\n\n

Gilles Dorronsoro parle d\u2019une \u00ab <\/strong> si pr\u00e9visible d\u00e9faite \u00bb<\/span>3<\/sup><\/a><\/span>. Pourquoi la d\u00e9faite \u00e9tait-elle si pr\u00e9visible ? La guerre aurait-elle finalement \u00e9t\u00e9 perdue, comme semble le laisser entendre votre ouvrage, d\u00e8s le tournant des ann\u00e9es 2000 ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Il faut rappeler que, dans un premier temps, la guerre \u00e9tait gagn\u00e9e car en 2002, mollah Omar, au nom du mouvement taliban, fait passer une lettre de reddition en \u00e9change d\u2019un accord selon lequel les combattants talibans ne seraient pas inqui\u00e9t\u00e9s par les forces sp\u00e9ciales et les combattants de l\u2019Alliance du Nord sur lesquelles les forces sp\u00e9ciales am\u00e9ricaines s\u2019appuient pour envoyer les Taliban dans les prisons secr\u00e8tes de la CIA, \u00e0 Bagram ou \u00e0 Guantanamo, ou les ex\u00e9cuter.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est dans les premi\u00e8res ann\u00e9es de la guerre qu\u2019une victoire va \u00eatre transform\u00e9e en d\u00e9faite parce que cette guerre, fondamentalement, n\u2019est pas perdue dans les derniers mois, mais bien d\u00e8s 2011-2012. Lorsqu\u2019Obama d\u00e9clare le retrait, il acte une d\u00e9faite.<\/p>\n\n\n\n

Vous citiez Gilles Dorronsoro et son ouvrage r\u00e9cemment paru mais il est encore plus frappant de voir qu\u2019il avait \u00e9crit en 2012 un rapport intitul\u00e9 En attendant les Taliban <\/em>pour le Carnegie Endowment for International Peace<\/em><\/span>4<\/sup><\/a><\/span> o\u00f9 il disait d\u00e9j\u00e0 que la question \u00e9tait maintenant : que faire face \u00e0 la prise de pouvoir des Taliban. Celle-ci paraissait probable au vu des erreurs et des catastrophes produites.<\/p>\n\n\n\n

Mais alors, pourquoi un si long engagement ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Cette question est particuli\u00e8rement complexe. Ce qui a failli en Afghanistan, ce sont l\u2019expertise et les dispositifs de production de l\u2019action militaire et civile. Il est n\u00e9cessaire de remettre en cause les modalit\u00e9s d\u2019intervention occidentale suite \u00e0 ce qui s\u2019est pass\u00e9 en Afghanistan dans le domaine militaire : les forces sp\u00e9ciales, les ex\u00e9cutions cibl\u00e9es, l\u2019emploi de milices, les politiques de d\u00e9veloppement et de state building<\/em>, et des experts qui passaient leur temps \u00e0 louer des pratiques d\u00e9sastreuses dont le caract\u00e8re contre-productif \u00e9tait pourtant de plus en plus \u00e9vident.<\/p>\n\n\n\n

Une chose v\u00e9ritablement frappante \u00e0 la lecture de votre livre est la mise en place d\u2019un syst\u00e8me juridique tout \u00e0 fait hors-sol par les autorit\u00e9s internationales et les diff\u00e9rents pays acteurs du conflit. Vous montrez que des concepts juridiques tout \u00e0 fait \u00e9trangers au droit afghan et donc aux juges afghans ont \u00e9t\u00e9 introduits dans le droit national.<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Personne ne fait volontairement des choses absurdes, ce qui inclut les responsables au sein des organisations internationales ou des agences de coop\u00e9ration. Ce qui a d\u2019abord pos\u00e9 probl\u00e8me en Afghanistan \u00e9tait de l\u2019ordre de l\u2019id\u00e9el, des nombreux st\u00e9r\u00e9otypes appos\u00e9s sur ce pays. M\u00eame aujourd\u2019hui, pour expliquer la d\u00e9faite, un certain nombre d\u2019id\u00e9es re\u00e7ues sont mises en avant, par exemple le fait que les Afghans seraient r\u00e9tifs \u00e0 l\u2019\u00c9tat, \u00e0 l\u2019autorit\u00e9. D\u2019\u00e9l\u00e9gants surnoms sont d\u2019ailleurs donn\u00e9s \u00e0 l\u2019Afghanistan : \u00ab le cimeti\u00e8re des empires \u00bb, \u00ab le royaume de l\u2019insolence \u00bb, qui alimentent la vision d\u2019un agr\u00e9gat de tribus, d\u2019ethnies localistes qui rejettent toute autorit\u00e9 centrale. Cette image fausse de l\u2019Afghanistan – il y a d\u00e8s le XIXe si\u00e8cle un processus d\u2019\u00e9tatisation et de s\u00e9cularisation du pays – a nourri l\u2019id\u00e9e que l\u2019\u00c9tat en Afghanistan \u00e9tait une tabula rasa<\/em>, qu\u2019il fallait partir de z\u00e9ro pour construire les institutions.<\/p>\n\n\n\n

On voit ici un culturalisme extraordinaire, avec un \u00e9loge de l\u2019anthropologie, voire son instrumentalisation au service de la guerre, mais sans les anthropologues, sans leurs travaux qui montraient la d\u00e9tribalisation du pays dans toute la seconde moiti\u00e9 du XXe si\u00e8cle, la relativit\u00e9 des identit\u00e9s et l\u2019absence de groupes ethniques homog\u00e8nes. On a d\u2019ailleurs beaucoup vu ces cartes color\u00e9es sur la r\u00e9partition des ethnies qui circulent sans cesse alors qu\u2019elles ne refl\u00e8tent absolument pas ce que les Afghans disent et font. Elles ne permettent notamment pas de comprendre, par exemple, que les Taliban ont gagn\u00e9 la guerre par le Nord, c\u2019est-\u00e0-dire par la r\u00e9gion o\u00f9 les Pachtounes sont minoritaires.<\/p>\n\n\n\n

Ce qui a failli en Afghanistan, ce sont l’expertise et les dispositifs de production de l’action militaire et civile. <\/p>adam baczko<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Cette image de l\u2019Afghanistan a jou\u00e9 un r\u00f4le \u00e9norme dans le state-building<\/em>. Comme l\u2019Afghanistan avait besoin d\u2019un vrai chef pour cet agr\u00e9gat de tribus et d\u2019ethnies, les \u00c9tats-Unis imposent Hamid Karza\u00ef et contribuent \u00e0 son \u00e9lection frauduleuse de 2009, alors qu\u2019il y avait une demande populaire d\u2019alternance et de d\u00e9mocratie. Sur le plan juridique, les puissances \u00e9trang\u00e8res affirment que l\u2019Afghanistan est une tabula rasa<\/em> et importent donc des concepts juridiques car elles consid\u00e8rent qu\u2019il n\u2019y a pas de normes ou de pratiques juridiques \u00e0 aller chercher dans l\u2019histoire afghane. Cette vision est flagrante dans certains exemples que je donne dans mon ouvrage, par exemple lorsque, pour r\u00e9\u00e9crire le Code de proc\u00e9dure p\u00e9nale entre 2004 et 2006, le Code p\u00e9nal de 1975 ou le Code de proc\u00e9dure p\u00e9nal de 1977 ne sont m\u00eame pas consult\u00e9s. La mission italienne refait donc un tout nouveau Code de proc\u00e9dure, en partie inspir\u00e9 du Code de proc\u00e9dure p\u00e9nale italien avec des \u00e9l\u00e9ments tout \u00e0 fait contradictoires avec le reste du droit afghan, et qui ne fait qu\u2019un quart du Code de proc\u00e9dure p\u00e9nale afghan de 1977.<\/p>\n\n\n\n

L\u2019Afghanistan devient le th\u00e9\u00e2tre des d\u00e9rives des politiques n\u00e9olib\u00e9rales avec des sous-traitances en cascade, induisant une d\u00e9connexion entre les programmes et les ressources investies dans ces programmes. Pour ce qui concerne ces sommes, seulement 20 % de l\u2019argent arrive effectivement en Afghanistan, produisant une privatisation g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e de l\u2019argent public. Ce n\u2019est pas de la corruption dans un sens p\u00e9nal, mais une forme directe de transfert du public au priv\u00e9. Et concernant les 20 % restants, les programmes sont d\u00e9connect\u00e9s des demandes sociales et des besoins sociaux, \u00e0 l\u2019instar de ce professeur am\u00e9ricain qui donne un cours de droit constitutionnel \u00e0 partir du cas am\u00e9ricain aux procureurs afghans puisqu\u2019il ignore tout de la constitution afghane. Il y a donc v\u00e9ritablement de tr\u00e8s gros \u00e9carts entre les besoins des juristes afghans et les formations acc\u00e9l\u00e9r\u00e9es sur 3 semaines comme celle donn\u00e9e par ce professeur am\u00e9ricain pay\u00e9 plusieurs dizaines de milliers de dollars.<\/p>\n\n\n\n

En plus de ces explications d\u2019ordre anthropologique, n\u2019y a-t-il pas un double temps dans la pens\u00e9e m\u00eame de la construction de l\u2019\u00c9tat ? L\u2019\u00e9tablissement de ces structures inadapt\u00e9es correspondrait-il \u00e0 une vision de long terme tandis que leur contournement – notamment pour s\u2019appuyer sur des instances \u00ab <\/strong> tribales \u00bb – correspondrait \u00e0 des buts de plus court terme ? Et, de fait, cela rappelle un double objectif avec \u00e9galement deux temporalit\u00e9s distinctes : r\u00e9tablir les droits humains et les droits des femmes dans le long terme mais lutter contre le terrorisme \u00e0 tout prix sur le court terme<\/strong>. <\/h3>\n\n\n\n

Il y avait effectivement une double logique dans l\u2019intervention, qui \u00e9tait d\u2019ailleurs visible par les deux op\u00e9rations : l\u2019op\u00e9ration Enduring Freedom<\/em> sous commandement am\u00e9ricain, op\u00e9ration antiterroriste, o\u00f9 les forces sp\u00e9ciales ont la main, et la Force internationale d\u2019assistance \u00e0 la s\u00e9curit\u00e9 (FIAS) qui avait un mandat de \u00ab stabilisation \u00bb. Cette mission de stabilisation se traduit par un investissement financier et militaire consid\u00e9rable, notamment dans les structures judiciaires. Il ne faut pas n\u00e9gliger cette volont\u00e9 de construction \u00e9tatique de la part des op\u00e9rateurs occidentaux, avec un investissement fort en termes d\u2019hommes, d\u2019argent et de comp\u00e9tences dans la mise en place de ce syst\u00e8me juridique, avec des effets d\u00e9sastreux d\u2019ailleurs.<\/p>\n\n\n\n

De l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 cependant, il y a un appui sur des instances de conciliation qui constituent une r\u00e9invention de la tribu, avec des programmes qui sont en fait de l\u2019importation de logiques de m\u00e9diation anglo-saxonnes des ann\u00e9es 1980 faites pour d\u00e9sengorger le syst\u00e8me juridique am\u00e9ricain. Cet \u00e9loge des logiques de m\u00e9diation et de n\u00e9gociation circule dans les d\u00e9cennies suivantes, par la Banque Mondiale, dans toute une s\u00e9rie de politiques de d\u00e9veloppement partout dans le monde, avec un ensemble d\u2019entreprises qui se sont sp\u00e9cialis\u00e9es dans la question et qui mettent en place des instances de conciliation cens\u00e9es mieux prendre en compte les mani\u00e8res locales d\u2019arbitrer les disputes mais qui proviennent en r\u00e9alit\u00e9 de normes ext\u00e9rieures.<\/p>\n\n\n\n

Ces deux logiques parall\u00e8les de transnationalisation ont des effets profond\u00e9ment contradictoires, la mise en place d\u2019instances conciliatrices parall\u00e8les achevant de miner le syst\u00e8me judiciaire fragile du r\u00e9gime.<\/p>\n\n\n\n

Vous montrez par ailleurs que les bellig\u00e9rants, et en premier lieu les \u00c9tats-Unis, ont bafou\u00e9 le droit international \u00e0 de nombreuses reprises, notamment \u00e0 travers les ex\u00e9cutions cibl\u00e9es, auxquelles vous vous int\u00e9ressez dans votre ouvrage. Que signifie pour un \u00c9tat qui se fonde sur le droit international le non-respect de ce m\u00eame droit par les puissances qui lui servent de garantes ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est tout le paradoxe de l\u2019Afghanistan. La guerre en Afghanistan montre la pr\u00e9gnance du droit international, m\u00eame si, \u00e0 premi\u00e8re vue, l\u2019\u00e9chec des proc\u00e9dures p\u00e9nales internationales tend \u00e0 faire penser le contraire. La mani\u00e8re dont les militaires am\u00e9ricains ont agi hors de tout cadre l\u00e9gal – les forces sp\u00e9ciales ont \u00e9t\u00e9 laiss\u00e9es libres d\u2019agir sans supervision – a eu des cons\u00e9quences catastrophiques. Elles ont conduit \u00e0 l\u2019exacerbation des conflits, elles ont traqu\u00e9 des individus \u00e0 partir de renseignements souvent biais\u00e9s. En effet, pour traquer des militants qui vivent au milieu du reste de la population, il est n\u00e9cessaire de disposer d\u2019informateurs, et les forces sp\u00e9ciales ont donc cherch\u00e9 des alli\u00e9s pour les guider et, de mani\u00e8re r\u00e9currente, se sont int\u00e9gr\u00e9es dans des rivalit\u00e9s locales induites par 23 ann\u00e9es de guerre entre 1978 et 2001. Les forces sp\u00e9ciales am\u00e9ricaines s\u2019allient avec les chefs de guerre de l\u2019Alliance du Nord, les commandants honnis pour avoir men\u00e9 les guerres intestines des ann\u00e9es 1990 qui ont rendu les Taliban populaires en 1994.<\/p>\n\n\n\n

La guerre en Afghanistan montre la pr\u00e9gnance du droit international, m\u00eame si, \u00e0 premi\u00e8re vue, l’\u00e9chec des proc\u00e9dures p\u00e9nales internationales tend \u00e0 faire penser le contraire. <\/p>ADAM BACZKO<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Ignorant du contexte, ne ma\u00eetrisant pas les langues, les militaires am\u00e9ricains se laissent manipuler : Gul Agha Sherza\u00ef, le premier gouverneur de Kandahar, peut ainsi placer son fr\u00e8re, ses cousins, son neveu comme traducteurs et dirige des Forces Sp\u00e9ciales pour \u00e9liminer non pas des Taliban, mais ses rivaux. Les Am\u00e9ricains deviennent le bras aveugle des conflits locaux, participant \u00e0 attiser les tensions. L\u2019ampleur de la d\u00e9connexion des soldats am\u00e9ricains appara\u00eet au grand jour \u00e0 la fin des ann\u00e9es 2000, dans un reportage de la cha\u00eene ABC news, o\u00f9 en reprenant les images film\u00e9es, les journalistes font traduire les interactions entre les soldats et des villageois. Or, le traducteur ne parle pas pachtoune et dit n\u2019importe quoi aux militaires am\u00e9ricains. Et lorsque l\u2019on fait une enqu\u00eate sur les traducteurs pachtounes sous-trait\u00e9s par une entreprise am\u00e9ricaine, on d\u00e9couvre qu\u2019une majorit\u00e9 ne parle pas pachtoune.<\/p>\n\n\n\n

Comme vous l’\u00e9crivez dans votre ouvrage, l’arm\u00e9e am\u00e9ricaine n’a pas men\u00e9 13 ans de guerre mais un an de guerre treize fois <\/em> : la d\u00e9faite \u00e9tait-elle donc marqu\u00e9e dans les racines de l\u2019action des instances internationales ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je paraphrase un acteur important de la guerre au Vietnam, John Paul Vann. Il disait que le probl\u00e8me de la guerre du Vietnam n\u2019\u00e9tait pas que les \u00c9tats-Unis avaient men\u00e9 12 ans de guerre mais 12 fois une ann\u00e9e. Et l\u2019on peut dire la m\u00eame chose de l\u2019Afghanistan, voire un peu plus puisque les d\u00e9ploiements \u00e9taient r\u00e9duits \u00e0 6 mois, voire \u00e0 4 mois pour certains pays occidentaux, et il y avait donc une perte d\u2019expertise cyclique qui montrait que, depuis la d\u00e9colonisation, les pays occidentaux ont perdu la capacit\u00e9 de produire une connaissance institutionnelle sur le reste du monde. Il y a encore des endroits o\u00f9 c\u2019est le cas, par exemple en Afrique de l\u2019Ouest pour l\u2019arm\u00e9e fran\u00e7aise, mais de mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale, il y a de moins en moins la capacit\u00e9 de la part des institutions d\u2019investir le terrain de mani\u00e8re suffisamment longue pour que les acteurs militaires et civils ma\u00eetrisent des contextes locaux et nationaux.<\/p>\n\n\n\n

En Afghanistan, cela a \u00e9t\u00e9 un des \u00e9l\u00e9ments essentiels de la guerre. Je cite \u00e0 un moment dans mon ouvrage le g\u00e9n\u00e9ral en charge du renseignement, Michael T. Flynn, illustrement connu aujourd\u2019hui pour son soutien \u00e0 Trump, mais qui \u00e0 l\u2019\u00e9poque \u00e9tait une figure de l\u2019arm\u00e9e am\u00e9ricaine. Apr\u00e8s 10 ans d\u2019intervention, il reconna\u00eet la mauvaise qualit\u00e9 du renseignement que ses hommes r\u00e9unissaient. Son bilan est sans concession : le renseignement am\u00e9ricain est catastrophique et parfois m\u00eame contreproductif. La d\u00e9faite en Afghanistan est une d\u00e9faite des forces sp\u00e9ciales, une d\u00e9faite du renseignement, c\u2019est une d\u00e9faite li\u00e9e \u00e0 l\u2019ignorance. <\/p>\n\n\n\n

Vous parlez tout de m\u00eame d\u2019un tournant avec l\u2019arriv\u00e9e de Barack Obama, d\u2019une reprise en main du conflit et d\u2019un renouvellement de l\u2019action, en 2009, mais qui, encore une fois, se fonde sur une vision erron\u00e9e du syst\u00e8me juridique local.<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Il y a effectivement un moment de r\u00e9investissement avec Barack Obama, qui avait promis le retrait et qui essaie, de mani\u00e8re assez classique, de faire le retrait par le surinvestissement. Il esp\u00e8re mettre assez de ressources pour obtenir une victoire. Les ann\u00e9es 2008-2009 sont au fond le dernier moment o\u00f9 les Am\u00e9ricains ont la possibilit\u00e9 de ne pas perdre la guerre, mais comme ils se fondent sur cette vision compl\u00e8tement erron\u00e9e de l\u2019Afghanistan, d\u2019un Afghanistan tribal, traditionnel, les ressources sont investies dans des endroits qui n\u2019ont aucun sens, l\u2019Helmand par exemple : croire que la guerre allait se dessiner dans cette province p\u00e9riph\u00e9rique \u00e9tait une compr\u00e9hension tr\u00e8s pauvre du conflit. La guerre allait se gagner ou se perdre \u00e0 Kaboul et depuis le d\u00e9but, tout se jouait autour des villes afghanes. \u00c0 l\u2019\u00e9poque de Barack Obama, il y a effectivement un r\u00e9investissement mais \u00e9galement une continuit\u00e9 des st\u00e9r\u00e9otypes, de l\u2019orientalisme qui am\u00e8ne les cadres am\u00e9ricains \u00e0 prendre de mauvaises d\u00e9cisions. Lors de la pr\u00e9sidence Obama, tout le monde parle de contre-insurrection mais en r\u00e9alit\u00e9 l\u2019augmentation des ressources produit surtout une acc\u00e9l\u00e9ration des ex\u00e9cutions cibl\u00e9es, pr\u00e8s de 10 000 ex\u00e9cutions par an entre 2008 et 2011. Ces ann\u00e9es sont donc celles d\u2019une exacerbation des effets n\u00e9gatifs de l\u2019intervention am\u00e9ricaine, une multiplication des milices, toute une s\u00e9rie de mauvaises d\u00e9cisions qui rendront les Taliban populaires dans les campagnes par rejet de l\u2019action am\u00e9ricaine.<\/p>\n\n\n\n

Nous avons reconstitu\u00e9, avec Gilles Dorronsoro, dans plusieurs districts, les moments de retournement o\u00f9 les Taliban prennent la main, avec \u00e0 chaque fois le m\u00eame d\u00e9roulement : ce sont les rejets de l\u2019arm\u00e9e am\u00e9ricaine suite \u00e0 des op\u00e9rations aux effets catastrophiques qui am\u00e8nent des habitants \u00e0 soutenir les Taliban, voire \u00e0 les rejoindre.<\/p>\n\n\n\n

Pour continuer sur ce point, alors m\u00eame que les cadres am\u00e9ricains pensent retourner le cours de la guerre, ils participent \u00e0 une exacerbation des tensions, avec l\u2019appui sur des instances tribales notamment.<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Tout \u00e0 fait, il va de plus en plus y avoir un appel \u00e0 la r\u00e9invention d\u2019instances tribales, les jirgas <\/em>et les shuras <\/em>qui sont ces programmes de m\u00e9diation informelle dont je parlais plus t\u00f4t, et surtout l\u2019armement de segments sociaux de la population, la multiplication de milices – il y a des milices mises en place par l\u2019arm\u00e9e et la CIA d\u00e8s 2002, mais ces programmes se multiplient \u00e0 la fin des ann\u00e9es 2000, minant l\u2019appareil s\u00e9curitaire du r\u00e9gime de Kaboul, concurren\u00e7ant l\u2019arm\u00e9e et la police et donnant au r\u00e9gime et \u00e0 l\u2019arm\u00e9e am\u00e9ricaine l\u2019image de ceux qui provoquent le chaos. Beaucoup de gens que j\u2019ai interrog\u00e9s, en d\u00e9pit de leur rejet des Taliban et, parfois m\u00eame d\u2019une adh\u00e9sion au r\u00e9gime, m\u2019exprimaient souvent leur volont\u00e9 que les Am\u00e9ricains se retirent.<\/p>\n\n\n\n

Ce d\u00e9sir du retrait am\u00e9ricain peut \u00e9galement se comprendre \u00e0 partir du ph\u00e9nom\u00e8ne massif de corruption. En effet, il semble qu\u2019\u00e0 la faiblesse de ces puissances \u00e9trang\u00e8res \u00e0 comprendre la r\u00e9alit\u00e9 de l\u2019Afghanistan correspond \u00e9galement la capacit\u00e9 qu\u2019ont les dignitaires du r\u00e9gime mis en place \u00e0 s\u2019enrichir, \u00e0 mettre en place un r\u00e9seau de corruption particuli\u00e8rement dense. Pouvez-vous revenir l\u00e0-dessus ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

La partialit\u00e9 des Occidentaux qui cherchent des alli\u00e9s et de l\u2019autre c\u00f4t\u00e9 la faiblesse des processus institutionnels ont entra\u00een\u00e9 la mise en place d\u2019un syst\u00e8me de n\u00e9potisme et de corruption g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9e. L\u2019\u00e9lite politique \u00e0 Kaboul s\u2019enrichit en sciant la branche sur laquelle le reste de la soci\u00e9t\u00e9 est assis, en d\u00e9tournant les fonds de l\u2019aide, en tirant parti de l\u2019impunit\u00e9 et s\u2019enrichissant par le trafic de drogue. Jusqu\u2019en 2014, le gros du trafic de drogue ne transite pas par les Taliban mais bien par les dignitaires du r\u00e9gime puisque les Taliban contr\u00f4lent alors seulement la culture du pavot, mais la transformation et le transport, autrement plus lucratifs, sont dans les mains de ces potentats, qui sont d\u2019ailleurs mis parfois \u00e0 la t\u00eate des programmes internationaux de lutte contre le trafic de drogue. Lorsque Gul Agha Sherzai et Ahmed Wali Karzai sont en charge de lutte contre le trafic de drogue, alors qu\u2019ils en sont les plus grands acteurs, on rationalise le march\u00e9. Il n\u2019est pas \u00e9tonnant que la production augmente durant cette p\u00e9riode.<\/p>\n\n\n\n

Ce sont les rejets de l’arm\u00e9e am\u00e9ricaine suite \u00e0 des op\u00e9rations aux effets catastrophiques qui am\u00e8nent des habitants \u00e0 soutenir les Taliban, voire \u00e0 les rejoindre.<\/p>ADAM BACZKO<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

L\u2019accaparement foncier par ces dignitaires li\u00e9s au r\u00e9gime est \u00e9galement un ph\u00e9nom\u00e8ne tr\u00e8s important, car il provoque un fort rejet du r\u00e9gime chez les personnes dont les terres sont spoli\u00e9es. C\u2019est tout un syst\u00e8me de corruption qui va miner l\u2019\u00c9tat puisque les postes de chefs de la police, de juges, tous les postes importants de l\u2019administration en somme sont \u00e0 vendre, produisant une logique g\u00e9n\u00e9rale de d\u00e9construction de l\u2019\u00c9tat, qui explique son d\u00e9litement une d\u00e9cennie plus tard. Et cela n\u2019a rien \u00e0 voir avec la culture afghane ou un rejet historique de l\u2019\u00c9tat. Le r\u00e9gime communiste des ann\u00e9es 1980 n\u2019est pas corrompu. Cela a beaucoup plus \u00e0 voir avec ce m\u00e9lange de proc\u00e9dures de contournements de l\u2019\u00c9tat, de constructions par programmes par sous-traitance propre aux modalit\u00e9s contemporaines d\u2019interventions occidentales et enfin, le fait de d\u00e9cider que l\u2019on va s\u2019appuyer sur les gens \u00e0 qui l\u2019on peut parler : Hamid Karza\u00ef, les proches de Massoud qui vont s\u2019approprier une part importante de l\u2019aide. Les chefs de guerre des ann\u00e9es 1990 cessent ainsi d\u2019\u00eatre des chefs de guerre pour devenir des parasites qui s\u2019enrichissent aux d\u00e9pens de l\u2019\u00c9tat, de l\u2019aide internationale et surtout de la soci\u00e9t\u00e9 afghane.<\/p>\n\n\n\n

La figure d\u2019Hamid Karza\u00ef m\u2019a interrog\u00e9 durant ma lecture. Parachut\u00e9, il semble \u00eatre le dirigeant d\u2019un r\u00e9gime fantoche. Pourtant, il est \u00e9galement \u00e0 la t\u00eate de ce r\u00e9seau de corruption et double m\u00eame parfois les instances internationales, notamment sur les questions du commerce de la drogue.<\/strong> Quel r\u00f4le joue-t-il v\u00e9ritablement durant le conflit ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Hamid Karza\u00ef est tout l\u2019inverse de l\u2019image qui en est faite lorsqu\u2019il est plac\u00e9 \u00e0 la t\u00eate du pouvoir. Ce n\u2019est pas du tout un moderniste, mais, au contraire, plut\u00f4t un fondamentaliste. Karza\u00ef propose \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1990 ses services aux Taliban, ce qu\u2019ils refusent puisqu\u2019ils recrutent les cadres de l\u2019\u00c9tat parmi le clerg\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Karza\u00ef vient d\u2019une petite famille de notables du Sud, et lorsqu\u2019il est mis au pouvoir, il n\u2019a aucune l\u00e9gitimit\u00e9. C\u2019est quelque chose dont profitent pendant un certain temps les membres de l\u2019Alliance du Nord pour s\u2019emparer de pans de l\u2019\u00c9tat. Simultan\u00e9ment, les \u00c9tats-Unis vont donner \u00e0 Karza\u00ef, en particulier par le biais du repr\u00e9sentant sp\u00e9cial du pr\u00e9sident Georges W. Bush, Zalmay Khalilzad, des pr\u00e9rogatives tr\u00e8s importantes lui permettant de r\u00e9\u00e9crire la Constitution et de la biaiser en faveur du pr\u00e9sident. En m\u00eame temps, les \u00c9tats-Unis lui interdisent l\u2019\u00e9limination des chefs de guerres des ann\u00e9es 1990. C\u2019est tout le paradoxe de l\u2019action occidentale : on va \u00e0 la fois autoriser Karza\u00ef \u00e0 miner le Parlement et le syst\u00e8me judiciaire, mais on ne va pas l\u2019autoriser \u00e0 \u00e9liminer les chefs de guerre qui emp\u00eachent l\u2019ex\u00e9cutif de fonctionner dans le m\u00eame contexte. Ce paradoxe est essentiel pour comprendre que la seule mani\u00e8re par laquelle Karza\u00ef peut rester au pouvoir, c\u2019est une logique syst\u00e9mique, celle d\u2019acheter les gens qui ont des hommes arm\u00e9s en leur offrant des pans de l\u2019\u00c9tat. C\u2019est donc ce syst\u00e8me de contraintes multiples qui am\u00e8ne Hamid Karza\u00ef \u00e0 \u00eatre un homme qui gouverne par la nomination, en permettant l\u2019appropriation par pans entiers de l\u2019\u00c9tat. Lui-m\u00eame fait de m\u00eame parce que, outre les profits de la drogue, il va \u00eatre l\u2019un des principaux b\u00e9n\u00e9ficiaires de la fraude de la Kabul Bank, avec des sommes faramineuses distribu\u00e9es \u00e0 ses proches. Il est \u00e9galement impliqu\u00e9, par le biais de son ministre des Finances, Hazrat Omar Zakhilwal, dans la perception de la moiti\u00e9 des revenus du poste de douane le plus important du pays, celui de la province du Nangarhar.<\/p>\n\n\n\n

Les tribunaux talibans<\/strong><\/h2>\n\n\n\n

Vous montrez que les tribunaux talibans, s\u2019ils n\u2019ont pas \u00e9t\u00e9 la priorit\u00e9 du mouvement, ont tout de m\u00eame \u00e9t\u00e9 mis en place d\u00e8s 2003-2005 selon les t\u00e9moignages que vous avez recueillis. Qu\u2019est-ce que cela nous dit sur la formation de l\u2019\u00c9tat ? Est-ce coh\u00e9rent avec les constructions th\u00e9oriques, notamment philosophiques et sociologiques ?\u00a0<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Il y a deux choses int\u00e9ressantes. D\u2019abord, leur attention au droit est tr\u00e8s r\u00e9v\u00e9latrice de qui sont les Taliban sociologiquement, le fait qu\u2019ils se voient comme des juges islamiques. Par ailleurs, le fait de mettre en place un syst\u00e8me judiciaire r\u00e9pond de la part des Taliban \u00e0 une r\u00e9flexion sur la nature du conflit arm\u00e9. Les Taliban d\u00e9dient une part importante de leurs ressources limit\u00e9es \u00e0 l\u2019instauration de ces tribunaux. Ils investissent des hommes, des comp\u00e9tences et une \u00e9nergie consid\u00e9rable dans l\u2019id\u00e9e qu\u2019un pays s\u2019administre par le droit.<\/p>\n\n\n\n

Je suis en train de travailler au Mali, j\u2019ai travaill\u00e9 en Syrie, en Afghanistan, en R\u00e9publique d\u00e9mocratique du Congo et en Irak, et, dans une perspective comparative, c\u2019est une bonne analyse de ce qui se joue dans une guerre civile. Le droit et la justice sont toujours au centre de la pr\u00e9occupation des gens. Une guerre civile n\u2019est pas un moment o\u00f9 les gens arr\u00eatent de s\u2019occuper de leurs probl\u00e8mes intimes pour se d\u00e9dier pendant des d\u00e9cennies \u00e0 la lutte politique, mais \u00e9galement une situation o\u00f9 ils ont des conflits d\u2019h\u00e9ritage, des probl\u00e8mes li\u00e9s aux mariages, aux divorces, des litiges commerciaux. Ces questions restent les principales pr\u00e9occupations des gens et leur exacerbation par la guerre donne au droit une place tout \u00e0 fait particuli\u00e8re \u00e0 leurs yeux.<\/p>\n\n\n\n

Par ailleurs, le droit permet de d\u00e9terminer les rapports entre les diff\u00e9rentes fonctions essentielles de la vie politique, notamment la branche arm\u00e9e. Si l\u2019on veut parler d\u2019une mani\u00e8re sociologique, le droit op\u00e8re une d\u00e9termination des rapports entre champs. Le droit est l\u2019espace social dans lequel sont d\u00e9finies les limites, les r\u00e8gles de ce qui va se jouer ailleurs, c\u2019est un des espaces de lutte autour de la d\u00e9finition de ces normes.<\/p>\n\n\n\n

Vous d\u00e9crivez une v\u00e9ritable organisation pyramidale du syst\u00e8me judiciaire Taliban, ainsi qu\u2019un syst\u00e8me de rotation des juges plus ou moins respect\u00e9. Est-ce qu\u2019un tel syst\u00e8me est v\u00e9ritablement fonctionnel, au moment de sa mise en place mais \u00e9galement sur le long terme ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Fonctionnel, il l\u2019est en tout cas par le simple fait que ces tribunaux traitent des milliers de cas. Le syst\u00e8me Taliban compte environ 700-800 juges \u00e0 la fin des ann\u00e9es 2000, soit autant que le syst\u00e8me du r\u00e9gime. Les Taliban s\u2019inspirent de la Constitution afghane de 1964, en reprenant les r\u00e9flexions de l’\u00c9mirat islamique Taliban des ann\u00e9es 1990. Le syst\u00e8me judiciaire a donc une structure institutionnelle \u00e0 trois niveaux : des cours d\u2019instance, des cours d\u2019appel et une Cour de cassation (inspiration fran\u00e7aise de la constitution de 1964).<\/p>\n\n\n\n

Ce syst\u00e8me, avec un ensemble de m\u00e9canismes de rotation, d\u2019inspecteurs clandestins, de proc\u00e9dures relativement d\u00e9termin\u00e9es, de la plainte jusqu\u2019\u00e0 l\u2019archivage ou le recours, permet aux Taliban d\u2019avoir des pratiques relativement coh\u00e9rentes \u00e0 l\u2019\u00e9chelle nationale. Relativement car le mouvement d\u00e9veloppe son syst\u00e8me judiciaire dans un contexte de guerre civile et le degr\u00e9 de formalisation reste tout de m\u00eame tr\u00e8s limit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Il reste que j\u2019ai trouv\u00e9 beaucoup de similarit\u00e9s dans les diff\u00e9rents endroits o\u00f9 j\u2019ai men\u00e9 des entretiens, les paroles des juges sont relativement coh\u00e9rentes du Nord au Sud et \u00e0 l\u2019Est du pays les trois r\u00e9gions o\u00f9 j\u2019ai conduit mes terrains, et ces juges ont une capacit\u00e9 \u00e0 r\u00e9soudre certains conflits et \u00e0 notamment appara\u00eetre comme une autorit\u00e9 ext\u00e9rieure, relativement impartiale pour ces gens.    <\/p>\n\n\n\n

Plus pr\u00e9cis\u00e9ment, quel est v\u00e9ritablement le lien qu\u2019entretiennent les juges avec la population ? Comme vous le dites, si la population d\u2019une r\u00e9gion est contente d\u2019un juge, il peut parfois rester l\u00e0 o\u00f9 il est affect\u00e9. N\u2019est-ce pas \u00e9tonnant qu\u2019il y ait une participation des Afghans sur des questions qui touchent des Taliban et des juges talibans ?\u00a0<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Ces choses-l\u00e0 se font de mani\u00e8re assez discr\u00e8te et il est int\u00e9ressant de voir que les juges eux-m\u00eames ont un r\u00f4le dans ce processus de d\u00e9cision et eux, en tant que personnes, ont d\u00e9montr\u00e9 une certaine r\u00e9flexivit\u00e9 sur cette question quand j\u2019ai men\u00e9 mes entretiens. Ils savaient l\u2019importance de rester ext\u00e9rieurs aux relations locales, ils savaient l\u2019utilit\u00e9 qu\u2019avait le syst\u00e8me de rotation pour maintenir leur ext\u00e9riorit\u00e9 et ils savaient surtout \u00e0 quel point leurs actes \u00e9taient \u00e0 la fois des actes politiques qui avaient un r\u00f4le dans la guerre, que bien juger \u00e9tait un moyen de gagner la guerre.<\/p>\n\n\n\n

Les Taliban investissent des hommes, des comp\u00e9tences et une \u00e9nergie consid\u00e9rable dans l\u2019id\u00e9e qu\u2019un pays s\u2019administre par le droit.<\/p>ADAM BACZKO<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Cette r\u00e9flexivit\u00e9 des juges montrait leur compr\u00e9hension des processus \u00e0 l\u2019\u0153uvre et permettait au syst\u00e8me judiciaire taliban d\u2019\u00eatre plut\u00f4t coh\u00e9rent dans un contexte de guerre et en m\u00eame temps assez pragmatique. Il y a un m\u00e9lange de pragmatisme et d\u2019id\u00e9ologie dans ce mouvement qui explique sa capacit\u00e9 \u00e0 produire un syst\u00e8me de justice sophistiqu\u00e9, tr\u00e8s s\u00e9v\u00e8re dans les peines, tr\u00e8s strict, avec un degr\u00e9 de formalisation et pourtant \u00e0 arr\u00eater un jugement, par exemple un conflit entre deux villages o\u00f9, justement, de mani\u00e8re tr\u00e8s politique, le juge renvoie la d\u00e9cision \u00e0 sa hi\u00e9rarchie qui lui dit de ne pas en prendre. Il y avait ce m\u00e9lange de pragmatisme et de foi dans l\u2019importance de mettre en place un syst\u00e8me judiciaire ext\u00e9rieur, neutre, impartial, pour s\u2019imposer localement, pour incarner l\u2019\u00c9tat.<\/p>\n\n\n\n

Vous \u00e9tudiez les \u00e9volutions du droit taliban et vous montrez qu\u2019un texte comme le <\/strong>Code de bonne conduite des moudjahidins<\/em><\/strong> conna\u00eet des changements importants, notamment entre 2006 et 2009. Alors, quelle est la vitesse de production normative des Taliban ? Est-ce qu\u2019il y a une v\u00e9ritable volont\u00e9 de produire du droit ? Et si oui, n\u2019est-ce pas \u00e9tonnant compte tenu du caract\u00e8re essentiel que constitue la charia ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

C\u2019est quelque chose de syst\u00e9mique dans le droit islamique et pour tous les acteurs qui revendiquent d\u2019appliquer le droit islamique. Tout le probl\u00e8me vient du fait que tous les mouvements islamiques revendiquent l\u2019application de la charia mais qu\u2019il est tr\u00e8s compliqu\u00e9 de d\u00e9finir ce qu\u2019est le droit islamique. Le fonctionnement jurisprudentiel impose certaines logiques de d\u00e9cision, mais laisse n\u00e9anmoins une marge tr\u00e8s importante ; et il y a une place importante accord\u00e9e \u00e0 l\u2019interpr\u00e9tation des juges.<\/p>\n\n\n\n

Il y a donc des controverses, des instructions de la direction du mouvement et des \u00e9volutions de celles-ci car \u00e0 partir des m\u00eames sources de l\u00e9gitimit\u00e9 religieuses, les Taliban justifient d\u2019attaquer les \u00e9coles ou les cliniques en 2006 ou, \u00e0 l\u2019inverse, d\u2019interdire ces attaques quelques ann\u00e9es plus tard. \u00c0 cet \u00e9gard, on voit \u00e9galement \u00e0 quel point l\u2019une des forces de faire reconna\u00eetre les juges comme comp\u00e9tents, comme des autorit\u00e9s, c\u2019est qu\u2019elle permet de prendre des d\u00e9cisions tr\u00e8s pragmatiques, mais aussi contradictoires. Les Taliban vont changer de politique en pr\u00e9tendant \u00eatre coh\u00e9rents de mani\u00e8re r\u00e9currente dans les ann\u00e9es 2000 et 2010 et continuent de le faire aujourd\u2019hui.<\/p>\n\n\n\n

On discute beaucoup, dans les m\u00e9dias notamment, des changements au sein du mouvement Taliban. Plus pr\u00e9cis\u00e9ment, une question revient souvent : les Taliban d\u2019aujourd\u2019hui sont-ils si diff\u00e9rents des Taliban d\u2019avant 2001 ? Vous montrez qu\u2019il y a, d\u2019un c\u00f4t\u00e9, des points communs, notamment entre les oul\u00e9mas d\u2019avant et d\u2019apr\u00e8s 2001, et de l\u2019autre qu\u2019il y a un rajeunissement des commandants talibans, ce rajeunissement induisant d\u00e8s lors une certaine brutalisation du mouvement. La tendance est-elle donc au changement ou \u00e0 la continuit\u00e9 ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Cela d\u00e9pend effectivement des diff\u00e9rents \u00e9chelons du mouvement. Du c\u00f4t\u00e9 des dirigeants et des juges, la dynamique est plut\u00f4t la continuit\u00e9. Une continuit\u00e9 est frappante lorsque l\u2019on voit les nominations actuelles du nouveau gouvernement taliban de tous les membres de l\u2019ancienne garde, qui ont surv\u00e9cu dans les ann\u00e9es 2000 et 2010, dans les instances dirigeantes. Il est ici \u00e9vident que les Taliban sont v\u00e9ritablement un parti politique au sens d\u2019un mouvement capable de former des cadres sur des d\u00e9cennies. Les juges agissent de concert avec la direction du mouvement, d\u2019abord parce qu\u2019ils viennent du m\u00eame creuset, les \u00e9coles religieuses d\u00e9obandies au Pakistan.<\/p>\n\n\n\n

L\u00e0 o\u00f9 il y a un vrai renouvellement, c\u2019est du c\u00f4t\u00e9 des commandants et des combattants. La guerre est tr\u00e8s violente, et les Taliban perdent 10 000 \u00e0 20 000 combattants par an, ce qui induit, pour un mouvement qui compte 80 000 \u00e0 100 000 combattants, un renouvellement r\u00e9gulier de la hi\u00e9rarchie militaire. La nouvelle g\u00e9n\u00e9ration qui monte est souvent moins \u00e9duqu\u00e9e et est plus affect\u00e9e par les transformations de la soci\u00e9t\u00e9 afghane dans les vingt derni\u00e8res ann\u00e9es. Aujourd\u2019hui, l\u2019une des questions majeures est celle de la relation entre les \u00e9lites juridiques, dans la continuit\u00e9 du mouvement avant 2001, et ces \u00e9lites militaires qui sont les grandes gagnantes de la guerre, mais qui ont une sociologie un peu diff\u00e9rente.<\/p>\n\n\n\n

Votre ouvrage traite \u00e9galement de la relation r\u00e9ciproque entre le mouvement taliban et les instances internationales.<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Vous montrez d\u2019abord que ces instances, et certains des pays bellig\u00e9rants, notamment l\u2019Angleterre, reprennent certaines parties des outils normatifs talibans dans ce qui semble \u00eatre d\u00e8s lors une reconnaissance de la l\u00e9gitimit\u00e9 des Taliban dans une certaine mesure.<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Ce rapport est vraiment complexe.<\/p>\n\n\n\n

Du c\u00f4t\u00e9 des Occidentaux et des organisations internationales, il y a longtemps eu une ambivalence : faut-il reconna\u00eetre les Taliban pour les int\u00e9grer et les amener \u00e0 se normaliser avec le temps ou les ostraciser dans le but qu\u2019ils s\u2019effondrent ? C\u2019est une question qui, d\u00e8s les ann\u00e9es 1990, s\u2019est pos\u00e9e ainsi avec des r\u00e9ponses contradictoires parce que, par exemple, les \u00c9tats-Unis suivent une strat\u00e9gie de normalisation jusqu\u2019en 1998 avec tout un effort d\u2019engagement avec les Taliban, notamment autour de l\u2019id\u00e9e de produire un gazoduc entre le Turkm\u00e9nistan et le Pakistan qui passerait par l\u2019Afghanistan. En m\u00eame temps, \u00e0 partir de 1998, suite aux bombardements des camps d\u2019Al Qa\u00efda, on a au contraire une logique d\u2019ostracisation. Ces contradictions concernant le rapport aux Taliban se retrouvent avec d\u2019autres acteurs, comme le CICR ou le Bureau des droits de l\u2019Homme des Nations Unies. Dans la guerre, ces organisations internationales font le choix de consid\u00e9rer les Taliban comme des interlocuteurs, avec des effets profonds sur les Taliban.<\/p>\n\n\n\n

D\u2019un autre c\u00f4t\u00e9, on voit, par exemple au travers d\u2019un de vos entretiens o\u00f9 un juge affirme qu\u2019il faut aller \u00ab <\/strong> dans le sens de la communaut\u00e9 internationale \u00bb, que les Taliban ne m\u00e9prisent pas tout \u00e0 fait les normes de la communaut\u00e9 internationale.<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Du c\u00f4t\u00e9 Taliban, il y a toujours eu une volont\u00e9 de reconnaissance internationale et en m\u00eame temps une grande ignorance du fonctionnement de ces organisations internationales. Les crises des ann\u00e9es 1990, comme la destruction des Bouddhas de Bamiyan par les Taliban, sont assez r\u00e9v\u00e9latrices de l\u2019incompr\u00e9hension \u00e0 l\u2019\u00e9poque du mouvement concernant le fonctionnement de ces organisations, par exemple sa mauvaise interpr\u00e9tation des actions de l\u2019UNESCO concernant les questions patrimoniales.<\/p>\n\n\n\n

Les Taliban ont beaucoup appris tout au long des ann\u00e9es 2000, par exemple par une intense coop\u00e9ration avec le bureau des Droits de l\u2019Homme des Nations Unies autour de la protection des civils et de la distinction entre civil et combattant. Les Taliban se sont impliqu\u00e9s dans des discussions avec les repr\u00e9sentants des Nations Unies, induisant une \u00e9volution de leurs doctrines. Ainsi, leurs \u00ab Codes de conduite \u00bb sont des documents effectivement tr\u00e8s int\u00e9ressants par les \u00e9volutions qui les traversent entre la version de 2006 et la version de 2009-2010, montrant \u00e0 la fois la volont\u00e9 des Taliban de s\u2019adapter aux normes internationales et, en m\u00eame temps, de ne pas justifier leurs textes par ce corpus de normes internationales, mais par le droit islamique.<\/p>\n\n\n\n

Le fait que le mouvement taliban ait \u00e9t\u00e9 structur\u00e9 durant une guerre civile dans et par la violence ne risque-t-il pas d\u2019entra\u00eener son effondrement, notamment du fait de la volont\u00e9 d\u2019ind\u00e9pendance des commandants, mais aussi du fait du caract\u00e8re dor\u00e9navant national du r\u00e9gime taliban, qui ne pourra plus se contenter de privil\u00e9gier les membres de l\u2019insurrection ?  <\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Pendant la guerre, contr\u00f4ler les combattants et les commandants \u00e9tait tr\u00e8s compliqu\u00e9 dans la mesure o\u00f9, les Taliban n\u2019ayant pas de police, les juges devaient s\u2019appuyer sur la branche militaire du mouvement pour faire appliquer leurs d\u00e9cisions. Cela donnait aux combattants une force de r\u00e9sistance vis-\u00e0-vis des juges. D\u00e9sormais, le r\u00e9gime taliban va s\u2019installer plus durablement et les juges auront plus de pouvoir sur les combattants. Le mouvement annonce par exemple qu\u2019il va reconstruire des forces de s\u00e9curit\u00e9 nationales en int\u00e9grant des combattants talibans et des anciens combattants ou policiers du r\u00e9gime.<\/p>\n\n\n\n

 Aujourd\u2019hui, l\u2019une des questions majeures est celle de la relation entre les \u00e9lites juridiques, dans la continuit\u00e9 du mouvement avant 2001, et les \u00e9lites militaires qui sont les grandes gagnantes de la guerre, mais qui ont une sociologie un peu diff\u00e9rente.<\/p>ADAM BACZKO<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Le vrai probl\u00e8me des Taliban est que la popularit\u00e9 des juges, notamment dans les campagnes, provenait fondamentalement de la comparaison avec les cours du r\u00e9gime, du fait de l\u2019impopularit\u00e9 des Occidentaux. Et cela montre que ce qui a rendu les Taliban populaires dans la guerre ne fonctionnera plus maintenant qu\u2019ils sont au pouvoir. Si les Taliban ne sont pas menac\u00e9s dans leur emprise sur le pays car ils n\u2019ont pas de groupes capables de s\u2019opposer \u00e0 eux, en retour, ils doivent incarner l\u2019\u00c9tat, ils doivent payer des fonctionnaires, faire fonctionner une administration, et faire face \u00e0 toute une s\u00e9rie de d\u00e9fis. Il faut \u00e9galement gouverner des villes – l\u2019Afghanistan est aujourd\u2019hui un pays \u00e0 majorit\u00e9 urbaine en d\u00e9pit des statistiques qui sont erron\u00e9es dans le pays. Il faut gouverner des m\u00e9tropoles, avec toutes les difficult\u00e9s que cela pose, avec une population plus \u00e9duqu\u00e9e que dans les campagnes, avec des demandes sociales diff\u00e9rentes. Le mouvement taliban pourrait donc se retrouver face \u00e0 des contestations importantes. Celles-ci ne menaceraient peut-\u00eatre pas leur pouvoir mais rendraient plus difficile l\u2019exercice de leur administration.<\/p>\n\n\n\n

Pour finir, int\u00e9ressons-nous rapidement au cas fran\u00e7ais. Il y a un imaginaire, notamment \u00e0 l\u2019extr\u00eame droite, pour d\u00e9crire l\u2019\u00e9tat de la France, qui est justement celui de la guerre civile. Avez-vous une cl\u00e9 de lecture \u00e0 proposer pour comprendre ce fantasme ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Dans ces contextes de polarisations politiques, les sciences sociales permettent de comparer les discours de certaines personnalit\u00e9s publiques avec la situation r\u00e9elle. Les faits sont simples, il n’y a pas en France les \u00e9l\u00e9ments constitutifs d’une guerre civile. Une guerre civile, cela implique l\u2019existence d\u2019un parti organis\u00e9 qui coordonne des hommes et des ressources consid\u00e9rables, cela implique un sanctuaire dans un pays voisin. Cela implique \u00e9galement des pays qui financent ce mouvement arm\u00e9 et il n\u2019y a pas ce genre de choses en France. Les banlieues fran\u00e7aises ne sont pas des territoires qui seraient contr\u00f4l\u00e9s par un groupe arm\u00e9 capable de mobiliser des combattants. L\u2019Allemagne, l\u2019Espagne, la Belgique, la Suisse ou l\u2019Italie ne sont pas en train d’offrir un sanctuaire \u00e0 partir duquel des groupes arm\u00e9s pourraient mener des actions sur le territoire fran\u00e7ais. Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant : il n\u2019y a pas de risque de guerre civile en France.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Mais une fois que l\u2019on a dit cette \u00e9vidence, il devient int\u00e9ressant de voir ce qui se joue dans la r\u00e9currence d\u2019un discours manifestement faux. Pourquoi des hommes politiques qui savent ce que je viens de dire alimentent la crainte d’une guerre civile ? La guerre civile joue le r\u00f4le d\u2019un spectre qui permet de justifier toute une s\u00e9rie de pratiques autoritaires. Fondamentalement, le qualificatif de guerre civile aujourd\u2019hui joue moins le r\u00f4le d\u2019un descripteur de la soci\u00e9t\u00e9 fran\u00e7aise qu\u2019un \u00e9pouvantail qui permet de justifier des mesures autoritaires du c\u00f4t\u00e9 de la r\u00e9pression des manifestations par la police, du c\u00f4t\u00e9 des modalit\u00e9s d\u2019intervention dans les zones les plus paup\u00e9ris\u00e9es de France, une moindre prise en compte des demandes sociales et qui justifie un moindre investissement dans les services sociaux, dans les universit\u00e9s, dans les h\u00f4pitaux, dans tous les services publics, dans les infrastructures routi\u00e8res et ferroviaires. Tout cela au nom d\u2019un probl\u00e8me qui serait d’abord identitaire et qui emp\u00eache aussi de parler des probl\u00e8mes pressants : la marginalisation de toute une partie de la population rurale, la marginalisation des populations des p\u00e9riph\u00e9ries urbaines et ainsi de justifier \u00e0 la fois des politiques qui entra\u00eenent une exacerbation des in\u00e9galit\u00e9s et en m\u00eame temps une logique de plus en plus r\u00e9pressive dans nos r\u00e9gimes de moins en moins d\u00e9mocratiques.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Pour comprendre la d\u00e9faite am\u00e9ricaine en Afghanistan, les explications avanc\u00e9es semblent toujours tomber dans des impasses culturelles et militaires. Adam Baczko, dans La guerre par le droit, les tribunaux Taliban en Afghanistan<\/em> (CNRS \u00e9ditions) apporte un nouveau regard sur la question en montrant que la guerre a peut-\u00eatre \u00e9t\u00e9 perdue du fait d’une d\u00e9faite juridique et anthropologique. Dans cet entretien, il revient sur le syst\u00e8me Taliban, la logique des op\u00e9rations am\u00e9ricaines et les le\u00e7ons \u00e0 en tirer. <\/p>\n","protected":false},"author":1782,"featured_media":124849,"comment_status":"open","ping_status":"open","sticky":false,"template":"templates\/post-reviews.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[1732],"tags":[],"geo":[530],"person":[],"acf":[],"yoast_head":"\nLes Taliban ont-ils gagn\u00e9 la guerre par le droit ? 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