{"id":124847,"date":"2021-11-11T14:00:00","date_gmt":"2021-11-11T13:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=124847"},"modified":"2021-11-12T00:14:40","modified_gmt":"2021-11-11T23:14:40","slug":"les-taliban-ont-ils-gagne-la-guerre-par-le-droit-une-conversation-avec-adam-baczko","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/11\/11\/les-taliban-ont-ils-gagne-la-guerre-par-le-droit-une-conversation-avec-adam-baczko\/","title":{"rendered":"Les Taliban ont-ils gagn\u00e9 la guerre par le droit ? Une conversation avec Adam Baczko"},"content":{"rendered":"\n
Le point de d\u00e9part, c\u2019est de comprendre qu\u2019une grande partie des travaux en sciences sociales sur les conflits arm\u00e9s, et l\u2019Afghanistan n\u2019y fait pas exception, sont fond\u00e9s sur ce qui devient aujourd\u2019hui le courant dominant en \u00e9conomie et en sciences politiques, c\u2019est-\u00e0-dire des travaux qui pr\u00e9supposent les intentions des acteurs en se fondant sur l\u2019id\u00e9e qu\u2019ils sont des acteurs exclusivement rationnels, mus uniquement par des int\u00e9r\u00eats \u00e9conomiques. Les conflits sont alors d\u00e9finis par ce qui est capturable, ce que l\u2019on d\u00e9finit en metrics <\/em>et par un usage abondant mais parfois trop simpliste des statistiques, avec une faible prise en compte des complexit\u00e9s d\u2019un contexte de conflit arm\u00e9. N\u2019\u00eatre centr\u00e9 que sur les questions de violence et ne pas voir les processus sociaux profonds qui se jouent dans les guerres civiles aplatit ces ph\u00e9nom\u00e8nes, nous emp\u00eache de voir leur complexit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n Je propose donc de sortir de ce sens commun des guerres civiles comme des moments de paroxysme violent, de chaos, d\u2019anarchie, d\u2019effondrement des soci\u00e9t\u00e9s pour regarder au contraire l\u2019extraordinaire productivit\u00e9 sociale qui se joue dans ce contexte : ce sont des moments r\u00e9volutionnaires, d\u2019ascensions ou de d\u00e9clins sociaux, de transformations des hi\u00e9rarchies de genre, d\u2018\u00e2ge, des hi\u00e9rarchies ethnico-religieuses, ainsi que des moments de production institutionnelle intense, et cela se voit particuli\u00e8rement dans le domaine juridique.<\/p>\n\n\n\n Je l\u2019explique dans mon livre, une situation de guerre civile n\u2019est pas une situation de non-droit mais au contraire de multiplication des revendications \u00e0 faire du droit. L\u2019apport principal d\u2019une approche sociologique des guerres civiles est donc de d\u00e9crire les effets sociaux d\u2019une guerre et les processus sociaux qui sous-tendent leur \u00e9volution et leurs trajectoires : le fait qu\u2019une guerre civile se prolonge, qu\u2019elle se finit, les modalit\u00e9s \u00e0 travers lesquelles elle se fait.<\/p>\n\n\n\n Une telle approche permet \u00e9galement de montrer qu\u2019une guerre civile n\u2019est pas qu\u2019un conflit interne, contrairement \u00e0 l\u2019id\u00e9e fausse qu\u2019a inspir\u00e9e la philosophie politique, ce sont au contraire des moments d\u2019internationalisation. Et ce que montre une approche sociologique des guerres civiles, c\u2019est la centralit\u00e9 des processus internationaux, y compris pour des ph\u00e9nom\u00e8nes qui paraissent locaux au premier regard.<\/p>\n\n\n\n Les guerres civiles sont int\u00e9ressantes car, comme elles sont des cas radicaux de processus politiques que l\u2019on retrouve ailleurs, elles jouent un r\u00f4le de r\u00e9v\u00e9lateur. Elles d\u00e9naturalisent le monde social. Tout le probl\u00e8me des sciences sociales est que d\u00e8s que nous rentrons dans des situations de violence politique, il y a une tendance \u00e0 faire de ces situations des exceptions et \u00e0 proposer d\u2019utiliser des outils d\u2019analyse exceptionnels.<\/p>\n\n\n\n Le projet du groupe que nous formons avec Gilles Dorronsoro, et qui a \u00e9t\u00e9 l\u2019objet du programme europ\u00e9en <\/a>\u00ab Social Dynamics of Civil Wars \u00bb<\/span>2<\/sup><\/a><\/span>, c\u2019est de rattacher les guerres civiles \u00e0 la sociologie g\u00e9n\u00e9rale, de cesser de penser qu\u2019on peut faire de la sociologie en France, mais pas en Afghanistan. Au contraire, il s\u2019agit m\u00eame de mettre en lumi\u00e8re les processus sociaux que l\u2019on voit \u00e0 l\u2019\u0153uvre au Mali, en Syrie ou en Afghanistan, dont certains sont \u00e9tonnamment familiers et, \u00e0 l\u2019inverse, des processus exceptionnels en Afghanistan qui le sont beaucoup moins en France. J\u2019ai beaucoup travaill\u00e9 de mani\u00e8re comparative car l\u2019explosion des litiges priv\u00e9s, par exemple en Afghanistan, ou la multiplication des revendications \u00e0 faire du droit, ce n\u2019est pas une sp\u00e9cificit\u00e9 de l\u2019Afghanistan mais c\u2019est ce que l\u2019on retrouve dans toutes les guerres et cela montre quelque part qu\u2019une guerre civile est un moment d\u2019extr\u00eame questionnement sur l\u2019ordre politique, sur les rapports entre ordre politique et probl\u00e8mes personnels, un moment de politisation des questions personnelles. Et c\u2019est en m\u00eame temps un moment de r\u00e9articulation d\u2019une soci\u00e9t\u00e9, de ses institutions politiques avec l\u2019ordre international.<\/p>\n\n\n\n La guerre civile est un moment d’extr\u00eame questionnement sur l’ordre politique, sur les rapports entre ordre politique et probl\u00e8mes personnels, un moment de politisation des questions personnelles.<\/p>adam baczko<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Les guerres civiles ne se d\u00e9roulent pas dans des pays comme le Canada ou la Suisse mais dans des zones marginalis\u00e9es dans le syst\u00e8me international et \u00e9conomique. Ces zones marginalis\u00e9es d\u00e9pendent non seulement d\u2019\u00e9l\u00e9ments qui structurent le syst\u00e8me international, comme la fixit\u00e9 des fronti\u00e8res, mais \u00e9galement de la reconnaissance internationale et des importantes ressources qui l\u2019accompagnent. On peut gouverner pendant 20 ans le Somaliland dans la paix, si cette entit\u00e9 n\u2019est pas reconnue, elle est autre chose qu\u2019un \u00c9tat, et ce m\u00eame si elle en a tous les marqueurs.<\/p>\n\n\n\n Les guerres civiles reprennent cette double logique d\u2019un syst\u00e8me international qui repose sur les \u00c9tats mais qui met \u00e9galement en place des politiques d\u2019organisations internationales ou transnationales qui contournent les \u00c9tats, qui fonctionnent de moins en moins en construisant des politiques publiques mais qui s\u2019appuient sur des dynamiques plus locales et qui ont, d\u00e8s lors, des effets de fragmentation tr\u00e8s importants. <\/p>\n\n\n\n Les ann\u00e9es 1980 sont int\u00e9ressantes, notamment du fait de cette multiplicit\u00e9 de commandants qui mettent en place une multitude de syst\u00e8mes juridiques locaux : <\/strong>l\u2019Afghanistan des ann\u00e9es 1980 est un laboratoire juridique hors du commun par son intensit\u00e9, comparable uniquement \u00e0 une guerre o\u00f9 il y a des multiplicit\u00e9s d\u2019acteurs militaires, comme la Syrie de 2011-2012.<\/p>\n\n\n\n Ce qui est int\u00e9ressant, c\u2019est que le domaine judiciaire a des contraintes propres, qui ne se retrouvent pas dans le domaine de la sant\u00e9 par exemple. Il se construit en effet fondamentalement dans des logiques de comp\u00e9tition intense entre diff\u00e9rents acteurs. Nous retrouvons ici, finalement, les probl\u00e9matiques de la sociologie du droit telles que d\u00e9velopp\u00e9es en France ou aux \u00c9tats-Unis. Un syst\u00e8me juridique est produit gr\u00e2ce \u00e0 des logiques de reconnaissance et se traduit par, \u00e0 un moment, la d\u00e9finition de qui est l\u00e9gitime \u00e0 dire le droit, qui juge, au nom de quelles r\u00e8gles, quels sont les recours possibles, avec en bout de course le probl\u00e8me de la d\u00e9finition d’une autorit\u00e9 supr\u00eame.<\/p>\n\n\n\n On se retrouve en permanence devant ces questions dans les ann\u00e9es 1980 quand, dans une partie du pays, des juges d\u00e9cident de mettre en place un syst\u00e8me judiciaire ind\u00e9pendant des commandants et la question devient alors : qui applique les d\u00e9cisions ? Que fait-on si un commandant refuse d\u2019appliquer les verdicts ? \u00c0 qui fait-on appel, quelle est l\u2019autorit\u00e9 de dernier recours ? Et la justice, par sa technicit\u00e9 mais aussi par le fait qu\u2019elle n\u2019est jamais tout \u00e0 fait autonome et qu\u2019elle d\u00e9pend d\u2019une autorit\u00e9 politique et d\u2019un usage de la coercition est un r\u00e9v\u00e9lateur de la difficult\u00e9 \u00e0 produire une forme du discours qui accompagnerait un tel niveau de violence ou d\u2019une coercition qui accompagnerait le droit \u00e0 partir du moment o\u00f9 une multiplicit\u00e9 d\u2019acteurs a des revendications parall\u00e8les.<\/p>\n\n\n\n Les Taliban sont un exemple int\u00e9ressant \u00e0 cet \u00e9gard car ils sont un mouvement du clerg\u00e9 sunnite, des dipl\u00f4m\u00e9s en th\u00e9ologie et en droit islamique des \u00e9coles religieuses, ou \u00e0 tout le moins d\u2019\u00e9tudiants. C\u2019est un mouvement arm\u00e9 compos\u00e9 donc de juges, qui revendiquent l\u2019exercice de la justice et leur comp\u00e9tence \u00e0 gouverner.<\/p>\n\n\n\n Cette id\u00e9ologie Taliban tire ses origines d\u2019un courant religieux, le d\u00e9obandisme, en vogue en Asie du Sud. Celui-ci se d\u00e9veloppe contre la colonisation britannique, \u00e0 une \u00e9poque o\u00f9 le droit anglo-musulman \u2013 apr\u00e8s la r\u00e9volte des Cipayes de 1866, donne aux juges britanniques la pr\u00e9rogative d\u2019appliquer le droit islamique, la retirant donc au clerg\u00e9. Le d\u00e9obandisme va alors se d\u00e9velopper \u00e0 partir de la ville de Deoband, au nord de l\u2019Inde, ou des membres du clerg\u00e9 sunnite proposent une r\u00e9forme \u00e0 partir de deux fondements : un enseignement rationaliste inspir\u00e9 de la colonisation en mati\u00e8re d\u2019enseignement, une meilleure organisation du clerg\u00e9, une logique plus bureaucratique dans son fonctionnement ; et en m\u00eame temps une interpr\u00e9tation fondamentaliste des textes, une lecture plus litt\u00e9rale, une revendication de retour aux fondamentaux de l\u2019Islam.<\/p>\n\n\n\n Ce double appui va \u00e0 la fois amener le d\u00e9obandisme \u00e0 cr\u00e9er un clerg\u00e9 plut\u00f4t coh\u00e9rent pour le sunnisme, qui est normalement plus fragment\u00e9, et en m\u00eame temps \u00e0 promouvoir une vision parmi ces clercs de leur r\u00f4le historique \u00e0 r\u00e9guler les rapports sociaux, \u00e0 gouverner, \u00e0 arbitrer les conflits. Chez les Taliban, il n\u2019y a pas de contradiction entre le politique et le religieux, au contraire la l\u00e9gitimit\u00e9 religieuse est celle qui permet de gouverner de mani\u00e8re morale, de bien gouverner et d\u2019\u00e9viter des m\u0153urs dissolues qui sont pour les Taliban la cause de la guerre civile qui perdure.<\/p>\n\n\n\n Chez les Taliban, il n’y a pas de contradiction entre le politique et le religieux, au contraire la l\u00e9gitimit\u00e9 religieuse est celle qui permet de gouverner de mani\u00e8re morale. <\/p>adam baczko<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n Quand vous \u00e9coutez les discours de Mollah Omar ou des juges que j\u2019ai pu interroger, ils ne parlent pas d\u2019une guerre qui aurait des enjeux g\u00e9opolitiques ou une concurrence entre des groupes sociaux (par exemple entre les dipl\u00f4m\u00e9s de l\u2019universit\u00e9 et ceux des madrasas) \u2013 deux visions tr\u00e8s pertinentes de la guerre. Pour eux, la guerre est un probl\u00e8me de m\u0153urs dissolues qu\u2019il faut r\u00e9guler pour \u00e9viter les guerres civiles : c\u2019est parce qu\u2019\u00e0 un moment des gens laissent des adult\u00e8res se commettre que d\u2019autres vont collaborer avec l\u2019\u00e9tranger, abandonner la religion et abandonner toute probit\u00e9 dans l\u2019espace public.<\/p>\n\n\n\n Et cette vision, tr\u00e8s ancr\u00e9e dans une moralit\u00e9 individuelle, dans la n\u00e9cessit\u00e9 de re-moraliser la soci\u00e9t\u00e9, l\u00e9gitime d\u2019autant plus, du point de vue des Taliban, leur revendication en tant que religieux d\u2019\u00eatre les plus \u00e0 m\u00eame de gouverner.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est toute la complexit\u00e9 de ce mouvement. Il revendique le fait que la hi\u00e9rarchie cl\u00e9ricale devrait se traduire dans le politique, et donc le fait que les savants islamiques devraient gouverner. Or c\u2019est un mouvement dont le chef lui-m\u00eame, Mollah Omar, n\u2019a une \u00e9ducation que primaire, il n\u2019est personne dans la hi\u00e9rarchie religieuse, c\u2019est la vraie diff\u00e9rence avec l\u2019Iran par exemple o\u00f9 le mouvement r\u00e9volutionnaire va \u00eatre domin\u00e9 par un ayatollah parmi les plus reconnus. <\/p>\n\n\n\n Les Taliban vont r\u00e9soudre cette contradiction en s\u2019appuyant sur des logiques charismatiques : Mollah Omar va gouverner par son absence beaucoup plus que par sa pr\u00e9sence, il est tr\u00e8s peu pr\u00e9sent, tr\u00e8s peu visible. C\u2019est quelque chose que nous voyons encore dans le mouvement taliban, mawlawi<\/em> Haibatullah Akhundzada, le dirigeant actuel des Taliban, reste peu visible, comme un dirigeant absent dont on sait la place justement parce qu\u2019il n\u2019est pas l\u00e0. Et dans le m\u00eame sens, il y a toute une s\u00e9rie de m\u00e9canismes au sein du mouvement taliban qui permettent de d\u00e9montrer ce charisme au quotidien : les r\u00eaves de mollah Omar, qui sont tr\u00e8s importants pour le mouvement. Mollah Omar r\u00eave et quand il r\u00eave, il parle au proph\u00e8te, et en discutant avec le proph\u00e8te, il aurait un acc\u00e8s plus direct aux sources de la religion que celui qui a un dipl\u00f4me religieux.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est \u00e9galement pour r\u00e9soudre ce probl\u00e8me que les Taliban font le geste tr\u00e8s symbolique de nommer Mollah Omar \u00e9mir Emir al-Mouminin<\/em>, \u00ab commandeur des croyants \u00bb, le titre du proph\u00e8te, en 1996 juste apr\u00e8s la chute de Kaboul devant 3000 dignitaires religieux d\u2019Asie du Sud en lui faisant mettre le manteau du proph\u00e8te, la plus grande relique religieuse en Afghanistan conserv\u00e9e \u00e0 la mosqu\u00e9e de Kherqa Sharif \u00e0 Kandahar. Cette c\u00e9r\u00e9monie a permis de prendre une des deux seules photos que nous avons de Mollah Omar. Les Taliban r\u00e9pondent ainsi \u00e0 leur probl\u00e8me fondamental : ils ont une id\u00e9ologie qui dit que le religieux doit d\u00e9terminer la comp\u00e9tence politique, donc ils donnent \u00e0 leur chef, dont le statut religieux est faible, une place exceptionnelle, celle de r\u00e9incarnation du proph\u00e8te.<\/p>\n\n\n\n Cela ne repr\u00e9sente pas v\u00e9ritablement une revendication mondiale, \u00e0 la mani\u00e8re de l\u2019\u00c9tat islamique en 2014. La version talibane \u00e9tait d\u2019abord un appel \u00e0 l\u2019histoire afghane car, \u00e0 la fin du XIXe si\u00e8cle, le roi fondateur de l\u2019\u00c9tat moderne afghan, Abdul Rahman Khan, s\u2019\u00e9tait aussi fait nommer commandeur des croyants mais cela repr\u00e9sente \u00e9galement une tentative de r\u00e9soudre une contradiction fondamentale dans leur fonctionnement.<\/p>\n\n\n\n La v\u00e9ritable ambigu\u00eft\u00e9 des Taliban se situe dans le fait que, si leur revendication est de gouverner l\u2019Afghanistan et si la nomination de mollah Omar comme commandeur des croyants se fait dans un contexte plus national qu\u2019international, leur internationalisme se limite \u00e0 l\u2019accueil de mouvements qui ont des agendas globaux.<\/p>\n\n\n\n Les Taliban sont un mouvement qui s\u2019efforce de construire une autorit\u00e9 nationale dans une logique \u00e9tatiste. Il n\u2019est pas dans une logique de remise en cause du syst\u00e8me international et des principes de la souverainet\u00e9 \u00e9tatique, \u00e0 l\u2019instar de ce que fait l\u2019\u00c9tat islamique. Pour autant, il adopte une solidarit\u00e9 avec les autres mouvements djihadistes, et c\u2019est bien ce que nous voyons quand mollah Omar accueille des membres d\u2019Al Qa\u00efda ou des groupes Cachemiris, Ou\u00efghours ou Ouzbeks dans les ann\u00e9es 1990. Ils sont dans une logique d\u2019accueil de mouvements ext\u00e9rieurs mais ils restent dans une strat\u00e9gie nationale. <\/p>\n\n\n\n Il faut rappeler que, dans un premier temps, la guerre \u00e9tait gagn\u00e9e car en 2002, mollah Omar, au nom du mouvement taliban, fait passer une lettre de reddition en \u00e9change d\u2019un accord selon lequel les combattants talibans ne seraient pas inqui\u00e9t\u00e9s par les forces sp\u00e9ciales et les combattants de l\u2019Alliance du Nord sur lesquelles les forces sp\u00e9ciales am\u00e9ricaines s\u2019appuient pour envoyer les Taliban dans les prisons secr\u00e8tes de la CIA, \u00e0 Bagram ou \u00e0 Guantanamo, ou les ex\u00e9cuter.<\/p>\n\n\n\n C\u2019est dans les premi\u00e8res ann\u00e9es de la guerre qu\u2019une victoire va \u00eatre transform\u00e9e en d\u00e9faite parce que cette guerre, fondamentalement, n\u2019est pas perdue dans les derniers mois, mais bien d\u00e8s 2011-2012. Lorsqu\u2019Obama d\u00e9clare le retrait, il acte une d\u00e9faite.<\/p>\n\n\n\nQu\u2019est-ce que les guerres civiles ont \u00e0 nous apprendre ? Ont-elles quelque chose \u00e0 nous apprendre sur l\u2019individu ainsi que sur la construction de l\u2019\u00c9tat et la place du droit dans cette construction ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
La premi\u00e8re insurrection, dans les ann\u00e9es 1980, est plac\u00e9e devant son \u00e9chec pour r\u00e9soudre des situations juridiques complexes, notamment du fait des conflits entre commandants. N\u2019avons-nous pas ici le premier exemple de la n\u00e9cessit\u00e9 d\u2019une instance centralis\u00e9e ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Pour commencer \u00e0 comprendre le mouvement taliban, une premi\u00e8re question s\u2019impose. Comment expliquer que la forte intrication du politique et du religieux ne d\u00e9bouche pas sur une contradiction ? Le religieux, en l\u2019esp\u00e8ce la charia, r\u00e9ussit-il \u00e0 fournir une structure juridique coh\u00e9rente et fonctionnelle ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Il est d\u2019autant plus \u00e9tonnant d\u2019observer que, si l\u2019intrication entre le religieux et le politique est fondamentale, la hi\u00e9rarchie politique n\u2019est pas li\u00e9e \u00e0 la hi\u00e9rarchie cl\u00e9ricale. Comment interpr\u00e9ter une dissociation si forte entre capital religieux et capital politique quand la correspondance entre capital juridique et capital religieux semble \u00eatre parfaite ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Concernant les ambitions de l\u2019Afghanistan, il est frappant de voir que, contrairement \u00e0 l\u2019\u00c9tat islamique par exemple, les Taliban n\u2019ont pas de pr\u00e9tention internationale, il s\u2019agit uniquement de mettre en place un r\u00e9gime islamique en Afghanistan.<\/strong><\/h3>\n\n\n\n
Gilles Dorronsoro parle d\u2019une \u00ab <\/strong> si pr\u00e9visible d\u00e9faite \u00bb<\/span>3<\/sup><\/a><\/span>. Pourquoi la d\u00e9faite \u00e9tait-elle si pr\u00e9visible ? La guerre aurait-elle finalement \u00e9t\u00e9 perdue, comme semble le laisser entendre votre ouvrage, d\u00e8s le tournant des ann\u00e9es 2000 ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n