{"id":12419,"date":"2019-02-10T22:00:15","date_gmt":"2019-02-10T21:00:15","guid":{"rendered":"https:\/\/lldl.eu\/?p=12419"},"modified":"2019-04-05T10:46:21","modified_gmt":"2019-04-05T09:46:21","slug":"partie-dechecs-autoroutiere-dans-les-alpes-orientales","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2019\/02\/10\/partie-dechecs-autoroutiere-dans-les-alpes-orientales\/","title":{"rendered":"Partie d\u2019\u00e9checs autorouti\u00e8re dans les Alpes orientales"},"content":{"rendered":"\n

Luxembourg<\/em>. La controverse politico-judiciaire qui oppose depuis pr\u00e8s d\u2018un an et demi Berlin \u00e0 Vienne devant la plus haute juridiction europ\u00e9enne semble toucher \u00e0 son terme. C\u2018est en tout cas ce que sugg\u00e8rent les conclusions de l\u2018avocat g\u00e9n\u00e9ral Nils Wahl qui, ce mercredi 6 f\u00e9vrier, a conseill\u00e9 \u00e0 la cour de rejeter le recours en manquement d\u00e9pos\u00e9 par l\u2018Autriche contre l\u2018Allemagne. La proc\u00e9dure \u2013 un \u00c9tat membre en attaquant un autre devant la Cour europ\u00e9enne de justice de Luxembourg \u2013 est rarissime ; seuls six autres recours du m\u00eame type ont \u00e9t\u00e9 trait\u00e9s \u00e0 ce jour par la juridiction europ\u00e9enne.<\/p>\n\n\n\n

L\u2018objet de la discorde est la Loi introduisant un p\u00e9age d\u2018infrastructure pour l\u2018utilisation des routes interurbaines f\u00e9d\u00e9rales<\/em> (1<\/strong>) du 27 mars 2015, modifi\u00e9e au 6 juin 2017, et dont l\u2018entr\u00e9e en vigueur doit intervenir en octobre 2020. D\u00e9fendue par l\u2018Union chr\u00e9tienne-sociale (CSU) bavaroise, la mesure instaure une vignette obligatoire pour tous les v\u00e9hicules de moins de 3,5 tonnes souhaitant circuler sur le r\u00e9seau f\u00e9d\u00e9ral d\u2018autoroutes. Le prix de cette vignette est compens\u00e9, pour les propri\u00e9taires d\u2018un v\u00e9hicule immatricul\u00e9 en Allemagne, par une r\u00e9duction de l\u2018imp\u00f4t annuel sur les v\u00e9hicules d\u2018un montant \u00e9quivalent. L\u2018objectif d\u00e9clar\u00e9 : mettre \u00e0 contribution les conducteurs \u00e9trangers, qui devront s\u2018acquitter du prix de la vignette sans b\u00e9n\u00e9ficier de l\u2018abattement fiscal correspondant. La R\u00e9publique f\u00e9d\u00e9rale, dont le r\u00e9seau routier enti\u00e8rement gratuit est depuis de nombreuses ann\u00e9es en situation de sous-investissement significative, entend ainsi d\u00e9gager un exc\u00e9dent de 500 millions d\u2018euros par an (6<\/strong>).<\/p>\n\n\n\n

La loi avait fait l\u2018objet d\u00e8s 2015 d\u2018un recours de la Commission, qui la suspectait d\u2018\u00eatre contraire au principe de non-discrimination selon la nationalit\u00e9 d\u00e9fini par l\u2018article 18 TFUE. Apr\u00e8s un accord \u00e0 l\u2018amiable (2<\/strong>), la Commission avait cependant gel\u00e9 sa plainte, essentiellement pour des raisons politiques, et l\u2018Allemagne revu sa copie. L\u2018Autriche a donc introduit elle-m\u00eame son recours le 12 octobre 2017 (3<\/strong>), bient\u00f4t rejointe par les Pays-Bas, alors que le Danemark se pla\u00e7ait aux c\u00f4t\u00e9s de l\u2018Allemagne. La requ\u00e9rante argue que, dans la mesure o\u00f9 la possession d\u2018un v\u00e9hicule immatricul\u00e9 en Allemagne co\u00efncide dans la plupart des cas avec la d\u00e9tention de la nationalit\u00e9 allemande, le double dispositif constitu\u00e9 de la vignette et de l\u2018abattement fiscal qui la compense constitue en pratique une discrimination indirecte selon la nationalit\u00e9. Elle affirme \u00e9galement que les contr\u00f4les qui seront r\u00e9alis\u00e9s s\u2018appliqueront principalement aux v\u00e9hicules \u00e9trangers, et que la mesure nuira \u00e0 la libert\u00e9 de circulation des biens et des services (art. 34 et 56 TFUE) ainsi qu\u2018\u00e0 l\u2018\u00e9galit\u00e9 de traitement entre transporteurs des diff\u00e9rents \u00c9tats membres (art. 92 TFUE).<\/p>\n\n\n\n

L\u2018avocat g\u00e9n\u00e9ral consid\u00e8re que l\u2018Autriche a mal interpr\u00e9t\u00e9 la notion de \u00ab discrimination \u00bb pr\u00e9vue par le droit communautaire. Pour \u00e9tablir la discrimination, il faut montrer que des citoyens se trouvant dans une situation comparable font l’objet d’une in\u00e9galit\u00e9 de traitement fond\u00e9e sur leur nationalit\u00e9. Or, les conducteurs allemands et les conducteurs \u00e9trangers ne se trouveraient pas dans une situation comparable d\u00e8s lors que leur statut de contribuable entre en jeu : seuls les propri\u00e9taires allemands sont soumis \u00e0 l\u2018imp\u00f4t. En outre, ces derniers sont tenus de s\u2018acquitter de l\u2018enti\u00e8ret\u00e9 du prix de la vignette annuelle, alors que les conducteurs \u00e9trangers peuvent faire le choix d\u2018une vignette temporaire lors de leur passage : les conducteurs \u00e9trangers ne seraient donc pas d\u00e9favoris\u00e9s ; leur contribution resterait m\u00eame dans tous les cas inf\u00e9rieure \u00e0 celle des conducteurs-contribuables locaux. Sur les autres points, l\u2018avocat g\u00e9n\u00e9ral consid\u00e8re que l\u2018Autriche n\u2018a pas apport\u00e9 de preuves suffisantes \u00e0 ses affirmations.<\/p>\n\n\n\n

Dans la grande majorit\u00e9 des cas soumis \u00e0 la Cour, les juges suivent l\u2018avis de l\u2018avocat g\u00e9n\u00e9ral. La d\u00e9cision des juges devrait cependant n\u2018intervenir que dans plusieurs mois. Si les conclusions de Nils Wahl sont cat\u00e9goriques, plusieurs juristes autrichiens soulignent dans les colonnes du Standard <\/em>le danger d\u2018un jugement conforme : un pr\u00e9c\u00e9dent qui ouvrirait la voie, selon eux, \u00e0 l\u2018instauration par les \u00c9tats membres de mesures discriminatoires par le truchement de la fiscalit\u00e9 (5<\/strong>). Paradoxalement, il pourrait donner raison \u00e0 l\u2018Autriche contre la Commission dans sa volont\u00e9 de diminution des allocations vers\u00e9es aux parents d\u2018enfants de citoyens europ\u00e9ens r\u00e9sidant hors du pays.<\/p>\n\n\n\n

Reste que derri\u00e8re cette affaire europ\u00e9enne se cache un diff\u00e9rend r\u00e9gional : la CSU bavaroise, qui a su imposer sa loi dans le contrat de coalition contre l\u2018avis de la chanceli\u00e8re et des sociaux-d\u00e9mocrates, conserve un ascendant certain sur les politiques li\u00e9es \u00e0 l\u2018automobile. Elle entend ainsi r\u00e9tablir un \u00e9quilibre face aux r\u00e9gions frontali\u00e8res suisses et autrichiennes dans lesquelles les conducteurs allemands sont astreints de longue date \u00e0 l\u2018achat d\u2018une vignette. Le vice-chancelier autrichien Norbert Hofer (FP\u00d6, ENL) envisage d\u00e9j\u00e0 une mesure de r\u00e9torsion (4<\/strong>). Il pourrait par exemple doubler le prix de la vignette autrichienne… tout en introduisant pour ses nationaux un abattement fiscal d\u2018un montant \u00e9quivalent, jug\u00e9 conforme par la Cour dans le cas allemand.<\/p>\n\n\n\n

Perspectives :<\/strong><\/h4>\n\n\n\n