{"id":12394,"date":"2019-02-10T22:00:17","date_gmt":"2019-02-10T21:00:17","guid":{"rendered":"https:\/\/lldl.eu\/?p=12394"},"modified":"2019-04-05T10:45:47","modified_gmt":"2019-04-05T09:45:47","slug":"la-banque-mondiale-perd-la-tete","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2019\/02\/10\/la-banque-mondiale-perd-la-tete\/","title":{"rendered":"La Banque Mondiale perd la t\u00eate"},"content":{"rendered":"\n

Washington. <\/em>Issue comme le FMI de la conf\u00e9rence de Bretton Woods en 1944, la Banque Mondiale \u00e9tait n\u00e9e dans l\u2019objectif de servir de pr\u00eateur de dernier ressort aux pays incapables d\u2019acc\u00e9der aux march\u00e9s financiers traditionnels. M\u00eame si le premier r\u00e9cipiendaire d\u2019un pr\u00eat de la Banque Mondiale fut la France en 1945, l’institution s\u2019est tr\u00e8s vite concentr\u00e9e sur les pays en d\u00e9veloppement. Elle a un r\u00f4le cl\u00e9 dans l\u2019histoire \u00e9conomique de ces pays : d\u2019abord car ses pr\u00eats ont \u00e9t\u00e9, et sont toujours dans beaucoup de cas, n\u00e9cessaires \u00e0 leur bon fonctionnement et surtout car ils n\u2019ont jamais \u00e9t\u00e9 sans conditions.<\/p>\n\n\n\n

Par l\u2019interm\u00e9diaire de sa politique de pr\u00eat, la Banque Mondiale a souvent d\u00e9fendu des positions \u00e9conomiques critiquables : ce fut le cas par exemple lorsqu\u2019elle d\u00e9fendit des politiques d\u2019ajustement structurel dans les ann\u00e9es 80. Elle n\u2019a jamais \u00e9t\u00e9 tout \u00e0 fait neutre non plus : elle refus\u00e9 d\u2019aider le r\u00e9gime d\u2019Allende au Chili dans les ann\u00e9es 70.<\/p>\n\n\n\n

Ensuite, le pilotage des pr\u00eats accord\u00e9s \u00e0 ses r\u00e9cipiendaires a permis la formation de g\u00e9n\u00e9rations d\u2019\u00e9conomistes du d\u00e9veloppement (dont beaucoup sont issus de ces m\u00eame pays et ont occup\u00e9 des postes politiques ensuite) et la Banque Mondiale a servi de laboratoire \u00e0 de nombreux programmes qui ont \u00e9t\u00e9 ensuite reproduits dans le monde. En ce sens, la Banque mondiale est l\u2019institution multilat\u00e9rale par excellence et a eu une influence non n\u00e9gligeable sur la vie quotidienne de milliards de personnes.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est probablement donc un signe des temps que sa gouvernance soit en crise aujourd’hui. D\u2019abord, son pr\u00e9sident en exercice, Jim Yong Kim, a d\u00e9missionn\u00e9 pour aller travailler dans le priv\u00e9 apr\u00e8s plusieurs scandales internes (1<\/strong>). Ensuite, le candidat am\u00e9ricain cens\u00e9 le remplacer, David Malpass, est loin de faire l’unanimit\u00e9 (2<\/strong>). L\u2019\u00e9chec de sa candidature serait pourtant une petite r\u00e9volution.<\/p>\n\n\n\n

Par un arrangement tacite, le pr\u00e9sident de la Banque Mondiale (\u00e9lu pour un mandat de 5 ans par les diff\u00e9rents actionnaires de la banque) a toujours \u00e9t\u00e9 un Am\u00e9ricain. James Wolfensohn, le pr\u00e9sident de 1995 \u00e0 2005, a m\u00eame \u00e9t\u00e9 naturalis\u00e9 am\u00e9ricain (il \u00e9tait originellement australien) juste avant sa nomination pour respecter la tradition.<\/p>\n\n\n\n

Justin Sandefur, du Center for Global Development, a cependant appel\u00e9 les autres pays \u00e0 contester cette nomination : \u201cIls ont le choix. C’est un simple vote \u00e0 la majorit\u00e9, les \u00c9tats-Unis n’ont pas de veto dans cette \u00e9lection et il y a beaucoup de meilleurs candidat\u201d. Dani Rodrik, \u00e9minent \u00e9conomiste, est all\u00e9 dans le m\u00eame sens dans un tweet.<\/p>\n\n\n\n

C\u2019est que David Malpass, pr\u00e9c\u00e9demment haut responsable du Tr\u00e9sor Am\u00e9ricain (avant d\u2019avoir \u00e9t\u00e9 le Chef \u00c9conomiste \u00e0 la banque Bear Stearns qui a depuis fait faillite), est un fervent critique du fonctionnement de la Banque Mondiale (3<\/strong>) : en substance, il consid\u00e8re, l\u2019institution comme une machine inutile et co\u00fbteuse.<\/p>\n\n\n\n

David Malpass est donc le renard dans le poulailler. Il milite depuis plusieurs ann\u00e9es pour la r\u00e9duction des activit\u00e9s et pr\u00e9rogative de la Banque notamment par la limitation de ses pr\u00eats aux pays en d\u00e9veloppement les moins d\u00e9favoris\u00e9s. Il semble donc souhaiter plus largement remettre en cause la distinction entre pays en d\u00e9veloppement et pays d\u00e9velopp\u00e9s qui est \u00e0 la base du fonctionnement de l’institution et permet \u00e0 certains pays d\u2019avoir des conditions d\u2019emprunt plus avantageuses.<\/p>\n\n\n\n

Si David Malpass venait \u00e0 ne pas \u00eatre \u00e9lu, ce serait la cons\u00e9quence d\u2019une alliance in\u00e9dite entre les principaux actionnaires secondaires de la Banque : la Chine, le Japon, la France, l\u2019Allemagne et le Royaume-Uni. L\u2019identit\u00e9 du concurrent potentiel au candidat am\u00e9ricain reste \u00e9galement un myst\u00e8re.<\/p>\n\n\n\n

Sur ce dernier point, Pascal Lamy, interrog\u00e9 par la Lettre du Lundi,<\/em> a une opinion tr\u00e8s claire : \u201cLa tradition veut qu\u2019il y ait un am\u00e9ricain \u00e0 la t\u00eate de la Banque Mondiale et un europ\u00e9en au FMI. Malpass n\u2019est de toute \u00e9vidence pas le bon candidat : il remet en cause l\u2019utilit\u00e9 de la Banque Mondiale m\u00eame. Les Europ\u00e9ens auraient tout int\u00e9r\u00eat \u00e0 soutenir une candidature africaine telle que celle de Donald Kaberuka ou de Ngozi Okonjo.\u201d<\/p>\n\n\n\n

Perspectives :<\/strong><\/h4>\n\n\n\n