{"id":115550,"date":"2021-08-06T10:57:07","date_gmt":"2021-08-06T08:57:07","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=115550"},"modified":"2021-12-01T10:40:01","modified_gmt":"2021-12-01T09:40:01","slug":"grand-tour-saskia-sassen","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/","title":{"rendered":"\u00ab Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d\u2019\u00c9tat-nation \u00bb, conversation avec Saskia Sassen"},"content":{"rendered":"\n

Comment vivez-vous et exp\u00e9rimentez-vous deux villes europ\u00e9ennes mondiales comme Londres et Paris ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Londres et Paris sont deux villes merveilleuses, cela ne fait aucun doute, et elles sont caract\u00e9ris\u00e9es par cet urbanisme tr\u00e8s particulier que seule l’Europe peut g\u00e9n\u00e9rer. C’est quelque chose qui m’a beaucoup marqu\u00e9. Mais en m\u00eame temps, j’ai une vie parall\u00e8le qui n’a rien de romantique ni de beau, o\u00f9 je regarde les d\u00e9cisions d\u00e9sastreuses qui ont \u00e9t\u00e9 prises, les abus, et comment nous avons perdu quelque chose d’un pass\u00e9 qui fonctionnait mieux pour plus de gens que ce qui fonctionne maintenant.<\/p>\n\n\n\n

Je pense que nous tombons dans une sorte de d\u00e9cadence de notre modernit\u00e9. L’une des questions qui me guident aujourd’hui est la suivante : comment trouver les signes de changement dans un nouvel urbanisme qui sera diff\u00e9rent de celui que nous avons connu, et dont nous ne savons pas s’il sera meilleur ou pire ? L’histoire nous apprend que ces changements se produisent et que de nouvelles g\u00e9n\u00e9rations entrent en jeu. C’est un projet qui m’intrigue, m\u00eame si je ne pourrai pas, vu mon \u00e2ge, le saisir dans sa pl\u00e9nitude. Le d\u00e9fi se trouve donc dans certains indicateurs, mais quels sont ces indicateurs ?<\/p>\n\n\n\n

Un indicateur que je trouve tr\u00e8s probl\u00e9matique est l’indiff\u00e9rence croissante \u00e0 l’\u00e9gard de tout un ensemble de personnes qui, dans un pass\u00e9 pas si lointain, repr\u00e9sentaient une utilit\u00e9 et une importance pour nos vies. Dans quelle mesure ces personnes comptent-elles de moins en moins ? Dans quelle mesure nous pr\u00e9occupons-nous moins des personnes et davantage des conditions que nous pouvons g\u00e9n\u00e9rer, des d\u00e9couvertes ? J’ai l’impression que quelque chose de brutal va arriver. Un deuxi\u00e8me \u00e9l\u00e9ment pour moi, c’est que nous ne sommes pas parvenus, au fil des g\u00e9n\u00e9rations, \u00e0 atteindre une justice sociale plus d\u00e9velopp\u00e9e. Aujourd’hui, nous avons des personnes qui, bien qu’issues de familles vuln\u00e9rables, ont r\u00e9ussi \u00e0 aller \u00e0 l’universit\u00e9 : souvent, elles ne parviennent finalement pas \u00e0 mettre en \u0153uvre le projet qu’elles s’imaginaient pouvoir mettre en \u0153uvre apr\u00e8s \u00eatre all\u00e9es \u00e0 l’universit\u00e9. Celle-ci ne permet plus de passer \u00e0 l’\u00e9tape suivante de sa vie.<\/p>\n\n\n\n

Pour moi, la ville est toujours un bon exemple : elle capte la richesse et la pauvret\u00e9, le bon et le mauvais, les abus et la g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9. Dans une grande ville, les interactions sont nombreuses. La ville, \u00e0 long terme, reste le lieu o\u00f9 les plus vuln\u00e9rables, ceux qui sont rejet\u00e9s, peuvent avoir une vie. La campagne est trop dure si on n’a pas d’argent, et les petites villes sont peut-\u00eatre trop contr\u00f4lantes : c’est alors la grande ville, qui n’est jamais parfaite, dont on ne peut jamais attendre qu’elle fasse tout ce qu’elle devrait faire, avec toute une s\u00e9rie de choix relatifs, qui finit par aider aussi les plus d\u00e9favoris\u00e9s. Cela m’intrigue en tant que capacit\u00e9. Au lieu de se concentrer sur la fa\u00e7on dont ils ont \u00e9chou\u00e9, voir aussi comment ils ont r\u00e9ussi \u00e0 avoir une vie, m\u00eame si elle est tr\u00e8s modeste. Et c’est ce qui impressionne : la fa\u00e7on dont la ville a permis tous les extr\u00eames que l’on peut imaginer. Les villes sont toujours parmi nous. Ce sont des \u00e9l\u00e9ments tr\u00e8s imparfaits, avec une capacit\u00e9 d’abus et d’injustices extraordinaires, mais, en fin de compte, ce sont les espaces dans lesquels les personnes d\u00e9favoris\u00e9es peuvent faire leur vie. C’est un peu comme \u00e7a.<\/p>\n\n\n\n

Les villes sont toujours parmi nous. Ce sont des \u00e9l\u00e9ments tr\u00e8s imparfaits, avec une capacit\u00e9 d’abus et d’injustices extraordinaires, mais, en fin de compte, ce sont les espaces dans lesquels les personnes d\u00e9favoris\u00e9es peuvent faire leur vie. C’est un peu comme \u00e7a. <\/p>Saskia Sassen<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Londres et Paris sont vraiment deux grandes villes beaucoup moins craintives que les petites villes am\u00e9ricaines, o\u00f9 l’on s’inqui\u00e8te davantage du trop grand nombre de personnes de couleur, m\u00eame si elles appartiennent aux classes moyennes \u00e9tablies.<\/p>\n\n\n\n

En conclusion, je pense que ce qui est impressionnant, c’est que les villes sont le plus ancien moment que nous avons g\u00e9n\u00e9r\u00e9. Nous avons des villes depuis des si\u00e8cles et des si\u00e8cles, bien avant l’apparition de l’\u00c9tat-nation. Ce dernier n’intervient qu’au tout dernier moment, si l’on consid\u00e8re les tr\u00e8s longues trajectoires d’une grande ville. D’autre part, les villes les plus complexes ne se trouvaient pas dans notre Occident, mais plut\u00f4t en Orient. Et c’est aussi une chose importante \u00e0 comprendre. J’ai beaucoup travaill\u00e9 dans certains pays d’Asie, notamment au Japon, o\u00f9 j’ai vraiment d\u00e9couvert toutes ces histoires que nous n’avons pas en Occident.<\/p>\n\n\n\n

Dans quelle mesure y a-t-il une prise de conscience de la n\u00e9cessit\u00e9 d’<\/strong>aller au-del\u00e0 de l’\u00c9tat-nation<\/strong><\/a> ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Bien s\u00fbr, il y a les \u00c9tats-nations, mais en r\u00e9alit\u00e9, les acteurs les plus puissants, en termes de d\u00e9veloppement d’une culture et d’innovations, ne sont pas les gouvernements nationaux. Un certain nombre d’acteurs transnationaux sont \u00e0 l’origine des innovations et des nouvelles possibilit\u00e9s. Cela me semble tr\u00e8s important. Il ne fait aucun doute qu’il y a eu une \u00e9poque o\u00f9 l’\u00c9tat-nation a \u00e9merg\u00e9 et est devenu un acteur puissant et important. Je pense que cette \u00e9poque touche \u00e0 sa fin. Bien s\u00fbr, il continuera \u00e0 \u00eatre puissant et il y aura des pays o\u00f9 les autorit\u00e9s en abuseront. Mon analyse n’est pas une analyse romantique, pas du tout. Mais il est int\u00e9ressant de voir comment certains acteurs \u2014 notamment le secteur riche de la production \u2014 gagnent du terrain, et ont de moins en moins besoin des \u00c9tats-nations et de leurs lois.<\/p>\n\n\n\n

Je pense que nous sommes entr\u00e9s dans une nouvelle \u00e8re, avec des syst\u00e8mes complexes, et comprendre que nous sommes entr\u00e9s dans une nouvelle \u00e8re n’est pas facile. Car ce n’est pas que tout change, ce n’est pas une destruction totale d’une situation qui est remplac\u00e9e. C’est quelque chose qui entre, qui p\u00e9n\u00e8tre, qui s’\u00e9tablit et qui peut devenir dominant. Et nous avons connu cela depuis les ann\u00e9es 80. C’est un moment tr\u00e8s important, parce que c’est le moment o\u00f9 ce qui est plus traditionnel \u2014 je parle maintenant de l’Occident \u2014 est un peu submerg\u00e9 par ces grandes entreprises \u00e9mergentes \u2014 mais pas seulement les grandes entreprises \u2014 qui op\u00e8rent au niveau mondial. Ils disposent d’un espace op\u00e9rationnel o\u00f9 le national, m\u00eame s’il importe, est minime. C’est quelque chose qui m’\u00e9tonne un peu : on n’utilise plus les cartes traditionnelles quand on montre le vrai appareil puissant. Celle-ci est constitu\u00e9e par certains secteurs au sein des \u00c9tats-nations avec toute une s\u00e9rie de combinaisons.<\/p>\n\n\n\n

Pourtant, il y a une sorte d’immobilisme, surtout mental, dans la compr\u00e9hension du fonctionnement de nos pays et de ce que signifie avoir du pouvoir. Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d’\u00c9tat-nation. Cela compte de plus en plus pour nous, les humains, mais de moins en moins pour les grands acteurs \u00e9conomiques et les divers acteurs extra-\u00e9conomiques. Nous nous appuyons beaucoup sur la reconnaissance en tant que personnes ayant le droit de vivre dans un certain pays, mais en r\u00e9alit\u00e9, il y a toute une s\u00e9rie d’acteurs, avec l’\u00e9conomie qui est certainement dominante, qui sont simplement transversaux et ont toute une s\u00e9rie de nouveaux moyens transversaux de se connecter \u00e0 tant d’autres endroits sans grande difficult\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d’\u00c9tat-nation. Cela compte de plus en plus pour nous, les humains, mais de moins en moins pour les grands acteurs \u00e9conomiques et les divers acteurs extra-\u00e9conomiques. <\/p>Saskia Sassen<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Pour moi aussi, ce que nous voyons, et c’est un troisi\u00e8me th\u00e8me, c’est la mont\u00e9e de l’extractivisme. Les extractions qui \u00e9taient autrefois tr\u00e8s visibles le sont d\u00e9sormais beaucoup moins. Nous devons d\u00e9velopper un langage qui nous permette de saisir ces \u00e9l\u00e9ments qui sont partiels, mais qui peuvent \u00eatre tr\u00e8s dominants. L’histoire n’est plus le territoire total d’une nation. La question est de savoir dans quelle mesure l’\u00c9tat-nation, tel que nous l’avons compris historiquement, tel qu’il fonctionne encore et tel que nous en avons encore besoin, va commencer \u00e0 comprendre, \u00e0 un niveau g\u00e9n\u00e9rique, qu’il existe d’autres acteurs plus importants que lui. C’est une chose que les villes comprennent, et m\u00eame les villages.<\/p>\n\n\n\n

Quels sont les espaces dans lesquels une r\u00e9ponse \u00e0 tout cela peut \u00eatre articul\u00e9e ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Les acteurs tr\u00e8s puissants, les entreprises, les grandes familles, ont beaucoup de pouvoir. Nous sommes totalement subordonn\u00e9s aux grandes entreprises parce que notre reproduction sociale d\u00e9pend d’elles. Apr\u00e8s la Seconde Guerre mondiale, il est apparu plus clairement qui \u00e9taient les principaux acteurs. Maintenant, c’est un peu plus ambigu. Il y a toute une combinaison d’opportunit\u00e9s et d’\u00e9l\u00e9ments qui font que, d’une part, l’\u00c9tat, qui gouverne, est en train de perdre de l\u2019importance, mais devient par l\u00e0 m\u00eame plus important en tant que refuge pour toute une s\u00e9rie de personnes qui ont \u00e9t\u00e9 expuls\u00e9es de leur vie.<\/p>\n\n\n\n

Il y a toute une combinaison d’opportunit\u00e9s et d’\u00e9l\u00e9ments qui font que, d’une part, l’\u00c9tat, qui gouverne, est en train de perdre de l\u2019importance, mais devient par l\u00e0 m\u00eame plus important en tant que refuge pour toute une s\u00e9rie de personnes qui ont \u00e9t\u00e9 expuls\u00e9es de leur vie. <\/p>Saskia Sassen<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Je ne sais pas o\u00f9 tout cela s’arr\u00eate, si revient une force, un \u00e9l\u00e9ment, une d\u00e9cision ou une combinaison de situations avec laquelle nous retrouvons une certaine justice sociale. Je dirais que, pour l’instant, la justice sociale n’est pas tr\u00e8s puissante, parce qu’il y a simplement des acteurs plus puissants. Ce n’est pas que la justice sociale a \u00e9chou\u00e9. C’est qu’il y a des acteurs incroyablement puissants. Pour moi, c’est une question difficile \u00e0 traiter car tout est biais\u00e9. Ces grandes entreprises aident souvent et peuvent \u00eatre pr\u00e9sent\u00e9es comme tr\u00e8s positives. Je pense que nous allons dans une direction, avec tous ces \u00e9l\u00e9ments dont nous parlons, qui m’inqui\u00e8te.<\/p>\n\n\n\n

Il y a d’autres \u00e9l\u00e9ments qui sont plus positifs, comme les nouvelles g\u00e9n\u00e9rations qui structurent simplement leurs aspirations autour d’\u00e9l\u00e9ments d’une mani\u00e8re tr\u00e8s diff\u00e9rente. Les jeunes ne sont plus int\u00e9ress\u00e9s par la possession d’une voiture quand ils vivent dans une grande ville, o\u00f9 le probl\u00e8me se pose davantage. Mais ils veulent, en revanche, voyager dans le monde entier. Ce sont de nouvelles modalit\u00e9s. Les nouvelles g\u00e9n\u00e9rations changent. Elles modifient la structure de la vie quotidienne, ce qui est consid\u00e9r\u00e9 comme la bonne vie. Elles changent les sch\u00e9mas.<\/p>\n\n\n\n

L’Europe joue-t-elle un r\u00f4le central dans cette \u00e9volution ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Je ne suis pas s\u00fbre. Revenons un peu en arri\u00e8re. L’Europe commence comme l’un des continents o\u00f9 la concentration de population est la plus forte, alors que c’\u00e9tait moins le cas dans d’autres parties du monde. L’Europe est confront\u00e9e \u00e0 une r\u00e9alit\u00e9 qui ne peut ni la cacher ni la tuer. L’Occident a g\u00e9n\u00e9r\u00e9 ses nouveaux mod\u00e8les, d’une certaine mani\u00e8re gr\u00e2ce aux technologies. Ce qui m’intrigue maintenant, c’est l’Asie, o\u00f9 j’ai pass\u00e9 beaucoup de temps. En Asie, comment cela se passe-t-il ? Ils ont fait des innovations incroyables, ils ont eu des modalit\u00e9s diff\u00e9rentes des n\u00f4tres. Le Japon est un cas extr\u00eame \u00e0 cet \u00e9gard, avec un niveau d’intelligence et de d\u00e9veloppement impressionnant. Dans ce contexte, je ne sais pas o\u00f9 nous allons.<\/p>\n\n\n\n

Lorsque je me permets d’y penser, et j’insiste sur le mot \u00ab me permettre \u00bb, je vois une situation de division, o\u00f9 de plus en plus de personnes souffriront. Et ce qui \u00e9tait autrefois des classes moyennes modestes mais fonctionnelles prendra fin. Notre modernit\u00e9 est pleine d’innovations et cela g\u00e9n\u00e8re un tr\u00e8s large vivier de personnes. Certains deviendront tr\u00e8s riches, d’autres un peu moins et d’autres, peut-\u00eatre qu’ils ne gagnent pas autant, mais ils ont quelque chose. Mais il y aura aussi une sorte d’abandonn\u00e9s, d’oubli\u00e9s, ceux qui ne comptent plus, parce que nos technologies, m\u00eame en termes culturels, auront chang\u00e9. Je vois une fonction assez large de personnes, avec diff\u00e9rents niveaux d’intellectualit\u00e9, de connaissances, d’expertise, qui continuera probablement \u00e0 fonctionner et sera assez importante. Ce que je n’arrive pas \u00e0 comprendre, c’est quels sont ceux qui vont \u00eatre d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9s et \u00e9limin\u00e9s, parce qu’ils vont mourir de faim, parce qu’ils vont mourir de maladies, parce que personne ne voudra d’eux. Il y a une brutalit\u00e9 assez extraordinaire en jeu ici que l’histoire du futur ne pr\u00e9sentera pas de la meilleure fa\u00e7on.<\/p>\n\n\n\n

Vous avez commenc\u00e9 par caract\u00e9riser les villes comme le lieu o\u00f9, malgr\u00e9 tout, les plus exclus trouvent des espaces et des situations pour d\u00e9velopper leur vie. Que va-t-il se passer maintenant, compte tenu de ce cadre que vous pr\u00e9sentez ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

De plus en plus de gens arrivent et trouvent dans la ville le seul endroit o\u00f9 ils peuvent \u00eatre, o\u00f9 ils peuvent fonctionner, mais cela a \u00e9galement impliqu\u00e9 une \u00e9norme expansion des villes. Les plus pauvres doivent souvent faire deux heures de route pour se rendre au travail. Et c’est un ph\u00e9nom\u00e8ne invisible. Pour moi, c’est une question qui d\u00e9coule d’une sorte d’irritation incontr\u00f4lable que j’\u00e9prouve : il est si typique que les gens qui vivent dans une ville ne parlent que de la bonne partie de la ville. Ils ont tendance \u00e0 oublier qu’il y a des gens qui souffrent. Les favoris\u00e9s appr\u00e9cient vraiment les villes. J’aime la ville. Mais nous oublions les bataillons de personnes qui doivent se lever \u00e0 quatre heures du matin, tous les matins, pour se rendre \u00e0 leur travail. Une brutalit\u00e9 \u00e9norme mais invisible.<\/p>\n\n\n\n

C’est incroyable comment nous, les \u00eatres humains, arrivons \u00e0 ne pas remarquer, \u00e0 ne pas nous inqui\u00e9ter. Dans le pass\u00e9, cela a d\u00fb \u00eatre un moyen de survie de pouvoir \u00eatre indiff\u00e9rent. Nous, qui ressentons la moindre douleur, nous sommes tr\u00e8s sensibles, mais en m\u00eame temps nous pouvons exprimer une brutalit\u00e9 d’indiff\u00e9rence qui, je pense, vient d’un \u00e9l\u00e9ment primitif o\u00f9 nous devions nous prot\u00e9ger, sinon nous ne survivrions pas. C’est rest\u00e9, dans un mode diff\u00e9rent, mais c’est l\u00e0. Nous avons la capacit\u00e9 de penser \u00e0 ce dont nous avons besoin pour survivre. Nous l’oublions trop souvent. Le prix qui vient ensuite pour ceux qui n’y arrivent pas est tr\u00e8s \u00e9lev\u00e9. Et maintenant, nous l\u2019analysons en termes de riches et de pauvres. Mais il fut un temps o\u00f9 ce n’\u00e9tait pas les riches, mais ceux qui avan\u00e7aient, qui avaient du courage, qui faisaient la diff\u00e9rence, qui lan\u00e7aient des cultures, par exemple. Nous avons eu des \u00eatres humains sur tous les continents qui ont vraiment lanc\u00e9 nos civilisations.<\/p>\n\n\n\n

Quelle est votre exp\u00e9rience dans des villes comme Londres et Paris en ce qui concerne cette dualit\u00e9 entre les exclus et ceux qui profitent ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Dans ces deux villes, j’ai men\u00e9 des projets de recherche et, \u00e0 l’\u00e9poque, je travaillais beaucoup sur les personnes vuln\u00e9rables, notamment les migrants qui fuyaient des situations tr\u00e8s complexes. C’\u00e9tait une p\u00e9riode de grande migration. Et l’Europe est le continent ouvert, pas comme la Chine. C’\u00e9tait une question tr\u00e8s importante pour moi. J’ai toujours ajout\u00e9 \u00e0 mon analyse les invisibles, ceux qui n’avaient pas de maison, mais qui savaient cacher leur pr\u00e9sence. \u00c0 l’\u00e9poque, la plupart des r\u00e9sidents n’ont pas remarqu\u00e9 que quelque chose avait chang\u00e9. Il s’agissait de toute une s\u00e9rie de personnes qui venaient de pays tr\u00e8s probl\u00e9matiques et qui avaient la capacit\u00e9 de devenir invisibles. \u00c0 partir d’un certain moment, les grandes villes se rendent compte qu’il y a ces gens qui \u00e9taient invisibles.<\/p>\n\n\n\n

La premi\u00e8re fois que je suis all\u00e9e \u00e0 Paris seule, j’avais dix-sept ans. Je vivais dans la rue, mais pour moi c’\u00e9tait une aventure et j\u2019avais beau temps, il ne faisait pas froid. J’ai appris \u00e0 voir ce qu’on ne voyait pas pendant la journ\u00e9e. C’est la nuit que ces gens sortaient, se rassemblaient, fouillaient dans les ordures : tout un mode de vie. Et finalement, les syst\u00e8mes ont compris qu’ils existaient, mais il fut un temps o\u00f9 cela n’\u00e9tait pas reconnu en Europe. C’\u00e9tait fascinant pour moi.<\/p>\n\n\n\n

La premi\u00e8re fois que je suis all\u00e9e \u00e0 Paris seule, j’avais dix-sept ans. Je vivais dans la rue, mais pour moi c’\u00e9tait une aventure et j\u2019avais beau temps, il ne faisait pas froid. J’ai appris \u00e0 voir ce qu’on ne voyait pas pendant la journ\u00e9e. <\/p>Saskia Sassen<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Une autre exp\u00e9rience int\u00e9ressante dans ce sens s’est d\u00e9roul\u00e9e aux \u00c9tats-Unis, \u00e0 San Francisco : une ville qui a toujours sembl\u00e9 parfaite, mais o\u00f9 les pauvres ont commenc\u00e9 \u00e0 arriver et \u00e0 se cacher. Et il fut un temps o\u00f9 l’on ne comprenait pas qu’ils existaient, mais finalement cela \u00e9merge tr\u00e8s fortement et g\u00e9n\u00e8re une sorte de choc. Ceux qui appr\u00e9ciaient la ville ne savaient pas qu’il y avait des gens qui vivaient comme \u00e7a, qui dormaient dans les parcs, o\u00f9 ils pouvaient \u00eatre invisibles. Et lorsque cela a \u00e9t\u00e9 d\u00e9couvert, les gens ont commenc\u00e9 \u00e0 comprendre qu’il existait aussi une autre humanit\u00e9.<\/p>\n\n\n\n

Dans certaines villes, vous pourriez avoir certains \u00e9l\u00e9ments g\u00e9n\u00e9reux. Dans certaines r\u00e9gions des \u00c9tats-Unis, il \u00e9tait entendu qu’il s’agissait de personnes pauvres qui n’avaient pas de maison et c’\u00e9tait tout. On n\u2019en parlait pas trop. Dans d’autres villes, on y r\u00e9pondait. J’ai v\u00e9cu dans plusieurs villes pour le comprendre. C’est impressionnant de voir \u00e0 quel point cela a \u00e9t\u00e9 tol\u00e9r\u00e9. Quand il y a de plus en plus de gens qui n’ont rien, cela devient un peu plus lourd pour tout le monde, une sorte de routine que nous connaissons d\u00e9j\u00e0.<\/p>\n\n\n\n

Nous avons vraiment v\u00e9cu un changement. Dans les syst\u00e8mes complexes, il n’est pas facile de voir ce changement. Une partie de ce changement est pr\u00e9cis\u00e9ment li\u00e9e au fait que beaucoup de personnes ont perdu leurs standings<\/em>. Je veux dire, par exemple, quand il y avait une personne qui avait besoin d’un manteau, c’\u00e9tait consid\u00e9r\u00e9 comme un cas s\u00e9rieux o\u00f9 vous essayiez d’aider, aussi parce qu’il n’y avait pas beaucoup de cas comme \u00e7a. Aujourd’hui, nous nous retrouvons dans une situation o\u00f9 nous savons que des milliers de personnes dorment dans les rues la nuit, mais nous ne savons pas comment y faire face. La chose la plus simple est de laisser tomber, de ne pas en parler, de ne pas l’analyser, de ne pas en parler, parce que nous ne savons pas quoi faire. Je ne sais pas comment je me comporterais si j’\u00e9tais maire d’une ville confront\u00e9e \u00e0 une telle situation. Mais lorsque cela se produit dans de nombreuses villes d’un pays ou d’une entit\u00e9, cela devient \u00e9galement un \u00e9norme d\u00e9fi, car il faut reconna\u00eetre que les entit\u00e9s ont besoin de beaucoup plus de ressources et d’aide que ce qu’elles re\u00e7oivent. Et il n’est pas facile pour eux d’obtenir davantage de ces ressources.<\/p>\n\n\n\n

Au-del\u00e0 des ressources, ne pensez-vous pas qu’il y a un probl\u00e8me parmi les d\u00e9cideurs, parmi les \u00e9lites, pour comprendre ce qui se passe et comment y r\u00e9pondre ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Oui, vous avez raison. C’est un point important. Nous n’avons pas progress\u00e9 dans notre \u00e9laboration, dans la fa\u00e7on dont nous d\u00e9crivons la situation. Ce que je vois aussi et ce qui m’impressionne, c’est une indiff\u00e9rence qui n’est pas seulement brutale, mais qui contient aussi une certaine forme de g\u00e9n\u00e9rosit\u00e9 : c’est bien, s’ils veulent dormir l\u00e0 dans la rue, ils ab\u00eement un peu le paysage, mais c’est bien. Cela m’a fait une grande impression aux \u00c9tats-Unis. Au d\u00e9but, la police est venue et a d\u00e9truit le peu que les gens avaient dans les campements en Californie. Mais cela a g\u00e9n\u00e9r\u00e9 toute une r\u00e9action critique \u00e0 l’\u00e9gard des policiers qui leur demandaient de les laisser tranquilles. M\u00eame les riches disaient \u00ab it\u2019s ok<\/em>. \u00bb<\/p>\n\n\n\n

Cela a probablement \u00e0 voir avec les diff\u00e9rentes conceptions du monde qui r\u00e9gissent la soci\u00e9t\u00e9 am\u00e9ricaine, par rapport aux soci\u00e9t\u00e9s europ\u00e9ennes. En pensant \u00e0 ces diff\u00e9rences conceptuelles, avez-vous remarqu\u00e9 des diff\u00e9rences en termes de r\u00e9ception de votre travail sur la ville mondiale en Europe et aux \u00c9tats-Unis, ou m\u00eame entre la France et l’Angleterre ?<\/strong><\/h3>\n\n\n\n

Exactement. En termes de r\u00e9ception, j’ai eu une p\u00e9riode o\u00f9 j’ai beaucoup \u00e9crit et publi\u00e9. J’\u00e9tais toujours submerg\u00e9e par le travail. Je n’ai pas r\u00e9ussi \u00e0 lire la plupart des commentaires qui ont \u00e9t\u00e9 faits, les critiques, les honneurs. Ma t\u00eate explosait d’id\u00e9es, pour ainsi dire. C’est ce qui m’int\u00e9ressait. J’imagine que je dois avoir toute une s\u00e9rie de critiques, mais que sais-je, je n’ai pas le temps. Peut-\u00eatre qu’un Fran\u00e7ais me critique plus qu’un Anglais, aussi \u00e0 cause de la tradition fran\u00e7aise de devoir toujours critiquer. Et savoir critiquer est aussi un talent. Beaucoup d’Am\u00e9ricains ne savent pas comment critiquer. C’est une chose s’ils n’aiment pas quelque chose ou ne sont pas d’accord. Mais la critique n’est pas leur fort. Ils ne sont pas comme les Fran\u00e7ais. J’ai pass\u00e9 du temps en France. J’avais beaucoup de gens qui me soutenaient, qui m’adoraient. J’ai pass\u00e9 un bon moment en France et je parlais un fran\u00e7ais raisonnable. Je suis toujours tr\u00e8s connect\u00e9e, mais pas autant qu’avant. C’est une nouvelle p\u00e9riode pour moi : il y a d’autres sujets, d’autres situations qui m’int\u00e9ressent.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Pour ce huiti\u00e8me entretien, notre s\u00e9rie d’\u00e9t\u00e9 Grand Tour<\/em> op\u00e8re un changement d’\u00e9chelle pour se pencher sur les grandes villes, avec l’une des plus grandes sp\u00e9cialistes du sujet, la sociologue et \u00e9conomiste Saskia Sassen. En partant du regard qu’elle porte sur Paris et Londres, celle-ci explore la perte progressive de l’h\u00e9g\u00e9monie exerc\u00e9e par l’\u00c9tat-nation, dans une \u00e8re nouvelle o\u00f9 les villes pourraient \u00eatre amen\u00e9es \u00e0 tenir une place importante.<\/p>\n","protected":false},"author":1623,"featured_media":115829,"comment_status":"closed","ping_status":"closed","sticky":false,"template":"templates\/post-interviews.php","format":"standard","meta":{"_acf_changed":false,"_trash_the_other_posts":false,"footnotes":""},"categories":[2984],"tags":[],"geo":[1917],"acf":[],"yoast_head":"\n\u00ab Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d\u2019\u00c9tat-nation \u00bb, conversation avec Saskia Sassen | Le Grand Continent<\/title>\n<meta name=\"robots\" content=\"index, follow, max-snippet:-1, max-image-preview:large, max-video-preview:-1\" \/>\n<link rel=\"canonical\" href=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/\" \/>\n<meta property=\"og:locale\" content=\"fr_FR\" \/>\n<meta property=\"og:type\" content=\"article\" \/>\n<meta property=\"og:title\" content=\"\u00ab Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d\u2019\u00c9tat-nation \u00bb, conversation avec Saskia Sassen | Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"og:description\" content=\"Pour ce huiti\u00e8me entretien, notre s\u00e9rie d'\u00e9t\u00e9 Grand Tour op\u00e8re un changement d'\u00e9chelle pour se pencher sur les grandes villes, avec l'une des plus grandes sp\u00e9cialistes du sujet, la sociologue et \u00e9conomiste Saskia Sassen. En partant du regard qu'elle porte sur Paris et Londres, celle-ci explore la perte progressive de l'h\u00e9g\u00e9monie exerc\u00e9e par l'\u00c9tat-nation, dans une \u00e8re nouvelle o\u00f9 les villes pourraient \u00eatre amen\u00e9es \u00e0 tenir une place importante.\" \/>\n<meta property=\"og:url\" content=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/\" \/>\n<meta property=\"og:site_name\" content=\"Le Grand Continent\" \/>\n<meta property=\"article:published_time\" content=\"2021-08-06T08:57:07+00:00\" \/>\n<meta property=\"article:modified_time\" content=\"2021-12-01T09:40:01+00:00\" \/>\n<meta property=\"og:image\" content=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/gc-saskia-sassen.jpg\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:width\" content=\"1908\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:height\" content=\"1068\" \/>\n\t<meta property=\"og:image:type\" content=\"image\/jpeg\" \/>\n<meta name=\"author\" content=\"Marin Saillofest\" \/>\n<meta name=\"twitter:card\" content=\"summary_large_image\" \/>\n<meta name=\"twitter:image\" content=\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/gc-saskia-sassen.jpg\" \/>\n<meta name=\"twitter:label1\" content=\"\u00c9crit par\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:data1\" content=\"Marin Saillofest\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:label2\" content=\"Dur\u00e9e de lecture estim\u00e9e\" \/>\n\t<meta name=\"twitter:data2\" content=\"15 minutes\" \/>\n<script type=\"application\/ld+json\" class=\"yoast-schema-graph\">{\"@context\":\"https:\/\/schema.org\",\"@graph\":[{\"@type\":\"WebPage\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/\",\"url\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/\",\"name\":\"\u00ab Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d\u2019\u00c9tat-nation \u00bb, conversation avec Saskia Sassen | Le Grand Continent\",\"isPartOf\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website\"},\"primaryImageOfPage\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#primaryimage\"},\"image\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#primaryimage\"},\"thumbnailUrl\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/2SIPA_AP21474639_000048-scaled-e1628245982488.jpg\",\"datePublished\":\"2021-08-06T08:57:07+00:00\",\"dateModified\":\"2021-12-01T09:40:01+00:00\",\"author\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/2838b2116880462ec27cf3f26316a10c\"},\"breadcrumb\":{\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#breadcrumb\"},\"inLanguage\":\"fr-FR\",\"potentialAction\":[{\"@type\":\"ReadAction\",\"target\":[\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/\"]}]},{\"@type\":\"ImageObject\",\"inLanguage\":\"fr-FR\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#primaryimage\",\"url\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/2SIPA_AP21474639_000048-scaled-e1628245982488.jpg\",\"contentUrl\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/2SIPA_AP21474639_000048-scaled-e1628245982488.jpg\",\"width\":2124,\"height\":1708,\"caption\":\"Dutch-American sociologist Saskia Sassen receives applause from the audience after receiving the 2013 Prince of Asturias award for Social Sciences at a ceremony in Oviedo, northern Spain, Friday Oct. 25, 2013. (AP Photo\/Abraham Caro Marin)\/ACM140\/254053879558\/1310260029\"},{\"@type\":\"BreadcrumbList\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#breadcrumb\",\"itemListElement\":[{\"@type\":\"ListItem\",\"position\":1,\"name\":\"Accueil\",\"item\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/\"},{\"@type\":\"ListItem\",\"position\":2,\"name\":\"\u00ab Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d\u2019\u00c9tat-nation \u00bb, conversation avec Saskia Sassen\"}]},{\"@type\":\"WebSite\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website\",\"url\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/\",\"name\":\"Le Grand Continent\",\"description\":\"L'\u00e9chelle pertinente\",\"potentialAction\":[{\"@type\":\"SearchAction\",\"target\":{\"@type\":\"EntryPoint\",\"urlTemplate\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?s={search_term_string}\"},\"query-input\":\"required name=search_term_string\"}],\"inLanguage\":\"fr-FR\"},{\"@type\":\"Person\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/2838b2116880462ec27cf3f26316a10c\",\"name\":\"Marin Saillofest\",\"image\":{\"@type\":\"ImageObject\",\"inLanguage\":\"fr-FR\",\"@id\":\"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/image\/\",\"url\":\"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/67327e7e18f573a6af8e3de274ba4cc3?s=96&d=mm&r=g\",\"contentUrl\":\"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/67327e7e18f573a6af8e3de274ba4cc3?s=96&d=mm&r=g\",\"caption\":\"Marin Saillofest\"}}]}<\/script>\n<!-- \/ Yoast SEO plugin. -->","yoast_head_json":{"title":"\u00ab Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d\u2019\u00c9tat-nation \u00bb, conversation avec Saskia Sassen | Le Grand Continent","robots":{"index":"index","follow":"follow","max-snippet":"max-snippet:-1","max-image-preview":"max-image-preview:large","max-video-preview":"max-video-preview:-1"},"canonical":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/","og_locale":"fr_FR","og_type":"article","og_title":"\u00ab Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d\u2019\u00c9tat-nation \u00bb, conversation avec Saskia Sassen | Le Grand Continent","og_description":"Pour ce huiti\u00e8me entretien, notre s\u00e9rie d'\u00e9t\u00e9 Grand Tour op\u00e8re un changement d'\u00e9chelle pour se pencher sur les grandes villes, avec l'une des plus grandes sp\u00e9cialistes du sujet, la sociologue et \u00e9conomiste Saskia Sassen. En partant du regard qu'elle porte sur Paris et Londres, celle-ci explore la perte progressive de l'h\u00e9g\u00e9monie exerc\u00e9e par l'\u00c9tat-nation, dans une \u00e8re nouvelle o\u00f9 les villes pourraient \u00eatre amen\u00e9es \u00e0 tenir une place importante.","og_url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/","og_site_name":"Le Grand Continent","article_published_time":"2021-08-06T08:57:07+00:00","article_modified_time":"2021-12-01T09:40:01+00:00","og_image":[{"width":1908,"height":1068,"url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/gc-saskia-sassen.jpg","type":"image\/jpeg"}],"author":"Marin Saillofest","twitter_card":"summary_large_image","twitter_image":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/gc-saskia-sassen.jpg","twitter_misc":{"\u00c9crit par":"Marin Saillofest","Dur\u00e9e de lecture estim\u00e9e":"15 minutes"},"schema":{"@context":"https:\/\/schema.org","@graph":[{"@type":"WebPage","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/","url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/","name":"\u00ab Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d\u2019\u00c9tat-nation \u00bb, conversation avec Saskia Sassen | Le Grand Continent","isPartOf":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website"},"primaryImageOfPage":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#primaryimage"},"image":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#primaryimage"},"thumbnailUrl":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/2SIPA_AP21474639_000048-scaled-e1628245982488.jpg","datePublished":"2021-08-06T08:57:07+00:00","dateModified":"2021-12-01T09:40:01+00:00","author":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/2838b2116880462ec27cf3f26316a10c"},"breadcrumb":{"@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#breadcrumb"},"inLanguage":"fr-FR","potentialAction":[{"@type":"ReadAction","target":["https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/"]}]},{"@type":"ImageObject","inLanguage":"fr-FR","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#primaryimage","url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/2SIPA_AP21474639_000048-scaled-e1628245982488.jpg","contentUrl":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-content\/uploads\/sites\/2\/2021\/08\/2SIPA_AP21474639_000048-scaled-e1628245982488.jpg","width":2124,"height":1708,"caption":"Dutch-American sociologist Saskia Sassen receives applause from the audience after receiving the 2013 Prince of Asturias award for Social Sciences at a ceremony in Oviedo, northern Spain, Friday Oct. 25, 2013. (AP Photo\/Abraham Caro Marin)\/ACM140\/254053879558\/1310260029"},{"@type":"BreadcrumbList","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/08\/06\/grand-tour-saskia-sassen\/#breadcrumb","itemListElement":[{"@type":"ListItem","position":1,"name":"Accueil","item":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/"},{"@type":"ListItem","position":2,"name":"\u00ab Nous sommes toujours coinc\u00e9s dans la notion d\u2019\u00c9tat-nation \u00bb, conversation avec Saskia Sassen"}]},{"@type":"WebSite","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#website","url":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/","name":"Le Grand Continent","description":"L'\u00e9chelle pertinente","potentialAction":[{"@type":"SearchAction","target":{"@type":"EntryPoint","urlTemplate":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?s={search_term_string}"},"query-input":"required name=search_term_string"}],"inLanguage":"fr-FR"},{"@type":"Person","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/2838b2116880462ec27cf3f26316a10c","name":"Marin Saillofest","image":{"@type":"ImageObject","inLanguage":"fr-FR","@id":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/#\/schema\/person\/image\/","url":"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/67327e7e18f573a6af8e3de274ba4cc3?s=96&d=mm&r=g","contentUrl":"https:\/\/secure.gravatar.com\/avatar\/67327e7e18f573a6af8e3de274ba4cc3?s=96&d=mm&r=g","caption":"Marin Saillofest"}}]}},"_links":{"self":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/115550"}],"collection":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts"}],"about":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/types\/post"}],"author":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/users\/1623"}],"replies":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/comments?post=115550"}],"version-history":[{"count":64,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/115550\/revisions"}],"predecessor-version":[{"id":126140,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/posts\/115550\/revisions\/126140"}],"wp:featuredmedia":[{"embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/media\/115829"}],"wp:attachment":[{"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/media?parent=115550"}],"wp:term":[{"taxonomy":"category","embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/categories?post=115550"},{"taxonomy":"post_tag","embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/tags?post=115550"},{"taxonomy":"geo","embeddable":true,"href":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/wp-json\/wp\/v2\/geo?post=115550"}],"curies":[{"name":"wp","href":"https:\/\/api.w.org\/{rel}","templated":true}]}}