{"id":106162,"date":"2021-04-19T14:20:28","date_gmt":"2021-04-19T12:20:28","guid":{"rendered":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/?p=106162"},"modified":"2021-05-04T23:22:09","modified_gmt":"2021-05-04T21:22:09","slug":"le-piege-technopopuliste","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/legrandcontinent.eu\/fr\/2021\/04\/19\/le-piege-technopopuliste\/","title":{"rendered":"Le pi\u00e8ge technopopuliste"},"content":{"rendered":"\n

Nous ne comprendrons jamais la politique tant que nous ne conna\u00eetrons pas l’objet de la lutte.<\/em> C’est ce que d\u00e9clarait le politologue am\u00e9ricain Eric Schattschneider en 1960. Schattschneider pensait que la politique fonctionnait comme un syst\u00e8me de conflit. Comprendre la nature du conflit \u00e9tait la cl\u00e9 pour comprendre la politique dans son ensemble. C’est pourquoi mettait en garde sur le fait que \u00ab la substitution des conflits est le type de strat\u00e9gie politique le plus d\u00e9vastateur \u00bb. Il voulait dire que si l\u2019on anticipe correctement les conflits autour desquels la soci\u00e9t\u00e9 est structur\u00e9e, on peut gagner. Dans le cas contraire, et surtout si on se bat dans l’ombre d’anciens conflits au moment o\u00f9 de nouveaux s’ouvrent, on risque de perdre. Lourdement <\/span>1<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

Ses paroles r\u00e9sonnent avec l’\u00e9volution des politiques raciales et culturelles qui s’emparent de la politique am\u00e9ricaine \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1950 et au d\u00e9but des ann\u00e9es 1960 – une \u00e8re de transition, marqu\u00e9e par l’\u00e9mergence de la \u00ab nouvelle gauche \u00bb et la diffusion des valeurs postmat\u00e9rialistes. Le conflit politique s’est d\u00e9plac\u00e9 vers les questions culturelles, d’identit\u00e9 et tout ce qui se trouvait au-del\u00e0 de la politique de classe d\u00e9sesp\u00e9r\u00e9e de l’\u00e9poque de la Grande D\u00e9pression. Sur quoi porte la lutte politique aujourd’hui ? Cela reste la question politique cl\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Au-del\u00e0 de la gauche et de la droite<\/h2>\n\n\n\n

M\u00eame si ce cadre de pens\u00e9e a fait l’objet de discussions depuis des d\u00e9cennies, on a toujours tendance \u00e0 penser \u00e0 la d\u00e9mocratie en termes de lutte entre la gauche et la droite. Au fur et \u00e0 mesure qu’\u00e9mergent les candidats aux \u00e9lections pr\u00e9sidentielles fran\u00e7aises de l’ann\u00e9e prochaine, les analystes politiques les classent de la m\u00eame mani\u00e8re : Xavier Bertrand au \u00ab centre-droit \u00bb, Jean-Luc M\u00e9lenchon \u00e0 l’\u00ab extr\u00eame-gauche \u00bb, Marine Le Pen \u00e0 l’\u00ab extr\u00eame-droite \u00bb, etc. Nous maintenons m\u00eame cette classification pour des pays comme l’Allemagne, o\u00f9 des ann\u00e9es de grandes coalitions<\/a> ont pourtant r\u00e9duit les diff\u00e9rences id\u00e9ologiques entre les partis rivaux. La concurrence en Allemagne entre l’Union chr\u00e9tienne-d\u00e9mocrate (CDU) et les sociaux-d\u00e9mocrates (SPD) est-elle vraiment une lutte entre plates-formes id\u00e9ologiques rivales ? Le spectre gauche\/droite conf\u00e8re \u00e0 la politique contemporaine une certaine lisibilit\u00e9, mais son importance pour l’analyse politique r\u00e9v\u00e8le autant notre manque d’imagination que la vitalit\u00e9 de la guerre des classes<\/a>.\u00a0<\/p>\n\n\n\n

Les soci\u00e9t\u00e9s restent divis\u00e9es par de profondes in\u00e9galit\u00e9s socio-\u00e9conomiques, mais les partis politiques ne les traduisent plus par les conflits id\u00e9ologiques qui ont marqu\u00e9 le XXe si\u00e8cle. Du \u00ab New Labour \u00bb de Tony Blair au Rassemblement national de Marine Le Pen, de La R\u00e9publique en Marche d’Emmanuel Macron au mouvement \u00ab Action des citoyens m\u00e9contents \u00bb (ANO) d’Andrej Babis, les acteurs politiques ont explicitement tent\u00e9 de se d\u00e9faire des \u00e9tiquettes de \u00ab gauche \u00bb et de \u00ab droite \u00bb. Lorsqu’ils embrassent ces \u00e9tiquettes, ils le font souvent sans succ\u00e8s. Les ann\u00e9es 2015 \u00e0 2019 ont \u00e9t\u00e9 marqu\u00e9es par l’\u00e8re du corbynisme en Grande-Bretagne \u2013 un mouvement social d’extr\u00eame gauche \u00e0 vocation id\u00e9ologique qui s’est empar\u00e9 du parti travailliste et s’est cristallis\u00e9 autour de la figure de Jeremy Corbyn. Ses r\u00e9sultats \u00e9lectoraux ont \u00e9t\u00e9 d\u00e9sastreux. Lors des \u00e9lections g\u00e9n\u00e9rales de 2019, les conservateurs ont remport\u00e9 une victoire \u00e9crasante avec une majorit\u00e9 de 80 si\u00e8ges et ont pris au Labour depuis des circonscriptions qu\u2019il tenait depuis des g\u00e9n\u00e9rations – comme Don Valley et Wakefield.<\/p>\n\n\n\n

Quels que soient ses atouts, Corbyn se trompait de combat. Aujourd’hui, le succ\u00e8s politique semble \u00eatre mieux garanti en \u00e9vitant compl\u00e8tement l’id\u00e9ologie. Aux Pays-Bas, Mark Rutte est rest\u00e9 au sommet de la politique n\u00e9erlandaise en faisant pr\u00e9cis\u00e9ment cela. Comme l’a fait remarquer un commentateur quelques jours avant les \u00e9lections g\u00e9n\u00e9rales qui se sont sold\u00e9es par une nouvelle victoire de Rutte, le succ\u00e8s de ce dernier tient \u00e0 son \u00ab absence d’id\u00e9ologie \u00bb et \u00e0 sa volont\u00e9 de \u00ab travailler avec tout le monde \u00bb <\/span>2<\/sup><\/a><\/span><\/span>. En Autriche, Sebastian Kurz s’est hiss\u00e9 au sommet de la politique de son pays en traduisant les politiques d’extr\u00eame droite dans un vocabulaire grand public tout en purgeant le Parti populaire autrichien (OVP) de son h\u00e9ritage conservateur. Lors de l’\u00e9lection l\u00e9gislative de 2017, Kurz a transform\u00e9 le parti. Il l’a personnalis\u00e9 en mettant la liste du parti \u00e0 son nom (\u00ab la liste Kurz – le nouveau parti populaire \u00bb), il a chang\u00e9 la couleur de l’OVP, passant du noir \u00e0 un turquoise non identifi\u00e9<\/a>, et il a refondu l’OVP en un mouvement plut\u00f4t qu’un parti politique conventionnel.<\/p>\n\n\n\n

Technocratie et populisme : les nouveaux p\u00f4les de la comp\u00e9tition politique d\u00e9mocratique<\/h2>\n\n\n\n

Autour de quoi se joue alors la lutte aujourd’hui ? Nous r\u00e9pondons que le populisme et la technocratie sont devenus les principaux p\u00f4les d’organisation de la politique d\u00e9mocratique contemporaine. Le populisme<\/a> consiste en un mode d’action politique qui mobilise une conception unitaire et monolithique du \u00ab peuple \u00bb contre une id\u00e9e abstraite et moralis\u00e9e de son \u00ab autre \u00bb (les \u00e9lites, la casta<\/em>, les \u00e9trangers), tout en revendiquant un droit de repr\u00e9sentation exclusif du premier. Le soir du r\u00e9f\u00e9rendum britannique, Nigel Farage a d\u00e9clar\u00e9 avec enthousiasme que le Brexit \u00e9tait \u00ab une victoire pour le vrai peuple \u00bb. Cela impliquait que ceux qui avaient vot\u00e9 contre le Brexit n’\u00e9taient pas le \u201cvrai peuple\u201d. En ce sens, comme le souligne le politologue de Princeton, Jan-Werner Muller : \u00ab Les populistes pr\u00e9tendent qu’ils sont les seuls<\/em> \u00e0 repr\u00e9senter le peuple \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

La technocratie est l’association de la comp\u00e9tence ou de l’expertise – techn\u00e8<\/em> – avec le kratos<\/em>, l’exercice du pouvoir. Nous imaginons les technocrates comme des personnalit\u00e9s non \u00e9lues : des banquiers centraux en costume ray\u00e9 prenant des d\u00e9cisions de politique mon\u00e9taire \u00e0 huis clos, ou des mandarins hautement qualifi\u00e9s appliquant leurs mod\u00e8les assis \u00e0 leur poste dans les bureaucraties d’\u00c9tat du monde entier. Ces pratiques trouvent leurs racines dans une conception ancienne (finalement platonicienne) de la technocratie : les rois philosophes gouvernent \u00e0 la place du demos<\/em>. Mais les appels \u00e0 la comp\u00e9tence et \u00e0 l’expertise sont devenus de plus en plus un pilier de notre culture politique d\u00e9mocratique, ainsi qu’un \u00e9l\u00e9ment essentiel de la fa\u00e7on dont nous jugeons les repr\u00e9sentants \u00e9lus. Nous nous demandons : \u00ab Sont-ils efficaces ? Peut-on voir leur CV ?\u201d Deux des principaux banquiers centraux du monde \u2013 Mario Draghi et Janet Yellen \u2013 sont d\u00e9sormais des personnalit\u00e9s politiques \u00e0 part enti\u00e8re<\/a>, respectivement \u00e0 la t\u00eate de la troisi\u00e8me \u00e9conomie de la zone euro et \u00e0 la t\u00eate du Tr\u00e9sor am\u00e9ricain. <\/p>\n\n\n\n

On s\u2019imagine que les populistes et les technocrates sont \u00e0 couteaux tir\u00e9s les uns contre les autres. Comme l’a dit le politicien britannique Michael Gove lors d\u2019une interview accord\u00e9e \u00e0 Sky News dans les semaines pr\u00e9c\u00e9dant le r\u00e9f\u00e9rendum de 2016, \u00ab le peuple en a assez des experts \u00bb. Lorsque Greta Thunberg mobilise ses partisans, elle les exhorte \u00e0 \u00e9couter les scientifiques et \u00e0 ignorer le chant des sir\u00e8nes des populistes. Le d\u00e9part de Silvio Berlusconi en 2011 \u2013 au plus fort de la crise de la dette souveraine de la zone euro \u2013 a \u00e9t\u00e9 con\u00e7u pour qu’un professeur d’\u00e9conomie de l’universit\u00e9 Bocconi et ancien commissaire europ\u00e9en, Mario Monti, puisse prendre la rel\u00e8ve. \u00c9crivant sur le monde post-Covid-19, l’historien et anthropologue Yuval Harari recommande : \u00ab chacun d’entre nous devrait choisir de faire confiance aux donn\u00e9es scientifiques et aux experts de la sant\u00e9 plut\u00f4t qu’aux th\u00e9ories du complot sans fondement et aux populistes int\u00e9ress\u00e9s \u00bb. <\/p>\n\n\n\n

Et pourtant, si on examine plus attentivement la relation entre le populisme et la technocratie dans la politique \u00e9lectorale d’aujourd’hui, on constate qu’elle est bien plus complexe. Dans les d\u00e9mocraties contemporaines, la lutte se joue entre des mani\u00e8res concurrentes de combiner les appels au \u00ab peuple \u00bb et les appels \u00e0 l'\u00a0\u00bbexpertise \u00bb. Nous appelons cette synth\u00e8se le technopopulisme.<\/p>\n\n\n\n

Dans les d\u00e9mocraties contemporaines, la lutte se joue entre des mani\u00e8res concurrentes de combiner les appels au \u00ab peuple \u00bb et les appels \u00e0 l'\u00a0\u00bbexpertise \u00bb. Nous appelons cette synth\u00e8se le technopopulisme.<\/p>Chris Bickerton et Carlo Invernizzi Accetti<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

La logique politique technopopuliste<\/h2>\n\n\n\n

La synth\u00e8se entre populisme et technocratie est rendue possible par le fait que les deux convergent l’un vers l’autre sous nombre d\u2019aspects. Tous deux pr\u00e9tendent poss\u00e9der un type sp\u00e9cifique de \u00ab v\u00e9rit\u00e9 \u00bb politique \u2013 soit sous la forme d’une conception r\u00e9ifi\u00e9e de la volont\u00e9 populaire (le \u00ab vrai peuple \u00bb de Farage), soit sous la forme d’un type sp\u00e9cifique de connaissances auxquelles les technocrates pr\u00e9tendent avoir acc\u00e8s. En tant que tels, le populisme et la technocratie s’opposent tous deux \u00e0 une conception de la politique comme une lutte sans fondement et sans fin entre des valeurs et des int\u00e9r\u00eats concurrents dans le cadre d’un ensemble de proc\u00e9dures commun\u00e9ment reconnues. En d’autres termes, le populisme et la technocratie partagent une hostilit\u00e9 envers ce que Bernard Manin a appel\u00e9 la \u00ab d\u00e9mocratie de parti \u00bb <\/span>3<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

Cela se manifeste par le fait que les populistes et les technocrates dirigent leur col\u00e8re contre les m\u00eames objets : les politiciens professionnels et les partis politiques. Ils sont \u00e9galement tr\u00e8s critiques \u00e0 l’\u00e9gard de toute autre forme d’interm\u00e9diation organis\u00e9e des int\u00e9r\u00eats qui se situe entre le citoyen ordinaire et l’\u00c9tat, comme les syndicats et les organisations de m\u00e9dias. Les populistes consid\u00e8rent les partis et les groupes d’int\u00e9r\u00eat comme des instances d’un syst\u00e8me corrompu et \u00e9go\u00efste. Les technocrates les consid\u00e8rent comme les d\u00e9tenteurs d\u2019une \u00ab rente \u00bb \u2013 des associations de chauffeurs de taxi aux conf\u00e9d\u00e9rations nationales d’int\u00e9r\u00eats commerciaux et aux organisations de consommateurs, ce sont des groupes d\u2019int\u00e9r\u00eats dont l’influence doit \u00eatre \u00e9limin\u00e9e du corps politique. Pour les populistes comme pour les technocrates, les syst\u00e8mes de partis ou les formes d’int\u00e9r\u00eats organis\u00e9s sont ill\u00e9gitimes parce qu’ils contreviennent \u00e0 leur qu\u00eate d’une politique de la g\u00e9n\u00e9ralit\u00e9 \u2013 une forme de politique fond\u00e9e sur un appel \u00e0 la population dans son ensemble<\/em> plut\u00f4t qu’\u00e0 un sous-ensemble ou une partie sp\u00e9cifique de la population. <\/p>\n\n\n\n

Si le populisme et la technocratie ont cette affinit\u00e9, il n’est pas surprenant que les appels au \u00ab peuple \u00bb et les appels \u00e0 l’expertise puissent \u00eatre combin\u00e9s en une seule offre politique. Prenons l’exemple de la France. Le succ\u00e8s d’Emmanuel Macron en 2017 a r\u00e9sult\u00e9 de sa capacit\u00e9 \u00e0 combiner les traits populistes et technocratiques les uns avec les autres. Sa campagne pr\u00e9sidentielle \u00e9tait sans complexe populiste. Il a mobilis\u00e9 ses partisans contre ce qu’il appelait un syst\u00e8me politique \u00ab scl\u00e9ros\u00e9 \u00bb et \u00ab corrompu \u00bb. En construisant un mouvement politique portant les m\u00eames initiales que lui (EM), il a \u00e9tabli une relation d’incarnation personnelle avec l’ensemble de l’\u00e9lectorat fran\u00e7ais. C’est pourquoi des commentateurs tels que Marcel Gauchet ont pu le d\u00e9crire comme un \u00ab populiste de velours \u00bb <\/span>4<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Dans le m\u00eame temps, Macron n’a cess\u00e9 de mettre en avant ses comp\u00e9tences. \u00c9tudiant, il n\u2019a cess\u00e9 d\u2019\u00eatre le premier de sa classe. Il a transpos\u00e9 cette esp\u00e8ce de r\u00e9ussite dans son projet politique, promettant qu’il ferait, en vertu de sa seule technicit\u00e9, ce que les pr\u00e9sidents pr\u00e9c\u00e9dents n’avaient pas r\u00e9ussi \u00e0 faire. Emmanuel Macron \u00e9tait celui qui apportait la solution aux probl\u00e8mes du peuple.<\/p>\n\n\n\n

Le Mouvement 5 \u00e9toiles en Italie<\/a> offre un exemple de synth\u00e8se tr\u00e8s diff\u00e9rent entre populisme et technocratie. Les racines populistes de ce parti politique sont bien connues. Le M5S a commenc\u00e9 comme un mouvement de protestation explicitement anti-establishment, dont le discours se concentrait sur l’opposition entre \u00ab les gens ordinaires \u00bb (la gente commune<\/em>) et \u00ab la casta<\/em>\u00ab . Moins comment\u00e9e \u2013 mais cruciale pour comprendre les changements en cours aujourd’hui dans le mouvement \u2013 est la conception technocratique de la politique au c\u0153ur de l’identit\u00e9 politique du M5S. D\u00e8s le d\u00e9but, son fondateur et leader charismatique, Beppe Grillo, a insist\u00e9 sur le fait que le M5S n’\u00e9tait \u00ab ni de gauche, ni de droite \u00bb, car son seul but est de \u00ab r\u00e9soudre les probl\u00e8mes \u00bb ind\u00e9pendamment des carcans id\u00e9ologiques. Dans ce contexte, Internet est consid\u00e9r\u00e9 comme un \u00e9l\u00e9ment cl\u00e9<\/a>, car il permet d’exploiter l'\u00a0\u00bbintelligence collective \u00bb des gens ordinaires et de trouver ainsi des solutions plus efficaces aux probl\u00e8mes collectifs que celles propos\u00e9es par les experts officiels. Ainsi, alors que dans le macronisme, la synth\u00e8se entre le populisme et la technocratie s’op\u00e8re \u00e0 travers la repr\u00e9sentation du pr\u00e9sident fran\u00e7ais lui-m\u00eame comme \u00ab celui qui apporte la solution aux probl\u00e8mes du peuple \u00bb, dans le cas du M5S, elle s’op\u00e8re \u00e0 travers l’appel \u00e0 une notion d'\u00a0\u00bbintelligence collective \u00bb qui transforme effectivement tout le monde<\/em> en expert.<\/p>\n\n\n\n

Bien que tous les acteurs ou mouvements politiques contemporains ne soient pas technopopulistes, dans la mesure o\u00f9 le technopopulisme devient la nouvelle logique de la politique d\u00e9mocratique, il est de plus en plus difficile de l’\u00e9viter. M\u00eame les acteurs et les partis politiques \u00e9tablis de longue date \u00e9voluent dans cette direction. Qu\u2019on pense par exemple \u00e0 la trajectoire r\u00e9cente des partis conservateur et travailliste britanniques. Lors du dernier tour des \u00e9lections l\u00e9gislatives britanniques, le slogan des Tories \u00e9tait \u00ab Get Brexit Done ! \u00bb. Il s’agissait de signaler un engagement ferme \u00e0 mettre en \u0153uvre le r\u00e9sultat du r\u00e9f\u00e9rendum populaire de 2016, ainsi qu’une pr\u00e9tention \u00e0 poss\u00e9der les comp\u00e9tences politiques n\u00e9cessaires pour le faire. Le slogan du Labour lors de la m\u00eame \u00e9lection \u00e9tait : \u00ab Get Brexit Right \u00bb, qui ne s’\u00e9cartait que partiellement du message principal des Tories, en mettant davantage l’accent sur la compr\u00e9hension suppos\u00e9e plus grande des travaillistes de ce que serait la bonne solution politique.<\/p>\n\n\n\n

En Allemagne, le leader du SPD et ancien chancelier f\u00e9d\u00e9ral Gerhard Schr\u00f6der \u00e9tait au centre du mouvement Neue Mitte<\/em> en Allemagne \u2013 une tentative de forger une mouvance politique post-id\u00e9ologique du type de celle d\u00e9velopp\u00e9e par les \u00ab nouveaux d\u00e9mocrates \u00bb de Clinton aux \u00c9tats-Unis et le New Labour au Royaume-Uni. Angela Merkel, qui lui a succ\u00e9d\u00e9 en 2005, a pr\u00e9sid\u00e9 de grandes coalitions avec le SPD pendant la majeure partie de son mandat. Son image politique s’est construite autour de revendications de pragmatisme et d’efficacit\u00e9 politique. Dans le m\u00eame temps, elle a construit un type de pouvoir politique \u00e9trangement personnaliste, o\u00f9 elle est pr\u00e9sent\u00e9e comme une \u00ab mutti<\/em> \u00bb (m\u00e8re) bienveillante unissant toute l’Allemagne autour d’un objectif commun (\u00ab Wir schafen das !<\/em>\u00ab ). <\/p>\n\n\n\n

L’illustration contemporaine la plus claire de l’incidence de la logique technopopuliste est offerte par le nouveau gouvernement Draghi en Italie. L’autorit\u00e9 politique de l’ancien directeur de la Banque centrale europ\u00e9enne d\u00e9coule clairement de sa comp\u00e9tence technique<\/a> en tant que \u00ab sauveur \u00bb pr\u00e9sum\u00e9 de la zone euro. Pourtant, son ex\u00e9cutif s’appuie sur une coalition parlementaire qui comprend tous les principaux partis politiques italiens (sauf un), couvrant tout le spectre politique de la gauche \u00e0 la droite, y compris plusieurs partis plus ou moins explicitement populistes \u2013 de Forza Italia de Silvio Belusconi, au Mouvement 5 \u00e9toiles de Luigi Di Maio, jusqu’\u00e0 la Lega de Matteo Salvini. Le gouvernement italien actuel semble donc particuli\u00e8rement mal adapt\u00e9 au cadre traditionnel du clivage gauche\/droite. C’est un gouvernement politique, et non technocratique, dont l’identit\u00e9 est technopopuliste.<\/p>\n\n\n\n

Les origines du technopopulisme<\/h2>\n\n\n\n

De nombreux facteurs sous-tendent l’essor de cette nouvelle logique politique. Une fa\u00e7on de les relier est de les consid\u00e9rer comme contribuant \u00e0 un processus \u00e0 long terme de s\u00e9paration – ou de d\u00e9connexion – entre la politique et la soci\u00e9t\u00e9 ou, plus pr\u00e9cis\u00e9ment, entre les conflits et les divisions politiques, d’une part, et les int\u00e9r\u00eats et les valeurs sociales, d’autre part. \u00c0 titre de comparaison, il convient de rappeler que, pendant la majeure partie du si\u00e8cle dernier, la d\u00e9mocratie politique n’\u00e9tait pas structur\u00e9e autour de pr\u00e9tentions concurrentes \u00e0 repr\u00e9senter \u00ab le peuple \u00bb dans son ensemble et \u00e0 poss\u00e9der l'\u00a0\u00bbexpertise \u00bb n\u00e9cessaire pour traduire sa volont\u00e9 en politique. Les id\u00e9ologies partisanes de la gauche et de la droite \u00e9taient ancr\u00e9es dans des int\u00e9r\u00eats et des valeurs associ\u00e9s \u00e0 des groupes sp\u00e9cifiques de la soci\u00e9t\u00e9. <\/p>\n\n\n\n

Les partis communistes et sociaux-d\u00e9mocrates \u00e9taient par exemple, dans l’ensemble, l’expression des aspirations du mouvement ouvrier organis\u00e9. En revanche, les partis conservateurs et chr\u00e9tiens-d\u00e9mocrates repr\u00e9sentaient largement les int\u00e9r\u00eats et les valeurs de l’Ancien R\u00e9gime, en particulier parmi les \u00e9lites fonci\u00e8res et la paysannerie. C’est l’id\u00e9e de base que Seymour Martin Lipset et Stein Rokkan ont saisie dans leur c\u00e9l\u00e8bre th\u00e8se selon laquelle la politique des partis du milieu du XXe si\u00e8cle \u00e9tait en fait le reflet des \u00ab clivages \u00bb sociologiques sous-jacents <\/span>5<\/sup><\/a><\/span><\/span>. Dans certains pays, notamment les Pays-Bas, cette unit\u00e9 de la soci\u00e9t\u00e9 et de la politique \u00e9tait encore plus frappante. En raison de conflits confessionnels de longue date, la soci\u00e9t\u00e9 n\u00e9erlandaise \u00e9tait organis\u00e9e autour de ce que l’on appelait des \u00ab piliers \u00bb : les piliers catholiques et protestants, auxquels se sont ajout\u00e9s plus tard les piliers socialistes et lib\u00e9raux. Ces piliers ont fa\u00e7onn\u00e9 la vie quotidienne, du club de football que l’on soutenait au journal que l’on lisait. Le syst\u00e8me des partis fonctionnait comme le point d’intersection entre ces piliers, les dirigeants des partis n\u00e9gociant entre eux dans le cadre de syst\u00e8mes \u00e9lectoraux hautement proportionnels, garantissant que les gouvernements n’ignorent pas les int\u00e9r\u00eats de l’un ou l’autre des piliers. Il en allait de m\u00eame pour le c\u00e9l\u00e8bre syst\u00e8me autrichien des proporz<\/em>. \u00c0 la lumi\u00e8re des batailles rang\u00e9es et de la guerre ouverte entre les forces de droite et de gauche dans l’entre-deux-guerres, la politique autrichienne apr\u00e8s 1945 s’est organis\u00e9e autour d’un syst\u00e8me \u00e0 deux partis o\u00f9 le Parti populaire autrichien (OVP) et le Parti social-d\u00e9mocrate (SPO) se sont soigneusement r\u00e9partis le pouvoir et l’influence, en fonction de leurs fortunes \u00e9lectorales respectives.<\/p>\n\n\n\n

Au cours des derni\u00e8res d\u00e9cennies, les r\u00e9alit\u00e9s sociologiques fondamentales qui sous-tendaient le clivage id\u00e9ologique gauche\/droite se sont consid\u00e9rablement \u00e9rod\u00e9es. Cela s’est produit en raison des transformations de la structure \u00e9conomique, qui ont sap\u00e9 la distinction de classe traditionnelle entre prol\u00e9tariat et bourgeoisie. Un processus global de s\u00e9cularisation a r\u00e9duit la pertinence de la distinction entre les citoyens religieux et non religieux. Et un processus g\u00e9n\u00e9ralis\u00e9 de mobilisation cognitive a produit des \u00e9lecteurs beaucoup moins dispos\u00e9s \u00e0 prendre les programmes des partis pour acquis et \u00e0 suivre les instructions sur la fa\u00e7on de voter. Si l’on consid\u00e8re l’apr\u00e8s-1945, on constate des changements radicaux dans les syst\u00e8mes de valeurs<\/a>, des am\u00e9liorations consid\u00e9rables des conditions de vie et un effondrement frappant de certaines formes d’existence collective que nous tenions pour acquises. <\/p>\n\n\n\n

Il est toutefois crucial de noter que ces profondes transformations sociologiques ne se sont pas imm\u00e9diatement traduites par de nouvelles formes de concurrence politique. Comme Lipset et Rokkan l’avaient d\u00e9j\u00e0 not\u00e9 \u00e0 la fin des ann\u00e9es 1960, les syst\u00e8mes de partis sont initialement rest\u00e9s \u00ab gel\u00e9s \u00bb autour de cat\u00e9gories id\u00e9ologiques qui s’\u00e9taient cristallis\u00e9es pour la premi\u00e8re fois plus d’un si\u00e8cle auparavant. En cons\u00e9quence, les conflits et les divisions partisanes sont devenus de plus en plus d\u00e9connect\u00e9s des valeurs et des int\u00e9r\u00eats sociaux sous-jacents. Jusque dans les ann\u00e9es 1980, les syst\u00e8mes de partis ressemblaient \u00e0 peu pr\u00e8s \u00e0 ce qu’ils \u00e9taient presque cent ans plus t\u00f4t ; m\u00eame les noms des partis demeuraient inchang\u00e9s. Et pourtant, les soci\u00e9t\u00e9s occidentales avaient connu la cr\u00e9ation d’\u00c9tats-providence, une avanc\u00e9e massive des droits des femmes, l’\u00e9limination de la discrimination raciale sanctionn\u00e9e par l’\u00c9tat, les r\u00e9volutions culturelles des ann\u00e9es 1960, ainsi que l’\u00e9norme expansion des emplois de cols blancs et l’explosion cons\u00e9cutive des \u00e9conomies du secteur tertiaire. Il en est r\u00e9sult\u00e9 une d\u00e9connexion fondamentale entre la soci\u00e9t\u00e9 et la politique.<\/p>\n\n\n\n

Le technopopulisme est \u00e0 bien des \u00e9gards une cons\u00e9quence directe de cette s\u00e9paration croissante entre la politique et la soci\u00e9t\u00e9. En effet, d\u00e8s lors que les candidats aux \u00e9lections cessent d’\u00eatre responsables devant des classes ou des groupes sp\u00e9cifiques de la soci\u00e9t\u00e9, ils sont incit\u00e9s \u00e0 faire appel aux int\u00e9r\u00eats et aux valeurs de la soci\u00e9t\u00e9 dans son ensemble, qu’ils traitent comme une masse indiff\u00e9renci\u00e9e d’\u00e9lecteurs individuels. La conception populiste du \u00ab peuple \u00bb et l’hypoth\u00e8se technocratique selon laquelle il existe des solutions politiques objectivement \u00ab justes \u00bb sont des exemples de ces conceptions non m\u00e9diatis\u00e9es du bien commun. Ainsi, la mont\u00e9e du populisme et de la technocratie en tant que nouveaux p\u00f4les structurants de la politique d\u00e9mocratique contemporaine peut \u00eatre consid\u00e9r\u00e9e comme d\u00e9coulant de ce que Peter Mair a appel\u00e9 le \u00ab vide \u00bb entre une soci\u00e9t\u00e9 atomis\u00e9e et politiquement impuissante, d’une part, et une classe politique autor\u00e9f\u00e9rentielle cherchant une validation \u00e9lectorale en faisant appel \u00e0 des g\u00e9n\u00e9ralit\u00e9s abstraites telles que \u00ab le peuple \u00bb ou les \u00ab bonnes \u00bb solutions politiques, d’autre part <\/span>6<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

La conception populiste du \u00ab peuple \u00bb et l’hypoth\u00e8se technocratique selon laquelle il existe des solutions politiques objectivement \u00ab justes \u00bb sont des exemples de ces conceptions non m\u00e9diatis\u00e9es du bien commun.<\/p>Chris Bickerton et Carlo Invernizzi Accetti<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Dans certains cas, le caract\u00e8re vide et creux de la politique id\u00e9ologique du XXe si\u00e8cle s’est r\u00e9v\u00e9l\u00e9 de mani\u00e8re spectaculaire et abrupte. En Italie, la fin de la guerre froide a co\u00efncid\u00e9 avec des scandales de corruption politique aux proportions sensationnelles. La carapace chancelante de la politique de gauche et de droite en Italie a \u00e9t\u00e9 balay\u00e9e par ces \u00e9v\u00e9nements et, en l’espace de quelques ann\u00e9es, les partis de masse de droite et de gauche \u2013 les d\u00e9mocrates-chr\u00e9tiens, les socialistes et les communistes \u2013 ont disparu. Un gouvernement technocratique a \u00e9t\u00e9 mis en place pour combler le vide en 1993. S\u2019en est suivie une longue p\u00e9riode o\u00f9 l’Italie a oscill\u00e9 entre le populisme de Berlusconi et les gouvernements technocratiques du centre-gauche, dont la principale pr\u00e9occupation \u00e9tait de maintenir l’Italie sur la voie de l’adh\u00e9sion \u00e0 la monnaie unique europ\u00e9enne. Dans les ann\u00e9es 2000, la logique technopopuliste s’est impos\u00e9e dans la politique italienne.<\/p>\n\n\n\n

Dans d’autres cas, la mont\u00e9e du technopopulisme a \u00e9t\u00e9 moins marqu\u00e9e. En Belgique, les changements d\u00e9crits ci-dessus sont \u00e9vidents en Flandre, ce qui contribue \u00e0 expliquer la puissante emprise des partis populistes d’extr\u00eame droite dans cette r\u00e9gion. Cependant, en Wallonie, le pouvoir structurant des clivages socio-\u00e9conomiques perdure encore aujourd’hui. Comme l’a montr\u00e9 la politologue Leonie de Jonge, le Parti socialiste (PS) wallon op\u00e8re au sein d’une structure sociale pilaris\u00e9e qui s’\u00e9tend dans les localit\u00e9s de la r\u00e9gion ainsi qu’au sein des organisations m\u00e9diatiques et d’une grande partie du secteur public <\/span>7<\/sup><\/a><\/span><\/span>. M\u00eame ce contre-exemple confirme n\u00e9anmoins que la d\u00e9-pilarisation<\/em> et l’effondrement des int\u00e9r\u00eats organis\u00e9s sont les principaux incubateurs de la nouvelle logique politique technopopuliste.<\/p>\n\n\n\n

Cons\u00e9quences du technopopulisme<\/h2>\n\n\n\n

En plus d’\u00eatre le r\u00e9sultat de nombreuses transformations sociales profondes, la mont\u00e9e du technopopulisme est \u00e9galement lourde de cons\u00e9quences. L’une d’entre elles est la conflictualit\u00e9 croissante entre les candidats concurrents aux \u00e9lections. Ce ph\u00e9nom\u00e8ne a \u00e9t\u00e9 largement comment\u00e9 en r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 l’id\u00e9e que les politiciens contemporains se traitent davantage comme des \u00ab ennemis \u00bb que comme des \u00ab adversaires \u00bb, ce qui conduit \u00e0 une toxicit\u00e9 croissante du langage politique qui rend plus difficile la coop\u00e9ration entre ceux qui ont des opinions diff\u00e9rentes. Nous le voyons \u00e9galement dans le langage des \u00ab tribus \u00bb et du tribalisme, qui est devenu un lieu commun de la science politique contemporaine. En 2018, le think tank britannique Policy Exchange<\/em> publiait ainsi un rapport intitul\u00e9 \u00ab L’\u00e2ge de l’incivilit\u00e9 \u00bb, d\u00e9plorant ce qu’il d\u00e9crivait comme l\u2019\u00a0\u00bbla d\u00e9t\u00e9rioration de la vie politique britannique \u00bb et s’interrogeant sur les raisons de ce ph\u00e9nom\u00e8ne <\/span>8<\/sup><\/a><\/span><\/span>.<\/p>\n\n\n\n

Le technopopulisme peut contribuer \u00e0 l\u2019expliquer, puisqu’il tend \u00e0 substituer \u00e0 l’axe horizontal de la comp\u00e9tition politique entre les p\u00f4les id\u00e9ologiques de gauche et de droite \u2013 qui sont en principe \u00e9galement l\u00e9gitimes l’un par rapport \u00e0 l’autre \u2013 une opposition verticale entre des conceptions rivales du tout social et de ses parties constitutives, par d\u00e9finition hi\u00e9rarchis\u00e9es. En effet, d\u00e8s lors que l’on pr\u00e9tend parler au nom du \u00ab peuple \u00bb dans son ensemble, ou d\u00e9tenir une sorte de \u00ab v\u00e9rit\u00e9 \u00bb politique, quiconque n’est pas d’accord avec vous ne peut appara\u00eetre que comme l’expression d’un \u00ab int\u00e9r\u00eat particulier \u00bb ou comme ayant tout simplement tort. Ainsi, le populisme et la technocratie impliquent tous deux un d\u00e9ni implicite de la l\u00e9gitimit\u00e9 de l’opposition politique, qui se manifeste dans la mani\u00e8re dont la plupart des politiciens contemporains se traitent mutuellement. <\/p>\n\n\n\n

Le populisme et la technocratie impliquent tous deux un d\u00e9ni implicite de la l\u00e9gitimit\u00e9 de l’opposition politique, qui se manifeste dans la mani\u00e8re dont la plupart des politiciens contemporains se traitent mutuellement. <\/p>Chris Bickerton et Carlo Invernizzi Accetti<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Un autre trait saillant de la d\u00e9mocratie contemporaine est sa d\u00e9substantialisation. M\u00eame s’ils s’attaquent r\u00e9guli\u00e8rement les uns aux autres sur le plan personnel, et parfois m\u00eame de mani\u00e8re virulente, les candidats aux plus hautes fonctions ne sont en fait pas en d\u00e9saccord sur grand-chose lorsqu’il s’agit de la substance de la politique publique. Par exemple, personne ne semble remettre en question les coordonn\u00e9es de base du capitalisme ou de la d\u00e9mocratie, comme ce fut notamment le cas pendant la majeure partie du XXe si\u00e8cle. Au lieu de cela, le centre de gravit\u00e9 de la comp\u00e9tition politique se serait d\u00e9plac\u00e9 vers des questions dites \u00ab culturelles \u00bb ou \u00ab symboliques \u00bb. Pourtant, m\u00eame dans ce domaine, la plupart des \u00e9tudes empiriques d\u00e9tectent une \u00ab convergence \u00bb croissante des valeurs entre les factions politiques rivales <\/span>9<\/sup><\/a><\/span><\/span>. <\/p>\n\n\n\n

Cela peut sembler paradoxal, compte tenu des niveaux de toxicit\u00e9 politique auxquels nous nous sommes habitu\u00e9s, mais on peut aussi y voir une cons\u00e9quence de la mont\u00e9e du technopopulisme comme nouvelle logique structurante de la d\u00e9mocratie contemporaine. Lorsque tous les candidats \u00e0 un poste \u00e9lectoral pr\u00e9tendent d\u00e9fendre les int\u00e9r\u00eats et les valeurs de la soci\u00e9t\u00e9 dans son ensemble, ils ne peuvent pas vraiment se permettre de contrarier les opinions ou les int\u00e9r\u00eats d’un groupe sp\u00e9cifique au sein de celle-ci. Ils sont donc incit\u00e9s \u00e0 diluer leurs programmes politiques, en les faisant appara\u00eetre comme aussi consensuels et attrayants que possible, afin de masquer tout conflit de fond qu’ils pourraient susciter.<\/p>\n\n\n\n

Une autre cons\u00e9quence de la mont\u00e9e du technopopulisme comme nouvelle logique structurante est le m\u00e9contentement croissant de la plupart des secteurs de l’\u00e9lectorat quant \u00e0 la qualit\u00e9 de la repr\u00e9sentation politique qui leur est offerte. Il s’agit l\u00e0 aussi d’un ph\u00e9nom\u00e8ne qui a \u00e9t\u00e9 largement observ\u00e9 et comment\u00e9. Au moment m\u00eame o\u00f9 les politiciens pr\u00e9tendent offrir une repr\u00e9sentation plus directe et non m\u00e9diatis\u00e9e de la v\u00e9ritable volont\u00e9 du peuple, et disposer de l’expertise n\u00e9cessaire pour la traduire en politique, les \u00e9lecteurs sont de plus en plus m\u00e9contents d’eux.<\/p>\n\n\n\n

Il se trouve que la disponibilit\u00e9 d’une sorte de m\u00e9canisme de m\u00e9diation entre les int\u00e9r\u00eats et valeurs disparates pr\u00e9sents dans la soci\u00e9t\u00e9 et les r\u00e9sultats politiques concrets s’av\u00e8re \u00eatre une condition essentielle pour un sentiment de repr\u00e9sentation d\u00e9mocratique efficace. Sans un tel niveau interm\u00e9diaire d’organisation politique partisane, les individus atomis\u00e9s sont tout simplement trop faibles et statistiquement insignifiants pour avoir le sentiment que leurs opinions et leurs int\u00e9r\u00eats comptent dans la prise de d\u00e9cisions collectivement contraignantes. L’\u00e8re de d\u00e9sinterm\u00e9diation qui nous am\u00e8ne \u00e0 la logique politique technopopuliste est donc aussi une \u00e8re de d\u00e9senchantement croissant \u00e0 l’\u00e9gard de la d\u00e9mocratie.<\/p>\n\n\n\n

Si le technopopulisme d\u00e9coule d’une s\u00e9paration \u2013 ou d’une d\u00e9connexion \u2013 croissante entre la politique et la soci\u00e9t\u00e9 (elle-m\u00eame enracin\u00e9e dans une crise des m\u00e9canismes traditionnels de m\u00e9diation entre les deux), il exacerbe en m\u00eame temps cette m\u00eame s\u00e9paration. Comme un serpent qui se mord la queue, il est \u00e0 la fois une manifestation et une cause suppl\u00e9mentaire de la crise actuelle de la repr\u00e9sentation politique.<\/p>\n\n\n\n

Si le technopopulisme d\u00e9coule d’une s\u00e9paration \u2013 ou d’une d\u00e9connexion \u2013 croissante entre la politique et la soci\u00e9t\u00e9 (elle-m\u00eame enracin\u00e9e dans une crise des m\u00e9canismes traditionnels de m\u00e9diation entre les deux), il exacerbe en m\u00eame temps cette m\u00eame s\u00e9paration. <\/p>Chris Bickerton et Carlo Invernizzi Accetti<\/cite><\/blockquote><\/figure>\n\n\n\n

Solutions<\/h2>\n\n\n\n

Si l’analyse que nous avons fournie est exacte, il s’ensuit que le populisme et la technocratie ne peuvent fonctionner comme des rem\u00e8des efficaces l’un pour l’autre. C’est pourtant ce que nous entendons le plus souvent de la part des populistes et des technocrates eux-m\u00eames. Les premiers affirment que faire appel plus directement \u00e0 la \u00ab volont\u00e9 populaire \u00bb peut aider \u00e0 rem\u00e9dier \u00e0 la confiscation du pouvoir par les \u00e9lites technocratiques ; les seconds, qu’un appel \u00e0 la comp\u00e9tence et \u00e0 l’expertise est n\u00e9cessaire pour contrebalancer l’irresponsabilit\u00e9 des populistes. Les commentateurs ont tendance \u00e0 \u00eatre d’accord, recommandant g\u00e9n\u00e9ralement un peu plus de technocratie ici, ou un peu moins ; un peu plus de populisme l\u00e0, ou un peu moins. Mais cela ne fait que renforcer la logique politique technopopuliste, puisque cela implique que la repr\u00e9sentation politique efficace n\u00e9cessite de trouver une sorte d'\u00a0\u00bb\u00e9quilibre \u00bb ou de \u00ab synth\u00e8se \u00bb entre les deux.<\/p>\n\n\n\n

Au contraire, consid\u00e9rer le populisme et la technocratie comme des composantes compl\u00e9mentaires d’une logique politique commune implique qu’ils ne peuvent \u00eatre contrast\u00e9s qu’ensemble, en s’attaquant \u00e0 la crise sous-jacente de la m\u00e9diation politique dont ils \u00e9mergent tous deux et \u00e0 laquelle ils participent tous deux. Ce qui est vraiment n\u00e9cessaire pour restaurer un sens de la repr\u00e9sentation d\u00e9mocratique effective est donc exactement le contraire de plus d’appels directs \u00e0 la \u00ab volont\u00e9 populaire \u00bb et de plus d’expertise en politique. Les formes interm\u00e9diaires d’organisation politique, et le syst\u00e8me de partis fond\u00e9 sur l\u2019id\u00e9ologie qui les accompagne, sont le v\u00e9ritable rem\u00e8de contre le technopopulisme.<\/p>\n\n\n\n

Certes, il serait anachronique d’esp\u00e9rer une revitalisation des partis politiques et des luttes id\u00e9ologiques du si\u00e8cle dernier – d’autant plus que nous avons soutenu plus haut que le technopopulisme d\u00e9coule pr\u00e9cis\u00e9ment de leur incapacit\u00e9 intrins\u00e8que \u00e0 se renouveler et \u00e0 donner une expression politique ad\u00e9quate aux conflits sociaux contemporains. Pourtant, l’id\u00e9e qu’il existe une \u00ab volont\u00e9 populaire \u00bb globale et int\u00e9rieurement monolithique, ou que certains auraient acc\u00e8s \u00e0 une sorte de \u00ab v\u00e9rit\u00e9 \u00bb politique objective, transcendant tous les conflits et divisions au sein de la soci\u00e9t\u00e9, est tout aussi fictive. <\/p>\n\n\n\n

Le d\u00e9fi pos\u00e9 par la mont\u00e9e du technopopulisme consiste donc \u00e0 concevoir et \u00e0 promouvoir de nouvelles formes d’interm\u00e9diation politique \u2013 c’est-\u00e0-dire de nouvelles formes de partis et de lutte id\u00e9ologique \u2013 autour des conflits de valeurs concrets qui existent dans la soci\u00e9t\u00e9 actuelle.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":"

Le technopopulisme est issu d’une d\u00e9connexion entre la politique et la soci\u00e9t\u00e9  : loin de r\u00e9sorber cette s\u00e9paration, les technopopulistes l’exacerbent, \u00e9rodant toujours plus les assises de la repr\u00e9sentation d\u00e9mocratique. 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