Munich. Au cours de la Conférence de Munich sur la Sécurité, le secrétaire d’Etat  américain Mike Pompeo a exposé la désormais classique posture américaine en matière de défense, en insistant sur l’impératif d’un « burden-sharing  » plus équilibré entre partenaires de l’OTAN. L’organisation atlantique est, depuis le début de la présidence Trump, confrontée à une crise existentielle entre les velléités isolationnistes du leader américain et des partenaires européens qui rechignent à amplifier leurs efforts budgétaires de défense tout en évitant de développer des alternatives au parapluie américain, malgré les initiatives françaises dans le domaine1. C’est notamment le cas des pays d’Europe centrale et orientale, très attachés à la protection otanienne. 

Les dissensions entre membres de l’OTAN se sont récemment exposées au sujet de l’approvisionnement énergétique. Bien que les États membres soient inégalement dépendants du fournisseur russe, les États-Unis souhaitent que ceux-ci diversifient leurs approvisionnements en amplifiant les commandes en hydrocarbures, notamment en Gaz Naturel Liquéfié (GNL), en provenance d’outre-Atlantique. A cet effet, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a annoncé à Munich que les États-Unis fourniraient une aide de 1 milliard de dollars2 aux pays d’Europe centrale et orientale membres de l’Initiative des Trois Mers3, une plateforme de coopération économique régionale, afin d’accompagner la diversification de leur mix énergétique.

Le choix des pays d’Europe centrale et orientale n’est pas anodin pour les États-Unis. Ces pays sont particulièrement dépendants du gaz et pétrole russes, en raison de leur proximité géographique et des infrastructures construites du temps du bloc de l’Est. Les pays baltes s’approvisionnent en grande partie auprès de la Russie, alors que la Hongrie, la Slovénie ou encore la République tchèque en dépendent pour plus des deux tiers de leur consommation. Éloigner ces pays du giron énergétique russe reviendrait à affaiblir significativement l’influence de Moscou dans la région. L’édification de l’Initiative des Trois Mers, portée par les États-Unis, doit mettre en œuvre cette stratégie, en développant les échanges énergétiques du Nord au Sud de l’Europe des pays situés entre la mer Adriatique, la mer Baltique et la mer Noire. Dans cette perspective, la Pologne est amenée à devenir un hub des importations d’hydrocarbures en provenance des Etats-Unis, qui seront ensuite acheminés vers les autres pays membres de l’organisation. Cette initiative répond aux inquiétudes anciennes des pays d’Europe de l’Est et notamment de Varsovie qui prône depuis plusieurs années une réduction drastique de la dépendance russe. Dès 2006, les Polonais proposaient même un « OTAN de l’énergie » sur le modèle analogue à l’alliance de défense.4

Part du gaz d'origine russe dans la consommation domestique des pays de l'Union en 2013

En outre, certains Etats de l’initiative des Trois Mers s’opposent au projet Nord Stream 2. Traversant la mer Baltique, ce futur gazoduc doit doubler les capacités de transit d’hydrocarbures (55 milliards de m3 actuellement) en provenance de Russie et à destination de l’Allemagne, ces derniers défendant ardemment ce projet. Ainsi, en lançant une offensive sur son flanc Est via l’Initiative des Trois Mers, les États-Unis comptent marginaliser la position allemande à laquelle ils sont fortement opposés. Les Américains ont par ailleurs voté des sanctions contre les entreprises européennes participant à la construction de Nord Stream 25,  retardant ainsi sa mise en exploitation alors que celui-ci est déjà construit à plus de 80 %. De même, en promouvant l’OTAN comme organe de discussion sur les questions de sécurité énergétique, les États-Unis veulent concurrencer frontalement l’Union européenne en tant qu’organisation de référence. Le Green New Deal, promu par la nouvelle commission Von der Leyen, devra veiller à ménager les intérêts de chacun, tant les divergences sont profondes, sur la sécurité énergétique mais également concernant la place du nucléaire et des énergies renouvelables dans la transition énergétique appelée à monter en puissance dans la décennie qui s’ouvre.

Perspectives  :

  • La finalisation de Nord Stream 2, à suivre dans un contexte de sanctions américaines.
  • Le développement des infrastructures gazières en Pologne, afin de réceptionner les méthaniers nord-américains et faire transiter le GNL à travers le continent.
  • Les précisions sur la mise en oeuvre du Green New Deal et de la stratégie de l’UE dans le développement des projets gaziers