Un quart de siècle après la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), dont ils ont été les principaux artisans, les États-Unis pourraient bien signer son arrêt de mort. En bloquant les nominations de membres de l’Organe d’appel (OA), ils condamnent cette institution à perdre ce qui faisait sa force par rapport au modèle établi au lendemain de la Seconde guerre mondiale sous l’empire du GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) : une fonction juridictionnelle.

En 1994, avec l’Accord de Marrakech, le texte instituant l’OMC s’accompagne d’une dizaine d’annexes spécifiques, dont un Mémorandum d’accord sur le règlement des différends. À l’époque, il s’agit de prévoir le cas, que l’on estime alors relativement rare, où des États membres ne parviendraient pas à résoudre par la négociation un litige sur l’application des règles de l’OMC. En effet, ce n’est qu’en cas d’échec du processus de consultations entre plaignants et défenseurs qu’un groupe spécial peut être constitué par l’Organe de règlement des différends (ORD) pour examiner une plainte. À l’issue de cet examen, le rapport écrit produit par le groupe spécial peut faire l’objet d’un appel à la demande d’une ou plusieurs parties. C’est alors seulement qu’entre en jeu l’OA, composé de sept juges nommés pour un mandat de quatre ans, renouvelable une fois. L’OMC étant fondée sur le consensus, tout pays membre dispose d’un droit de veto sur ces nominations clés. C’est ce droit qu’exercent les États-Unis, si bien que depuis octobre 2018, le quorum de trois membres est tout juste atteint. Si le blocage persiste, deux d’entre eux devront quitter leur fonction le 10 décembre 2019, rendant l’OA inopérant.

L’OMC étant fondée sur le consensus, tout pays membre dispose d’un droit de veto sur les nominations clés de l’organe d’appel. C’est ce droit qu’exercent les États-Unis, si bien que depuis octobre 2018, le quorum de trois membres est tout juste atteint. Si le blocage persiste, deux d’entre eux devront quitter leur fonction le 10 décembre 2019, rendant l’organe d’appel inopérant.

Diane Cosson

Or loin d’être l’instance de dernier recours exceptionnel initialement imaginée, l’OA fait aujourd’hui figure de pierre angulaire du système de résolution des différends commerciaux internationaux : ainsi, deux-tiers des rapports du panel en moyenne ont fait l’objet d’un appel entre 1995 et 2014, avec une tendance à l’augmentation ces dernières années1. Il a résulté de ces nombreux recours un important et cohérent travail de production jurisprudentielle.

Au-delà de la perte de légitimité qu’entraînerait l’impossibilité de faire appel et le retour à un système de juridiction d’un seul degré, la paralysie de l’OA rendrait sans doute inapplicables les décisions du groupe spécial pour les cas en cours. En effet, les parties qui remportent un cas au stade du groupe spécial ne peuvent exiger l’exécution tant qu’un appel est pendant. Dès lors, tout pays qui perd une affaire en première instance pourrait prévenir une issue négative à son endroit (une exigence de mise en conformité avec les règles de l’OMC ou une autorisation donnée à la partie lésée de suspendre certaines concessions commerciales) en faisant simplement appel de la décision, sachant que l’OA ne dispose pas du quorum requis pour entendre cet appel. Dans ces conditions, il semble impossible d’imaginer que les pays membres acceptent des délais d’attente virtuellement infinis avant d’obtenir un résultat conforme à la décision des premiers juges, légitimes à leurs yeux. Au lieu de cela, ils pourraient choisir de s’engager dans des représailles unilatérales, sous la forme d’augmentations de tarifs douaniers par exemple, pour pallier l’absence de mise en conformité de leurs partenaires (ou adversaires) commerciaux avec les règles de l’OMC.

Les États pourraient choisir de s’engager dans des représailles unilatérales, sous la forme d’augmentations de tarifs douaniers par exemple, pour pallier l’absence de mise en conformité de leurs partenaires (ou adversaires) commerciaux avec les règles de l’OMC.

Diane Cosson

Vieux désaccords et nouveaux protectionnismes : les racines de la remise en cause de l’OMC

Il n’est donc pas déraisonnable de penser que la crise de l’OA risque d’entériner un retour à la « loi de la jungle »2 que les pratiques unilatérales américaines de l’ère Trump ont déjà amorcé. Pour autant, il faut bien distinguer cette entreprise de blocage des nominations3 à l’OA des derniers développements protectionnistes de la politique commerciale américaine, tels que l’imposition de tarifs sur l’acier et l’aluminium. Ces deux tendances sont certes liées à un même ressentiment à l’égard du système multilatéral d’échanges dans sa forme actuelle, mais elles procèdent de stratégies différentes, et ne sont pas exactement concomitantes. En effet, si Robert Lighthizer, l’actuel représentant au commerce américain (USTR), s’est montré clair sur les intentions de l’administration Trump de poursuivre le blocage des nominations, celui-ci a débuté sous Barack Obama, moins connu pour son protectionnisme ou son hostilité à l’égard des organisations internationales.

Ainsi, en 2011, puis en 2014 et en 2016, l’administration démocrate s’opposait déjà à la reconduction de certains membres de l’OA. À l’époque, ces premières occurrences de blocage des nominations étaient surtout interprétées comme un moyen pour les États-Unis d’exprimer leur désaccord avec plusieurs décisions de l’OA qui menaçaient leurs intérêts4, en condamnant notamment certaines de leurs pratiques de défense commerciale.

Il faut bien noter que le système de l’OMC permet lui-même d’adopter des mesures à coloration protectionniste. Les instruments de défense commerciale (IDC) sont de trois types, antisubvention5, antidumping6 et sauvegardes7, chacun régulé par un accord spécifique au sein de l’OMC. Ils ont été conçus comme des soupapes de sécurité contre les possibles dérives de la libéralisation des échanges, en permettant aux pays membres de protéger leurs marchés contre d’éventuelles pratiques déloyales d’autres membres (dans le cas des mesures antisubventions et antidumping) ou de se laisser le temps de s’adapter à une augmentation importante des importations (dans le cas des mesures de sauvegardes). En cette qualité de soupape de sécurité, les IDC ont été imaginés pour pouvoir être facilement et rapidement utilisés, sans avoir recours au système de règlement des différends de l’OMC, procédure longue et incertaine, vue comme inadéquate pour répondre à certaines situations d’urgences qui commanderaient de protéger aussi tôt que possible une industrie nationale. Les IDC constituent donc une exception à une interdiction que le système même de l’OMC a été originellement construit pour instaurer : celle des mesures unilatérales, c’est-à-dire de toute action de repli commercial prise par un pays membre sans consultation (et approbation) de ses pairs.

Les instruments de défense commerciale, conçus à l’origine comme une exception, tendent aujourd’hui à devenir la norme.

Diane Cosson

Mais d’exception, les IDC tendent aujourd’hui à devenir la norme. Depuis une vingtaine d’années, et notamment depuis l’adhésion de la Chine à l’OMC en 2001, leur utilisation a connu une augmentation considérable mais inégalement distribuée entre les pays. À titre d’exemple, 4 % des biens chinois aujourd’hui importés dans l’Union européenne font l’objet de droits antidumping, contre 8 % aux États-Unis8. De plus, une analyse de l’utilisation des IDC au niveau mondial révèle une grande diversité qualitative aussi bien que quantitative. Si les accords de l’OMC posent un certain nombre de conditions à leur mise en œuvre, ils laissent les pays membres largement libres de définir la manière dont ils calculent les marges de dumping ou de subventions et déterminent l’étendue du préjudice causé par les pratiques déloyales de leurs partenaires. C’est au niveau du système de règlement des différends de l’OMC que se joue alors la définition du permis et du prohibé en matière de défense commerciale, et cela n’a pas toujours été en la faveur des États-Unis.

Le cas du « zeroing  », dont la controverse remonte à l’ère du GATT, est emblématique à cet égard. Il s’agit d’une méthode de calcul consistant à exclure toute marge négative obtenue lorsque les prix à l’export excèdent les valeurs normales (les prix pratiqués sur le marché du pays exportateur) pour n’inclure que les marges positives résultant de prix à l’export plus bas que la normale9. Cette pratique permet donc de gonfler (et parfois de créer) les marges de dumping observées sur un type de produit afin de lui appliquer des droits antidumping plus importants. Jugée contraire au principe de « juste comparaison » des prix posé par l’Accord Antidumping, elle est condamnée par l’OA en 2001, alors que c’est l’Union européenne qui l’emploie sur ses importations de coton indien. Si l’Europe cesse ensuite progressivement de l’utiliser, elle est encore mise en œuvre par les États-Unis, épinglés pour cela par l’OA une première fois en 2004, puis à quatre reprises jusqu’en 2009. Et le refus d’obtempérer américain coûte parfois cher : le 1er novembre dernier, un rapport d’arbitrage de l’OMC donnait le feu vert à la Chine pour appliquer 3,6 milliards de dollars de droits de douane sur des biens américains en réponse à l’absence de mise en conformité de Washington avec les conclusions du rapport de l’OA, c’est-à-dire de renoncement au zeroing10.

Cependant, dans un rapport diffusé en 200811, le groupe spécial, première instance de règlement des différends de l’OMC, s’était éloigné des précédents de l’Organe d’appel (chose rare) pour déclarer admissibles certains cas de zeroing américains pratiqués contre le Mexique. Mais lorsque ce dernier fait appel, la même année, l’OA persiste et signe : le zeroing est contraire aux prescriptions de l’Accord Antidumping. Par la suite, dans six autres cas, dont le dernier en date oppose Washington à Pékin en octobre 2016, le groupe spécial se range à l’opinion de l’OA et condamne la pratique américaine. Cette différence momentanée d’interprétation accentue la frustration des États-Unis, qui refusent de la considérer comme un simple accident de parcours et y voient au contraire la preuve de l’ambiguïté des normes antidumping, qui pourraient selon eux tout aussi bien être interprétées de manière plus déférente12. En avril 2019, une nouvelle occurrence de ce désaccord entre le groupe spécial et l’OA semble leur donner raison. Dans un différend long de plus de trois décennies qui l’oppose au Canada, le groupe spécial concède partiellement à ce dernier mais approuve aussi le zeroing employé par les États-Unis lorsqu’il s’applique à des cas suspectés de « dumping ciblé »13. Le Canada ayant fait appel de la décision, il reste à déterminer si l’OA renversera une nouvelle fois les conclusions de première instance… s’il est toujours fonctionnel à ce moment.

Pour bon nombre de défenseurs du zeroing aux États-Unis, un renversement ne serait qu’une manifestation supplémentaire d’un biais anti-défense commerciale de l’organe d’appel, biais que les groupes spéciaux successifs n’ont pu que suivre.

Diane Cosson

Attaquer pour mieux se défendre ? Les raisons structurelles de la frustration américaine

Quoi qu’il en soit, pour bon nombre de défenseurs du zeroing aux États-Unis, un renversement ne serait qu’une manifestation supplémentaire d’un biais anti-défense commerciale de l’OA, biais que les groupes spéciaux successifs n’ont pu que suivre. Ainsi, l’USTR Lighthizer, l’un des défenseurs du zeroing, déclare à l’occasion de la victoire d’avril que les règles de l’OMC n’interdisaient pas le zeroing et que les États-Unis n’auraient jamais consenti à de telles règles : « les rapports de l’Organe d’appel affirmant le contraire sont faux, et reflètent l’overreaching de cette instance »14.

L’overreaching, qu’on peine à traduire autrement que par les termes d’activisme judiciaire, est en effet la principale accusation portée à l’Organe d’appel par les États-Unis. De différend en différend, il aurait créé des obligations nouvelles pour les pays membres en abusant de son pouvoir d’interprétation des accords de l’OMC15. Les conclusions de l’OA en seraient venues à empiéter sur les cadres juridiques nationaux, jusqu’à provoquer un déni de souveraineté. Washington reproche aussi à l’instance d’appel de l’OMC de multiplier les obiter dicta, avis donnés sur des sujets non soulevés par les parties ou non essentiels à la résolution du différend. Enfin, l’OA aurait tendance selon ses détracteurs à pratiquer un réexamen systématique de l’intégralité des faits, qu’il revient aux pays membres d’établir, et de leur qualification juridique, qui est normalement du ressort du groupe spécial.

L’overreaching, qu’on peine à traduire autrement que par les termes d’activisme judiciaire, est la principale accusation portée à l’organe d’appel par les États-Unis. De différend en différend, il aurait créé des obligations nouvelles pour les pays membres en abusant de son pouvoir d’interprétation des accords de l’OMC.

Diane Cosson

Ces critiques étaient déjà avancées pendant les mandats de Georges W. Bush, mais elles n’avaient jamais été aussi clairement formulées que depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Seulement, elles ne sont ouvertement partagées par aucun autre pays membre de l’OMC. Dès lors, pour certains observateurs, l’hostilité toute particulière de l’administration américaine actuelle à l’égard de l’OA pourrait partiellement s’expliquer par son lien étroit avec ce que l’on pourrait qualifier d’« économie de la défense commerciale ». En effet, l’imposition de droits antidumping a constitué pendant des années une considérable source de revenus pour les cabinets d’avocats américains spécialisés dans cette pratique, et dont l’USTR Lighthizer lui-même est issu. De plus, au niveau industriel, ces droits ont surtout bénéficié à certains secteurs aux lobbies puissants, parmi lesquels celui de l’acier16.

Toutefois, ces intérêts de caste ne peuvent à eux seuls expliquer la prise en otage de l’OMC par les États-Unis. Washington a certes perdu 94 % des différends concernant les IDC pour lesquels il était défendeur17, mais a aussi remporté, de manière générale, 90 % des cas pour lesquels il était plaignant18. La mise en péril d’un système globalement bénéfique au nom d’une minorité d’industries, si puissantes qu’elles soient, ne serait ni publiquement défendable ni intimement souhaitable pour une administration dont le succès dépend de la performance générale de l’économie américaine.

Pour comprendre le mécontentement de Washington, il faut changer d’échelle et considérer la structure des échanges mondiaux actuels.

Diane Cosson

En réalité, pour comprendre le mécontentement de Washington, il faut changer d’échelle et considérer la structure des échanges mondiaux actuels. Si les négociations au sein du GATT puis de l’OMC ont efficacement abaissé les barrières tarifaires, et donc considérablement libéralisé le commerce des biens en créant des chaînes de valeurs au niveau mondial, elles n’ont pas montré le même succès dans l’élimination des barrières non-tarifaires et des obstacles au commerce des services et à l’investissement. Or l’économie américaine présente un désavantage comparatif massif dans le secteur manufacturier, alors qu’elle dégage de très importants excédents dans les services traditionnels (tourisme), et surtout innovants (recherche et développement, brevets…). Miroir quasiment exact des États-Unis, la Chine dégage des excédents importants dans le secteur manufacturier alors qu’elle montre un déficit net dans les services. Au passage, pour mieux comprendre la position délicate de l’Europe dans la guerre commerciale actuelle, il est intéressant de noter que l’Union présente des atouts aussi bien dans le secteur manufacturier que dans celui des services19. Au contraire de la Chine et de l’Europe, la frustration des États-Unis peut se matérialiser plus clairement à l’encontre de règles du commerce mondial dont ils considèrent qu’elles ne lui bénéficient pas autant qu’à d’autres.

Au contraire de la Chine et de l’Europe, la frustration des États-Unis peut se matérialiser plus clairement à l’encontre de règles du commerce mondial dont ils considèrent qu’elles ne lui bénéficient pas autant qu’à d’autres.

Diane Cosson

Si Washington utilise les IDC, dont il faut bien souligner qu’ils ne sont applicables que s’agissant du commerce de biens, c’est donc pour tenter de rééquilibrer cette situation. Cela rend le supposé parti pris de l’OA contre les IDC d’autant plus difficile à accepter pour les autorités américaines. Mais à cela s’ajoute encore le fait que des pays comme la Chine, qui doivent une partie de leur avantage sur certains secteurs à des pratiques commerciales déloyales avérées, semblent faire l’objet d’une relative indulgence.

C’est tout du moins ce que semble indiquer le traitement des subventions industrielles chinoises à l’OMC. À cet égard, un rapport de l’Organe d’appel de 2011, dans le cadre d’un différend États-Unis/Chine20, est encore aujourd’hui l’objet de controverses pour sa définition de ce que constitue un « organisme public » au sens de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires (Accord SCM)21. Cette définition est d’une importance capitale, parce qu’elle permet de déterminer ce qui constitue une subvention, soit « une contribution financière des pouvoirs publics ou de tout autre organisme public »22. Or si les subventions ne sont pas prohibées en tant que telles par les accords de l’OMC, certains types de subventions le sont, et peuvent donner lieu, en réponse, à l’utilisation d’un IDC compensatoire par l’État importateur23. À travers la définition de l’« organisme public » se joue donc un jeu très coûteux : celui, pour les pays exportateurs, de faire tomber les mesures compensatoires qui frappent leurs produits et celui, pour les pays importateurs, de justifier ces mesures pour continuer d’appliquer aux produits étrangers des droits de douanes plus élevés. Au crédit de ces derniers, il n’est guère difficile d’imaginer que certaines entités, telles que les entreprises d’États, sans jouir de prérogatives de puissance publique, peuvent être contrôlées par un gouvernement et donc servir de vecteur de financement public tout en contournant les dispositions de l’Accord SCM.

À travers la définition de l’« organisme public » se joue un jeu très coûteux : celui, pour les pays exportateurs, de faire tomber les mesures compensatoires qui frappent leurs produits et celui, pour les pays importateurs, de justifier ces mesures pour continuer d’appliquer aux produits étrangers des droits de douanes plus élevés.

Diane Cosson

En 2011, les États-Unis espéraient que les membres de l’OA iraient jusqu’au bout de cette logique et estimeraient que les entités chinoises qui apportaient une contribution financière à l’industrie nationale étaient des organismes publics en ce qu’elles étaient majoritairement contrôlées par l’État chinois. Or, renversant les conclusions du groupe spécial qui donnaient raison à Washington sur ce point précis, l’OA laissa entendre qu’il faudrait retenir une définition plus restrictive des organismes publics, proche de celle avancée par Pékin, qui visait exclusivement les entités « exerçant des fonctions gouvernementales et investies du pouvoir de le faire »24. En effet, l’OA conclut qu’un organisme public au sens de l’Accord SCM « doit être une entité qui possède ou exerce un pouvoir gouvernemental, ou en est investi »25. Si l’utilisation de la conjonction de coordination « ou » en lieu et place du « et » semble suggérer une approche plus englobante que celle adoptée par la Chine, le critère favorisé est similaire ; celui de l’exercice ou de l’attribution d’un « pouvoir gouvernemental ». En conséquence, il serait nécessaire pour tout pays souhaitant faire usage de mesures compensatoires contre des entreprises d’États d’apporter la preuve que ces dernières exercent ou sont investies d’un pouvoir gouvernemental.

Très difficile à surmonter en pratique, ce nouvel obstacle à l’utilisation des IDC a été vécu par les États-Unis comme un exemple supplémentaire de l’activisme judiciaire de l’OA26 et un véritable « cadeau » à la Chine, qui l’incite à poursuivre, derrière l’écran de ses nombreuses entreprises d’États, des politiques de subventions industrielles agressives. Une telle critique était de nature à rallier d’autres mécontents autour de Washington. Dans un papier de juillet 2018 recensant des propositions pour la modernisation de l’OMC, la Commission européenne relève (sans citer directement l’OA) que le terme d’organisme public a été interprété « de manière plutôt étroite, qui permet à un nombre élevé d’entreprises d’État d’échapper à l’application de l’Accord SCM »27.

L’idée d’une nécessaire clarification de la définition de l’organisme public est centrale dans la position européenne comme dans la position américaine.

Diane Cosson

Pouvoir normatif dans une situation anormale : l’équilibre précaire recherché par l’Union européenne

L’idée d’une nécessaire clarification de la définition de l’organisme public est centrale dans la position européenne comme dans la position américaine. Bruxelles et Washington remarquent qu’en rejetant le critère du « contrôle », considéré comme plus objectif par les États-Unis28, l’OA, loin de répondre à sa mission de « clarification » des accords de l’OMC29, jette une incertitude sur ce qui constitue un organisme public en ne proposant guère de définition alternative suffisamment précise. Pour les États-Unis, le critère du « pouvoir gouvernemental » (« governmental authority » dans la version anglaise), manque de clarté, un tel pouvoir pouvant être identifié différemment selon les pays30. Quant à l’Union européenne, elle estime qu’elle devrait elle-même « proposer une clarification de ce que constitue un organisme public, sur la base d’une analyse au cas par cas afin de déterminer si une entreprise possédée ou contrôlée par un État exerce une fonction gouvernementale ou favorise une politique gouvernementale, aussi bien que la manière d’évaluer si un Membre [de l’OMC] exerce un contrôle significatif sur l’entreprise en question » (nous soulignons). Sans rejeter le critère du « pouvoir gouvernemental » adopté par l’OA, l’Union l’envisage néanmoins comme simple partie d’une approche plus casuistique et plurifactorielle de l’« organisme public », qui ferait également appel au critère du « contrôle » étatique sur l’entreprise, plébiscité par les États-Unis en 201131.

Sans rejeter le critère du « pouvoir gouvernemental » adopté par l’OA, l’Union l’envisage néanmoins comme simple partie d’une approche plus casuistique et plurifactorielle de l’« organisme public », qui ferait également appel au critère du « contrôle » étatique sur l’entreprise, plébiscité par les États-Unis en 2011.

Diane Cosson

Les États-Unis et l’Union s’accordent également sur les conséquences possibles de l’incertitude créée par le rapport de 2011. Cette dernière pourrait non seulement décourager de futurs contentieux à l’encontre des entreprises d’États, mais encore inciter la Chine et d’autres à dissimuler l’étendue du contrôle qu’ils exercent sur leurs entreprises et la nature des fonctions que ces dernières assument32.

Ce problème est en réalité symptomatique de la difficulté de l’OMC à s’adapter à un monde nouveau, dans lequel la structure de l’économie chinoise continue d’être très différente de celle des puissances commerciales occidentales qu’elle a pourtant dépassées en termes de création de richesse. En 2001, alors que la Chine accédait à l’OMC, on n’imaginait pas que ce capitalisme d’État serait un jour classé premier PIB au monde. D’un autre côté, le cycle de négociations de Doha dans lequel l’Organisation s’est engagée en 2003 n’a pas livré toutes ses promesses et montre surtout combien il est compliqué, à 164, de convenir de nouvelles règles.

Mais si l’Union partage le constat de l’inadéquation de certaines conclusions de l’OA avec la réalité actuelle du commerce international, elle est bien loin de se montrer aussi virulente que les États-Unis à l’encontre de l’instance d’appel, qu’elle espère au contraire voir survivre au blocage en décembre. De fait, à rebours de la posture américaine, l’Union européenne, dont le rôle dans le monde s’appuie tout d’abord sur le droit international, ne rejette en aucun cas le principe d’une fonction quasi-juridictionnelle capable de contraindre un pays à modifier ses normes et pratiques, y compris au-delà de ce qui pouvait être clairement envisagé par les négociateurs des accords de l’OMC. Au contraire, elle considère comme non négociable, à l’OMC, de conserver le principe d’un consensus négatif, selon lequel les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel sont quasi-automatiquement adoptés, à moins que les 164 membres ne s’accordent pour le rejeter, cas de figure virtuellement inimaginable. En d’autres termes, la fonction juridictionnelle de l’OMC doit pour l’Union demeurer aussi indépendante que possible des desiderata des États et de leurs jeux de pouvoirs.

La fonction juridictionnelle de l’OMC doit pour l’Union demeurer aussi indépendante que possible des desiderata des États et de leurs jeux de pouvoirs.

Diane COsson

Depuis plus d’un an, l’Union a néanmoins tenté de répondre aux critiques américaines de l’OA, dans l’espoir de pouvoir ainsi l’amener à négocier pour débloquer les nominations. En ce sens, elle a pris activement part au processus Walker, du nom de l’Ambassadeur néo-zélandais à l’OMC chargé de coordonner les efforts de résolution du blocage des nominations. Elle a elle-même fait des propositions, dès septembre 2018, afin de réduire les délais du système de règlement des différends (dont la longueur était également cause des critiques de Washington), de renforcer l’indépendance et l’impartialité des membres de l’OA, de s’assurer que ces derniers ne traitent que de questions de droit nécessaires à la résolution du différend porté à leurs connaissance, ou encore de tenir des réunions annuelles permettant de discuter de manière ouverte des préoccupations liées à la jurisprudence de l’instance d’appel. Les États-Unis n’ont officiellement pas répondu à ces propositions, comme à aucune de celles qui ont été faites par d’autres membres de l’OMC, également soucieux de voir bientôt paralysée une institution centrale du système de règlement des différends.

Il semble donc que les États-Unis ne soient pas prêts à négocier, et souhaitent avant tout une implosion du système. C’est ce que montre aussi leur usage de l’exception de sécurité, notamment pour justifier l’augmentation de leurs tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium33. Alors que la légalité de ces tarifs a été soulevée par plusieurs pays (dont la Chine et l’UE) et est actuellement examinée à Genève, la position de Washington est claire : seul un pays souverain peut juger de la nécessité de faire appel à une telle exception pour protéger sa sécurité nationale, et toute conclusion inverse de l’OMC exposerait cette dernière à des « conséquences sérieuses »34.

Il semble que les États-Unis ne soient pas prêts à négocier, et souhaitent avant tout une implosion du système.

Diane Cosson

Alors que les jours de l’OA sont comptés, la menace dans ces propos est à peine voilée. Car finalement, l’action américaine peut paraître cohérente : l’exception de sécurité nationale35, jusqu’alors quasiment jamais utilisée pour justifier des mesures d’entraves au commerce, devient un moyen pour Washington de protéger son marché contre les importations de produits supposément dumpés et subventionnés. Contrairement aux IDC, plus difficiles et plus coûteux à utiliser, elle n’est pas nécessairement limitée dans le temps, ne fait pas l’objet de rééquilibrage des concessions (contrairement aux sauvegardes, qui nécessitent que le surplus de tarif sur un type de produit s’accompagne, par exemple, d’une baisse de tarifs sur un autre type de produit) et permettrait un droit de regard beaucoup plus limité – voire inexistant – du système de règlement des différends, groupes spéciaux comme organe d’appel. Si l’exception de sécurité, dernière soupape de sécurité de l’administration américaine, est rendue plus compliquée à employer (ce que suggèrent déjà les premières conclusions du groupe spécial dans un différend opposant l’Ukraine à la Russie en avril dernier), Washington pourrait bien en faire un prétexte pour porter à l’OMC son ultime coup de grâce…

Bruxelles, tout en continuant de privilégier une solution négociée au niveau multilatéral, a dû se résoudre à prévoir avec quelques like-minded un système d’appel alternatif, qui viendrait remplacer l’OA le temps que ce dernier demeurerait paralysé.

Diane Cosson

Cette éventualité se faisant chaque jour plus certaine, Bruxelles, tout en continuant de privilégier une solution négociée au niveau multilatéral, a dû se résoudre à prévoir avec quelques like-minded un système d’appel alternatif, qui viendrait remplacer l’OA le temps que ce dernier demeurerait paralysé. Prévu par le Mémorandum d’accord sur le règlement des différends36, il s’agirait d’un arrangement arbitral qui répliquerait l’organisation et les règles de fonctionnement de l’OA, en soumettant les différends éventuels à trois juges sélectionnés par le secrétariat général de l’OMC parmi un pool d’anciens membres de l’instance d’appel. Bien sûr, il ne s’agit que d’un « plan B » qui présente l’inconvénient de ne contraindre que les parties signataires de l’accord. Cependant, après la conclusion de tels arrangements avec le Canada, puis la Norvège, l’Union peut espérer un effet d’émulation menant à un accord « plurilatéral » qui présenterait « au moins une certaine masse critique », selon les mots de la commissaire européenne au commerce Cécilia Malmström37. En fait de critique, la solution européenne fait pour l’heure surtout face à celles de Washington, qui menace en représailles d’opposer son véto à l’approbation du budget de l’OMC, plongeant plus encore l’Organisation dans la tourmente.

À si peu de temps de la mise en sommeil de l’OA, l’Union continue pourtant d’espérer que des négociations multilatérales ambitieuses pourront sauver l’OMC. Successeur de Cécilia Malmström, l’Irlandais Phil Hogan a abandonné le 1er décembre son portefeuille de l’agriculture pour celui du commerce. Devant le Parlement européen, il s’est engagé à faire tout son possible pour empêcher que le système de règlement des différends ne s’écroule et à trouver une solution systémique pour réformer l’Organe d’appel, tout en travaillant avec les autres Membres de l’OMC à donner un second souffle à la fonction de négociation de cette organisation38. Cette lourde tâche ne pourra sans doute être menée à bien sans les États-Unis qui, à Genève comme ailleurs, préfèrent pour l’heure poursuivre leur stratégie de « pression maximale ».

Sources

  1. Statistiques de l’OMC : https://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/stats_e.htm
  2. W. A. Reinsch, « Salvaging the World Trade Organization », Center for Strategic and International Studies, 22 Janvier 2019.
  3. M. Brewer, « Senate Finance Committee Asks USTR Lighthizer : What is the Future of the WTO ? », Kelley Drye, 13 mars 2019
  4. S. Charnovitz, « The Obama Administration’s Attack on Appellate Body Independance Shows the Need for Reforms », International Economic Law and Policy Blog, 22 septembre 2016
  5. Seules certaines formes de subventions sont interdites en droit de l’OMC, et peuvent donc donner lieu à des droits de douane plus élevés dans le cadre de mesures compensatoires mise en place par le pays importateur.
  6. Un pays peut appliquer des droits de douane plus élevés sur les produits importés à un prix plus bas que celui auquel ils sont vendus dans le pays originaire.
  7. Un pays peut restreindre de manière temporaire l’accès d’un type de produit à son marché dans le cas d’une augmentation si importante des importations de ce produit qu’elle cause ou menace de causer un dommage sérieux à l’industrie nationale concurrente.
  8. E. Yalcin, intervention à la Commission INTA du Parlement européen, 2 avril 2019
  9. Sungjoon Cho, « The WTO Appellate Body Strikes Down the U.S. Zeroing Methodology Used in Antidumping Investigations », ASIL INSIGHTS (May 4, 2006)
  10. Selon l’article 22.2 du Mémorandum d’accord sur le règlement des différends, si un Membre n’entre pas en conformité avec un accord de l’OMC ou ne respecte pas les recommandations de l’Organe de règlement des différends (ORD) dans un délai imparti, il peut lui être demandé de convenir d’une juste compensation avec le ou les autres Membres parties au différend. Si aucun accord n’est trouvé sur une telle compensation après 20 jours, la ou les parties ayant convoqué la procédure de règlement des différends peut « demander à l’ORD l’autorisation de suspendre, à l’égard du Membre concerné, l’application de concessions ou d’autres obligations au titre des accords visés ». Si ce Membre conteste la décision de l’ORD portant sur le montant de ces concessions, la question est soumise à un arbitrage, constitué des membres du groupe spécial initialement chargés du différend dont l’application du rapport est en cause.
    https://www.bloomberg.com/news/articles/2019-11-01/wto-approves-3-6-billion-in-chinese-trade-sanctions-on-u-s
  11. Panel Report, United States – Final Anti-Dumping Measures on Stainless Steel from Mexico, WTO Doc. WT/DS344/R (adopted May 20, 2008)
  12. Roger P. Alford, Reflections on U.S. – Zeroing : A Study in Judicial Overreaching by the WTO Appellate Body, 45 COLUM. J. TRANSNAT’L L. 196, 199-202 (2006)
  13. Panel Report, United-States – Anti-dumping Measures applying Differential Pricing Methodology to Softwood Lumber from Canada.
  14. https://ustr.gov/about-us/policy-offices/press-office/press-releases/2019/april/united-states-prevails-%E2%80%9Czeroing%E2%80%9D
  15. Tetyana Payosova, Gary Clyde Hufbauer, Jeffrey J. Schott, “The Dispute Settlement Crisis in the World Trade Organisation : Causes and Cures”, PIIE, March 2018
  16. Sébastien Jean, « Make OMC great again ? », Entendez-vous l’éco, 12 avril 2019
  17. Ce calcul est tiré de l’indice des différends de l’OMC. Il ne prend en compte que les jugements prononcés, et n’inclue pas les cas qui concernent des mesurescompensatoires ou de sauvegarde. Les différends sont comptés comme perdus, même si le défenseur n’a que “partiellement” perdu. Voir https://www.wto.org/english/tratop_e/dispu_e/dispu_agreements_index_e.htm
  18. Tetyana Payosova, Gary Clyde Hufbauer, et Jeffrey J. Schott “The Dispute Settlement Crisis in the World Trade Organisation : Causes and Cures”, PIIE, mars 2018
  19. Deniz Ünal, « Spécialisations USA-UE-Chine et perspectives du commerce mondial », CEPII Le Blog, 5 décembre 2018
  20. Appellate Body Report, United States – Definitive Anti-Dumping and Countervailing Duties on Certain Products from China, WTO Doc. WT/DS379/AB/R (adopted March 25, 2011)
  21. Au sein de l’OMC, l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires détermine les types de subventions prohibées, celles pouvant donner lieu à action, et les conditions d’application de droits compensatoires.
  22. Accord sur les subventions et les mesures compensatoires, Article 1.1 a) 1).
  23. En général sous la forme d’un relèvement des droits de douanes qui neutralise l’effet de la subvention.
  24. Appellate Body Report, United States – Definitive Anti-Dumping and Countervailing Duties on Certain Products from China, WTO Doc. WT/DS379/AB/R (adopted March 25, 2011), p. 11.
  25. Appellate Body Report, United States – Definitive Anti-Dumping and Countervailing Duties on Certain Products from China, WTO Doc. WT/DS379/AB/R (adopted March 25, 2011), para. 317.
  26. United States Trade Representative, USTR Statement Regarding WTO Appellate Body Report in Countervailing Duty Dispute with China, March 11, 2011 ; https://ustr.gov/about-us/policy-offices/press-office/press-releases/2011/march/ustr-statement-regarding-wto-appellate-body-report-c
  27. European Commission, Note for the Attention of the Trade Policy Committee, WK 8329/2018, 5 July 2018 https://borderlex.eu/wp-content/uploads/2018/07/2018-07-17-EU-REFORM-PROPOSALS-WTO.pdf
  28. Statement of the United States to the Dispute Settlement Body, United States – Definitive Anti-Dumping and Couternvailing Duties on Certain Products from China, WT/DS379, March 25, 2011, p.3 ; https://ustr.gov/sites/default/files/uploads/Mar25%20Stmt%20US%20AD-CVD%20fin.pdf
  29. Cette fonction de clarification des accords qui incombe au système de règlement des différends est prévue à l’article 3.2 du Mémorandum d’Accord sur les Règles et Procédures Régissant le Règlement des Différends, selon lequel « Le système de règlement des différends de l’OMC est un élément essentiel pour assurer la sécurité et la prévisibilité du système commercial multilatéral. Les Membres reconnaissent qu’il a pour objet de préserver les droits et les obligations résultant pour les Membres des accords visés, et de clarifier les dispositions existantes de ces accords conformément aux règles coutumières d’interprétation du droit international public. Les recommandations et décisions de l’ORD ne peuvent pas accroître ou diminuer les droits et obligations énoncés dans les accords visés ».
  30. Statement of the United States to the Dispute Settlement Body, United States – Definitive Anti-Dumping and Couternvailing Duties on Certain Products from China, WT/DS379, March 25, 2011, p.3 ; https://ustr.gov/sites/default/files/uploads/Mar25%20Stmt%20US%20AD-CVD%20fin.pdf
  31. European Commission, Note for the Attention of the Trade Policy Committee, WK 8329/2018, 5 July 2018 https://borderlex.eu/wp-content/uploads/2018/07/2018-07-17-EU-REFORM-PROPOSALS-WTO.pdf
  32. Statement of the United States to the Dispute Settlement Body, United States – Definitive Anti-Dumping and Couternvailing Duties on Certain Products from China, WT/DS379, March 25, 2011, p.3 ; https://ustr.gov/sites/default/files/uploads/Mar25%20Stmt%20US%20AD-CVD%20fin.pdf ;
    European Commission, Note for the Attention of the Trade Policy Committee, WK 8329/2018, 5 July 2018 https://borderlex.eu/wp-content/uploads/2018/07/2018-07-17-EU-REFORM-PROPOSALS-WTO.pdf
  33. « Cars, steel and national security : the EU-US trade spat », The Sound of Economics, Bruegel podcast, November 14, 2019.
  34. United States – Certain Measures on Steel and Aluminum Products, DS548, First substantive meeting of the parties, closing statement of the United States, November 5, 2019
  35. Présente à l’article XXI du GATT
  36. Article 25 du Mémorandum d’Accord sur le Règlement des Différends
  37. Adam Behsudi, « Trump mulling new trade action against EU », Politico, November 22, 2019
  38. European Parliament, Commitments made at the hearing of Phil Hogan, Commissioner-designate for Trade, Briefing, Policy Department for External Relations, october 2019