Tripoli. L’opération militaire 1 de Khalifa Haftar témoigne tout d’abord du fait que la mobilisation religieuse est un facteur de légitimation politique en Libye. C’est la raison pour laquelle le maréchal a employé des versets coraniques tels que celui de la « conquête éclatante », qui est devenu le nom de son opération militaire. Suite à cette attaque, les forces dans l’Ouest se sont rapidement positionnées en nommant leur mobilisation « opération Ouadi-Doum 2 » 2. Ce nom fait référence à la défaite de 1987 durant laquelle Khalifa Haftar fut pris en otage. Les confrontations militaires actuelles qui se concentrent à Tripoli sont un révélateur de l’impasse politique dans laquelle se trouve la Libye actuellement.

L’attaque de Tripoli a eu lieu quelques jours avant le début de la conférence sous l’égide de l’ONU prévue en Tunisie du 14 au 16 avril, destinée à dessiner un cadre étatique clair pour la période de transition actuelle. Cet accord voulu par l’ONU et son représentant pour la Libye Ghassan Salamé vise à mettre fin à la fragmentation présente dans le pays en tentant de créer un conseil présidentiel temporaire, un gouvernement unique, ainsi qu’une entité militaire unifiée 3. Khalifa Haftar a refusé le 6 avril l’appel d’António Guterres, le secrétaire général de l’ONU lui demandant d’arrêter son opération militaire 4. De plus, avec la poursuite des combats, l’émissaire de l’ONU pour la Libye, Ghassan Salamé, a annoncé le 9 avril que la conférence est reportée à une date inconnue.

Cette nouvelle donne montre que Haftar est en train de modifier l’agenda politique et militaire libyen et dicte le ton d’une nouvelle réalité géopolitique militaire dans laquelle il veut détruire le poids politique de ses rivaux pour s’affirmer comme le seul acteur fort sur le territoire libyen. Pour autant, Haftar n’est pas seul et dispose de plusieurs appuis non négligeables. Il est soutenu par un axe composé de l’Arabie saoudite, des Émirats Arabes Unis ainsi que de l’Égypte dont la volonté affichée est de mettre fin à la présence des islamistes implantés à Tripoli. Non seulement cet axe régional soutient Haftar militairement 5, mais aussi selon certaines considérations confessionnelles. L’Arabie saoudite est un acteur régional d’envergure à travers son influence religieuse et dont l’incarnation en Libye pourrait être le mouvement du salafia Madkhalia. L’implication de ce dernier auprès d’Haftar a été ordonné par son leader Rabi’ Almadkhali demandant de rejoindre les troupes militaires du maréchal depuis l’Arabie saoudite 6. Évidemment, cette politique est contestée par le Qatar et la Turquie, qui soutiennent le gouvernement de Tripoli proche des Frères Musulmans.

Carte GEG la situation politique en Libye

L’Union quant à elle, se caractérise dans ce conflit par son impuissance et son incapacité à influer sur le cours des événements. En effet, alors que les Etats régionaux comme l’Arabie Saoudite ou les Emirats Arabes Unies expriment leurs ambitions en Libye les diplomaties onusiennes et européennes demeurent impuissantes. Avec cette entrée dans un nouveau cycle de violence une éventuelle stabilisation de la situation politico-militaire en Libye redevient peu probable.

Perspectives

  • Suite à la rencontre entre Haftar et Sarraj en Février à Abu Dhabi, l’ONU avait l’objectif de prévoir des élections avant la fin de l’année et d’organiser une Conférence Nationale du 14 au 16 avril 2019. Celle-ci est annulée jusqu’à nouvel ordre.