Nous avons rencontré Pierre Larrouturou, ingénieur agronome et homme politique français spécialisé dans les questions d’économie et de transition écologique. Ancien Conseiller régional d’Île de France et fondateur du parti Nouvelle Donne, Pierre Larrouturou décide en 2017 de créer le collectif « Pacte Finance-Climat » dans le but de trouver des financements à long terme pour la transition énergétique et de lutter contre le réchauffement climatique à l’échelle européenne.

Dans cet entretien, le programme GEG | Énergie et Environnement invite Pierre Larrouturou à analyser les problèmes actuels liés à ces financements, mais aussi à développer ses propositions pour y remédier : la création d’une « Banque Européenne du Climat et de la Biodiversité » et d’un budget européen pour le climat.

L’Europe est née avec le charbon et l’acier, elle pourrait renaître avec un traité climat et emploi.

Pierre Larrouturou

Les partisans du Pacte Finance Climat semblent dresser un constat amer vis-à-vis des mécanismes actuels de financement de la transition énergétique et écologique. Que peut-on porter comme constat ? Où en est-on concrètement dans ce processus de financement ?

Le constat est que l’on va droit dans le mur si on ne change pas de braquet de façon radicale. D’après le dernier rapport du GIEC, si on veut avoir une chance de limiter le réchauffement à 1,5°C ou en tout cas rester en-dessous de 2°C — ce qui est absolument fondamental pour l’avenir de notre petite espèce — il faudrait diviser par deux nos émissions de CO2 d’ici 2030. 2030, c’est demain. C’est dans 11 ans et quelques semaines : il y a donc vraiment le feu au lac. Il n’y a pas besoin d’avoir fait Normale Sup pour comprendre que l’on doit emprunter une trajectoire de moins 4 % de nos émissions chaque année. En France, les chiffres de 2017 indiquent + 3 %. Ce chiffre, et le fait que tout le monde s’en fiche, sont catastrophiques.

L’inaction du monde politique est donc selon vous toujours d’actualité ?

Ce n’est pas pour rien que Nicolas Hulot a démissionné de son poste de Ministre de l’Écologie l’été dernier : un chiffre aussi grave aurait dû provoquer un électrochoc. Malgré les chiffres très mauvais donnés par Eurostat, on continue la routine, on se plaît à dire que Trump est méchant alors que nous, Européens, ne faisons finalement pas grand-chose. Depuis deux siècles, l’Europe est numéro un pour les émissions de gaz à effet de serre [ndlr : l’Union européenne est aujourd’hui le troisième émetteur, derrière la Chine et les États-Unis]. C’est bien beau de critiquer Trump ou Bolsonaro mais, en tant que première puissance économique mondiale, nous avons les moyens d’agir. Au One Planet Summit, il y a plus d’un an, le Président français a commencé par déclarer que nous sommes en train de perdre la bataille et que nous le savons. Si nous le savons, alors que fait-on pour changer de braquet ?

L’argument avancé pour expliquer la lenteur de sa mise en place est la difficulté de financer la transition écologique. Que pensez-vous des modes de financement actuel ?

La question du financement est une question clé. Dans tous nos pays, de nombreuses initiatives apparaissent – de la part des entreprises, des collectivités et des citoyens – ce qui permet de rester optimiste. Mais en même temps nous ne sommes pas du tout à la hauteur car nous ne savons toujours pas comment financer un changement d’échelle. Nicolas Hulot a démissionné, regrettant de n’avoir jamais obtenu ce qu’il demandait : 7 milliards par an pour financer l’isolation des bâtiments et 5 milliards pour un plan hydrogène. Le problème est le même en Espagne et en Allemagne, où des projets sont proposés au Parlement sans savoir comment les financer.

Si les États ne peuvent l’assumer, l’échelle européenne serait-elle pertinente pour mettre en place ce financement ?

La Cour des comptes européenne a publié un rapport très intéressant dans lequel elle considère — au vitriol — que les politiques européennes actuelles ne sont pas du tout à la hauteur. La Cour des comptes, qu’on ne peut pas accuser d’être une « feuille de chou gauchisante », affirme que les scénarios improbables où tout finit bien en 2050 – parce que l’on aurait trouvé les budgets en 2040 et qu’en 2047 il y aurait « l’innovation technologique » – ne suffisent plus. Elle ajoute que dès le prochain budget en 2021, il faudra trouver chaque année 1 100 milliards d’euros de financement.

Cet ordre de grandeur donne une idée de ce qui serait nécessaire pour effectivement gagner la bataille. Il n’a pas été produit par des amateurs qui ne comprendraient pas les contraintes inhérentes à cette problématique. Une autre conclusion intéressante à tirer de ce chiffre colossal est qu’il condamne deux utopies : le rêve d’un financement à 100 % privé et celui d’un financement à 100 % public. Si nous voulons être capables d’aligner 1 100 milliards d’ici deux ans pour l’ensemble de l’Union européenne, nous allons devoir nous creuser la tête et casser un certain nombre de tabous.

Que propose concrètement le Pacte Finance Climat face à cela ?

Nous proposons d’abord, un traité européen pour provoquer un sursaut. Quand Schuman et Adenauer ont dit « On va mettre ensemble le charbon et l’acier » ou quand Kennedy a dit « On va aller sur la lune », tout le monde a eu des frissons dans le dos, quelque chose de nouveau se produisait. Kennedy a donné à la NASA les moyens de le faire en multipliant par quinze son budget. Finalement, 400 000 emplois ont été créés, chacun s’est retrouvé derrière cet ambitieux projet et a pu profiter des retombées technologiques.

C’est bien beau de critiquer Trump ou Bolsonaro mais, en tant que première puissance économique mondiale, nous avons les moyens d’agir.

Pierre Larrouturou

Nous pensons qu’il est important que l’Union européenne montre la voie, adopte un discours et des actes qui changent tout. Macron et Merkel insistent bien sur le fait que l’Europe mourra s’il n’y a pas de nouveau projet qui parle aux gens, à leur conscience et à leur intelligence, mais aussi qui change leur vie quotidienne. L’Europe est née avec le charbon et l’acier, et elle pourrait renaître avec un traité climat et emploi.

L’organisation du financement passerait par la création de nouveaux outils et de nouvelles institutions ?

Concrètement, nous proposons deux nouveaux outils de financement pour la transition dans l’Union européenne. Le premier serait une Banque européenne du climat et de la biodiversité. Nous ne parviendrons pas isoler le parc immobilier si on demande à chacun de payer entièrement l’addition. Il est choquant de constater qu’on n’a pas trouvé 7 milliards d’euros pour isoler des bâtiments alors même que l’on a prouvé que c’était rentable, qu’il n’y a jamais eu autant de liquidité, et que la BCE a créé 2 600 milliards d’euros en trois ans. Il faut que la collectivité soit à la fois capable de vous demander d’isoler les bâtiments et de s’engager à régler la moitié de la facture. Le second serait un budget européen, le Fonds européen climat et biodiversité. Ce budget a vocation à devenir un vrai plan Marshall pour l’Europe, l’Afrique et la Méditerranée.

Il fonctionnerait également comme un programme de recherche : si on a pu mettre des milliards pour Airbus ou pour Ariane, sommes-nous capables de mettre des milliards pour inventer la voiture ou l’ordinateur du futur ?

Comment la Banque européenne du climat peut-elle créer ces fonds, les allouer ? Aura-t-elle sa totale indépendance ou bien sera-t-elle une branche de la BCE ?

On est courageux mais pas téméraires : on ne touchera pas à la BCE. Elle doit s’interroger sur ses pratiques ; mais nous restons des gens raisonnables qui ont envie de gagner la bataille dans l’année qui vient. Néanmoins, un rapport encourageant, voté à l’unanimité par le Parlement européen, affirme que la BCE ne doit pas être dans un univers hors sol en ce sens qu’elle doit aussi contribuer, avec l’ensemble des institutions européennes, à la mise en œuvre de l’Accord de Paris de 2015.

Quand le Mur de Berlin est tombé en 1989, Kohl et Mitterrand ont compris en six mois seulement qu’il fallait créer un outil pour financer une transition pour la Pologne, la Tchécoslovaquie et la Hongrie. Ils ont compris que ces systèmes allaient s’effondrer s’il n’y avait pas une aide financière puissante, efficace et durable, ce qui a mené à la création de la BERD (Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement) en quelques mois à peine. Nous proposons ainsi de renforcer le groupe BEI (Banque Européenne d’Investissement) sans toucher à la BCE.

Selon quel principe le financement de cette banque sera-t-il réparti entre les États ?

Le principe est simple : quelques milliards de fonds propres sont déposés au démarrage, avec pour obligation de prêter à chaque État membre une enveloppe de 2 % de son PIB à taux zéro chaque année — le chiffre de 2 % étant indicatif. Chaque secteur (bâtiment, agriculture, transports en commun, énergie, etc.) sait qu’il recevra de l’argent chaque année et tout le monde pourra se mettre au travail selon un cahier des charges précis.

Une banque peut faire des prêts beaucoup plus importants que le capital apporté initialement. De mémoire, la KfW, une grande banque qui agit aussi un peu pour le climat en Allemagne, dispose de 27 milliards d’euros de fonds propres sur un bilan de 480 milliards au total, c’est-à-dire l’ensemble des prêts qu’elle a accordés.

Comment s’assurer que ces prêts irriguent l’économie réelle et non la spéculation ?

La Banque européenne du climat et de la biodiversité aurait ses propres statuts et aurait pour obligation de financer 6 ou 7 chantiers, par exemple le logement, les transports en commun, ou bien les énergies renouvelables. Chaque pays ne pourrait utiliser cet argent qu’à cette fin et à aucune autre.

Les gens de la BCE ne sont pas stupides. La BCE est parfaitement au courant qu’une énorme partie de l’argent injecté via le quantitative easing n’a pas financé l’économie réelle : nous avons calculé que seulement 11 % de l’argent ayant été mis sur la table a effectivement alimenté cette dernière, le reste ayant servi à la spéculation. Ce n’est pas étonnant : si on laisse les banques libres, entre un gain de 3 % par an dans l’économie réelle, nécessitant un vrai travail d’identification des projets rentables, et un gain de 15 à 20 % sur les marchés financiers, seule une partie marginale ira dans la première catégorie. Quand Wolfgang Schäuble quitte le Ministère des Finances il y a un an pour aller au Bundestag, il fait la une du Financial Times en traitant la BCE de pyromane nous préparant une crise financière terrible. Mario Draghi ne répond pas tout de suite — on est entre gens polis — mais, quelques temps plus tard, il répond avec Benoît Coeuré en affirmant qu’il serait bien que les gouvernements réalisent davantage d’investissements publics.

Dans la perspective où l’Europe choisit de réguler sérieusement son activité économique, comment pourrait-on s’assurer qu’il n’y ait pas un déplacement des émissions du CO2 en dehors de l’Union ?

Si l’Europe lançait cet énorme plan d’investissement, c’est entre 10 et 14 % des émissions de CO2 de la planète qui seraient couvertes. Le Japon pourrait aussi nous rejoindre. Avec Trump et Bolsonaro, cela sera effectivement impossible. On peut d’ailleurs prédire en ce sens qu’il ne se passera rien de décisif à la prochaine COP, pas plus qu’au G7 ou au G20.

Si l’Europe lançait cet énorme plan d’investissement, c’est entre 10 et 14 % des émissions de CO2 de la planète qui seraient couvertes.

Pierre Larrouturou

Nous faisons le pari que si l’Europe, première puissance économique mondiale [ndlr : deuxième puissance économique mondiale, l’Union est le plus grand marché], montre que l’on peut vivre bien, que ce n’est pas antisocial, que cela ne va pas détruire l’emploi – alors même que nous sommes dans un moment où la croissance peut chuter n’importe quand du fait d’une crise financière – cela va marcher. Chacun de nous verra sur sa facture de chauffage qu’il y gagne très concrètement.

À court et moyen terme, quels sont les pays qui, selon vous, tiendront compte de cet exemple européen ?

Au Japon, la question du climat est en train de monter politiquement : l’été dernier se sont produits une canicule monstrueuse, des inondations et un typhon qui ont provoqués des dizaines de morts et ravagé la vie de milliers de personnes. Et eux aussi ont une banque centrale qui crée beaucoup trop d’argent. Nous faisons donc le pari d’un effet domino si l’Europe montre la voie. Ensuite nous espérons que la Chine suivra, et que celui ou celle qui remplacera Donald Trump à la Maison Blanche fera de même.

Sur un autre plan – la sphère législative – comment peut-on concrètement implémenter ce Pacte Finance Climat ? Par quels moyens institutionnels envisageriez-vous notamment de procéder ?

Trois voies sont possibles. Le premier scénario, auquel personne ne croit, c’est l’unanimité. Le deuxième scénario, c’est une coopération renforcée, pour laquelle il faut au moins neuf pays. Le troisième, c’est un mécanisme qui a été utilisé pour Schengen ou pour le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Beaucoup de gens nous font croire que l’Europe est impossible à bouger parce qu’il faut l’unanimité — c’est le cas de Mme Le Pen et de M. Mélenchon, que je ne mets d’ailleurs pas dans le même sac — et nous sommes des millions à le croire. Mais la réponse est non : Schengen a commencé à cinq pays, et maintenant nous sommes 26. On a donc plusieurs moyens juridiques et politiques d’y arriver.

Quels États européens pourraient faire partie de cette coopération renforcée ?

Nous faisons donc le pari qu’il faut proposer cela à tous les pays. Le Pacte Finance Climat peut séduire plus de personnes qu’on ne le pense. Par exemple, avec la façon dont la ville de Rome a été rationnée en eau il y a 18 mois, Salvini serait sûrement favorable à cette initiative. Il devra admettre que l’Europe est utile, quand bien même il passe son temps à la critiquer.

Comment inviter les populations à se prononcer ?

Nous reprenons en cela l’idée d’Habermas qui, certes, sur un autre plan de revendication, avait dit il y a quatre ans que l’Europe allait mourir si elle n’avait pas un nouveau projet et si elle continuait à avoir peur des peuples1. Selon lui, le prochain traité devrait être approuvé par un référendum paneuropéen, un référendum qui aurait lieu le même jour dans tous les pays d’Europe. Cela aurait de l’allure que, la même semaine, tous les peuples d’Europe s’affirment vis-à-vis de ce sujet.

Le référendum a parfois la réputation de « se faire » sur des questions de politique interne de chaque État. Est-ce le meilleur outil ?

Ce ne serait pas un référendum pour ou contre Macron, pour ou contre Merkel, pour ou contre Salvini. Tous les peuples d’Europe seront la même semaine invités à dire s’ils veulent ou pas prendre part à ce premier cercle s’engageant pour le climat, et à débattre sur nos modes de vie. Si je vote oui, il faut peut-être que je fasse attention à ne pas prendre l’avion pour mes loisirs, ou que j’arrête de manger de la viande tous les jours.

Aujourd’hui, en cas de référendum paneuropéen, quel résultat vous semble probable ?

Peut-être qu’on aura des surprises. Il sera difficile de dire non à un traité qui vous donne des financements pour vivre mieux, pour respirer un air moins pollué et pour créer des emplois. Pour dire non à cela, il faut vraiment être buté.

Au regard du soutien apporté à votre projet de Pacte Finance Climat par une grande diversité d’individus et de sensibilités politiques, comment expliquez-vous que les gouvernants n’aient pas d’ores et déjà placé le Pacte au centre de l’arène publique et médiatique ?

C’est effectivement troublant d’observer cette inertie de nos dirigeants. Mais cela fait deux siècles que cette inertie existe. Ceux qui se battaient pour le droit de vote en général — puis des femmes ou des noirs — ont dû y faire face. Lors de la proposition de Jules Ferry, certains demandaient encore 20 ou 30 ans afin de continuer à avoir des enfants dans les fermes et les usines pour assurer la prospérité. C’est pour cela qu’on essaie de construire en Belgique et en France, un lobby citoyen.

Qu’appelez-vous un lobby citoyen ?

On ne peut pas se contenter de dire que la planète brûle. Les citoyens et les ONG sont d’accord pour se donner des revendications précises, pour que les responsables politiques s’emparent du projet. Notre but est que dans six mois, dans un an, Merkel, Macron et les autres signent ce traité.

Nous avons besoin de citoyens. Je suis heureux de vous rencontrer non pas pour faire une conférence mais pour trouver des alliés. Ce sont des jeunes qui ont lancé l’idée des manifestations. Il n’y a pas un gramme de violence et, en quelques semaines, la classe politique s’est mise en mouvement. Quand le Mur de Berlin est tombé, si on avait attendu les ministres et les chefs d’État, le Mur serait encore là.

Ne peut-on pas avoir l’impression que le Pacte Finance Climat — et plus généralement les discours politiques — se concentrent surtout sur le problème des émissions de CO2 ?

La question du climat est plus visible, mais l’effondrement de la biodiversité est tout aussi préoccupant. Il faut aider l’agriculture à changer de modèle en prenant exemple sur les exploitants déjà engagés dans la transition. De passage à la ferme du Bec-Hellouin2, j’ai vu comment une terre très pauvre peut abriter une biodiversité fabuleuse, fixer du carbone, et donner des rendements comparables aux terres les plus fertiles. Il faudrait davantage donner la parole aux spécialistes, et surtout arrêter de bétonner les terres.

Comment abordez-vous la question de la croissance économique ?

Nous devons accepter de rompre avec l’idée d’une croissance infinie, qui amène à se demander si tous ceux qui ont une « grosse voiture au pétrole » remplaceront bientôt par une « grosse voiture électrique. » La réponse est non : il y a besoin de sobriété et de frugalité quand, aujourd’hui, on jette sa chemise au premier fil qui dépasse.

Vous parlez d’arrêter de penser en termes de « croissance infinie. » Pour autant, on parle toujours de « rentabilité », de « retour sur investissement » — même en écologie. Est-ce simplement un moyen de mobiliser les acteurs économiques, notamment privés, ou pensez-vous que l’on peut effectivement penser une forme de croissance verte ?

L’expression « croissance verte » est ambigüe. On a l’impression que l’on continue sur le même modèle en mettant un peu de verdure. Mais ce n’est pas le cas. De nombreux ministères pensent à tort que la croissance seule est la solution, mais pour le plus grand nombre, le progrès ne s’arrête pas à cela. Au lieu d’objectifs de croissance en taille, il faut plutôt penser en termes de relations, d’interactions. C’est ce que montrait déjà Jacques Delors en 1970 avec ses Indicateurs sociaux3  : le PIB ne veut rien dire, des activités qui détériorent le bien-être des populations peuvent très bien faire augmenter le PIB. Il faut donc d’autres indicateurs, qui s’accroissent si les gens ont un travail correct pas trop loin de chez eux, un logement décent, un accès à la culture, et ainsi de suite.

Nous devons inventer très vite un modèle de prospérité sociale sans croissance, qui permettrait d’aller vers le plein emploi, avec un revenu correct pour le plus grand nombre. L’un des leviers pour y parvenir est le Pacte Finance Climat.

Le changement de paradigme socio-environnemental que vous prônez nécessite, du même coup, une évolution des indicateurs économiques et sociaux… Que pensez-vous à cet égard du retour du concept de « décroissance » ?

La croissance n’est plus la solution, mais cela ne veut pas dire qu’il faut prôner la décroissance à tout prix. Edgar Morin dit qu’il y a des choses qui doivent croître : le nombre de gens bien dans leur peau, qui ont un revenu acceptable et un logement décent. Mais il y a d’autres choses qui doivent décroître : notre consommation d’énergie, de viande, d’anxiolytiques et nos émissions de gaz à effet de serre.

Nous devons inventer très vite un modèle de prospérité sociale sans croissance, qui permettrait d’aller vers le plein emploi, avec un revenu correct pour le plus grand nombre. L’un des leviers pour y parvenir est le Pacte Finance Climat.

Pierre Larrouturou

Ces nouveaux indicateurs doivent servir de base décisionnelle aux dirigeants de nos pays. La relation entre croissance et progrès socio-économiques n’est au mieux qu’une relation médiate et insuffisante. Conserver le PIB comme critère principal de décision ne fera pas le bonheur des peuples.

Sources
  1. Jurgen Habermas, “Democracy in Europe : Why the Development of the EU into a Transnational Democracy Is Necessary and How It Is Possible”, European Law Journal, 21:4, 2015
  2. Ferme créée en 2007, mettant en application les méthodes de la permaculture.
  3. Cet ouvrage publié en 1971 par Jacques Delors recense une vingtaine d’indicateurs nécessaires pour évaluer le bien-être d’un pays au-delà de son PIB.