Davos. L’orateur chinois qui aura marqué cette année le Forum Économique Mondial se nomme Fang Xinghai. Vice président de l’agence chinoise de régulation des titres financiers (CBIRC), il n’est pas un politique de premier plan (2), mais sa courte intervention lors d’un débat consacré à la “chute de l’ordre mondial” a sonné comme un moment d’affirmation des ambitions chinoises.

Interrogé sur la crise du multilatéralisme, Fang Xinghai a mis en cause la fragilité des systèmes politiques occidentaux. “La plus grande cause [de la crise] est que vous, pays occidentaux, faites face à de grandes difficultés politiques : la démocratie ne fonctionne pas très bien, vous devez réaliser cela”, déclara-t-il avant d’ajouter qu’“une réforme politique est nécessaire dans vos pays. Je vous le dis vraiment en toute sincérité” (3).

S’il n’est pas inhabituel qu’un officiel chinois désamorce de la sorte les critiques contre le caractère autoritaire du régime, personne dans l’assistance ne s’attendait à se voir proposer en exemple un modèle de “démocratie consultative” chinoise (1) : “Vous pensez que notre président prend toutes les décisions par lui même et ne consulte personne mais il n’y a rien de plus faux. […] Nous accordons une grande importance à ce que nous appelons “consultation”. Une véritable “démocratie consultative” fonctionne et vous ne le voyez pas. La plupart d’entre vous ne daignent même pas l’étudier. Sans doute pourtant avez-vous quelque chose à en apprendre. Vraiment, je vous exhorte à mener votre propre réforme politique !”

Le ton adopté par Fang Xinghai révèle l’assurance d’une Chine sûre de la viabilité de son système politique, dont les procédures de légitimation et de décision fonctionnent sans nul doute “d’une manière un peu différente” mais “[qui] parvient aux résultats mêmes que les démocraties occidentales essaient d’atteindre”. La Chine se propose comme exemple au monde, et propose par la même occasion une nouvelle vision du multilatéralisme comme “communauté d’intérêts partagés” agnostique quant au régime politique de ses membres. Pour la Chine de Fang Xinghai, ce qui compte est la capacité de ses partenaires commerciaux à mener une politique rationnelle et modernisatrice, et la démocratie libérale n’a pas prouvé à ses yeux une grande capacité à assurer l’une ni l’autre.

*Cette brève est un extrait de notre Perspective sur l’Actualité sur Davos “Le crépuscule du néolibéralisme”.

Perspectives :

  • Depuis le discours du Président Xi au 19e Congrès du PCC, qui invitait les pays en développement à s’inspirer de la Chine, le modèle « démocratique » chinois est de plus en plus mis en avant face au public international.
  • La critique de la démocratie libérale à Davos au moment même d’une crise politique à Washington comprend une part évidente de provocation. Il s’agit de détacher le multilatéralisme du cadre idéologique de la démocratie libérale.
  • Pour autant, le multilatéralisme à la chinoise reste ambigu : le non-respect de la propriété intellectuelle, le statut de pays en développement, l’introduction du commerce numérique dans le cadre de l’OMC sont autant de points de friction entre les institutions multilatérales et le modèle de développement chinois.

Sources :

  1. THAROOR Ishaan, The Lesson of Davos, China Has Arrived, The Washington Post, 25 janvier 2019.
  2. WILDAU Gabriel, China securities regulator taps Stanford graduate Fang Xinghai, The Financial Times, 21 octobre 2015.
  3. XINGHAI Fang, Verbatim du discours de Fang Xinghai à Davos, 23 janvier 2019.

Benjamin Carantino