Venise. La visite de Viktor Orbán en Italie le 28 août l’a confirmé : Matteo Salvini, leader de la Ligue italienne et ministre de l’Intérieur, est la nouvelle étoile montante de la galaxie souverainiste européenne (4). Si le soutien du Premier ministre hongrois renforce la position de Salvini sur la scène politique européenne, en Italie, le leader de la Ligue semble déjà être sans égal : selon les derniers sondages, la Ligue serait à environ 30 pour cent dans les sondages et à un pas de devenir le premier parti italien (2).

Et pourtant, l’opposition à Salvini semble venir de l’intérieur. Ces derniers mois, Luca Zaia, gouverneur de la Vénétie, ancien ministre et l’un des membres les plus éminents de la Ligue, a donné des signes de désaccord avec certains des choix gouvernementaux soutenus par Salvini. Le dernier épisode est la proposition de nationaliser les autoroutes après l’effondrement du pont Morandi à Gênes, que Zaia a qualifié de « suicide » (3). Mais le politicien vénitien s’était déjà fait connaître dans le passé pour la critique du revenu de citoyenneté, l’une des principales propositions du Mouvement Cinq Etoiles, alliés de la Ligue.

Le différend – qui reste pour l’instant discret, comme en témoigne l’atmosphère cordiale lors d’une récente rencontre entre les deux hommes à Venise (5) – n’est pas seulement une affaire interne entre deux politiciens de haut niveau, mais il est significatif d’un affrontement plus large : celui entre deux mouvances internes à la Ligue. D’une part, la « nouvelle Ligue » salviniste, lepéniste et nationaliste, qui a du succès dans les bureaux de vote ; d’autre part, la Ligue plus traditionnelle, autonome et régionaliste, caractérisée par une base électorale composée de petits et moyens entrepreneurs et des industriels du Nord (1). Bien que cette dernière voie une réduction de son influence dans le parti, elle jouit encore du soutien de beaucoup d’électeurs dans la « base » et de beaucoup de politiciens locaux, dont Zaia est le principal représentant, qui lui assurent toujours dans les urnes la majorité des voix. Pour l’instant, les différences ne sont pas apparues trop violemment, et la coexistence des deux mouvances continue : le leadership de Salvini n’est pas remis en question, surtout grâce à sa capacité à « dominer l’agenda ». Cependant, le récent mécontentement des entrepreneurs contre les politiques économiques du gouvernement, dont Zaia est devenu le porte-parole, suggèrent que le ministre de l’Intérieur ne peut pas se permettre, du moins pour le moment, d’abandonner complètement leurs revendications.

Les deux positions sont cependant destinées à diverger à long terme : Zaia et la base électorale qui le soutient sont sceptiques à l’égard du « bloc souverain » et partisans d’une alliance modérée de centre-droit avec Forza Italia, avec laquelle la Ligue gouverne au niveau local depuis des années. C’est précisément sur ce point que l’affrontement risque de surchauffer dans les mois à venir. Il est difficile, à ce jour, de croire que Zaia est capable d’obtenir le meilleur de Salvini. Cependant, il peut être en mesure de réduire sa liberté d’action, surtout si le leader de la Ligue commence à perdre son soutien.

C’est pourquoi, selon des sources exclusives de la Lettre, une nouvelle possibilité émerge dans l’entourage de la Lega. Selon l’accord gouvernemental avec le Mouvement Cinq Étoiles, ce serait à la Ligue – un parti plus institutionnel avec plus d’expérience à Bruxelles-  de choisir le prochain commissaire européen italien. Ainsi, la solution pour Salvini serait de suivre la règle latine de promoveatur ut amoveatur  (« qu’il soit promu pour qu’il soit enlevé ») : nommer Zaia à Bruxelles, l’éloigner du territoire national – et peut-être l’entourer de ses hommes de confiance. Une possibilité qui, pour l’instant, n’est encore qu’une suggestion. Mais, du fait des luttes de pouvoir internes du bloc souverain, cela pourrait ne pas tarder à devenir une réalité.

Perspectives :

  • Septembre – Octobre 2018 : la résistance du gouvernement Ligue – Mouvement 5 Étoiles et la valeur de ses mesures économiques subiront leur premier grand test, avec la proposition de la première loi de budget.
  • 5 Septembre : le tribunal de révision de Gênes doit se prononcer sur la demande du Procureur général de pouvoir confisquer toutes les sommes qui à l’avenir arrivent sur les comptes courants de la Ligue jusqu’aux 49 millions d’euros que, selon un jugement de première instance du même tribunal, la Ligue a obtenu frauduleusement entre 2008 et 2010. Une décision positive signifierait des difficultés majeures pour la survie du parti.

Sources :

  1. ALLEGRANTI David, Front Régional / Front National, Le Grand Continent, 18 novembre 2017.
  2. ANANIA Francesco, VENA Emanuele, Sondaggi politici elettorali – Confronto e media Luglio, Termometro Politico août 2018.
  3. BONET Marco, Zaia : « No alle autostrade statali. Sarebbe un suicidio », Corriere del Veneto, 23 août 2018.
  4. GAGLIARDI Andrea, Orban incontra Salvini : « Fermare l’immigrazione è possibile ». Sinistra in piazza, Il Sole 24 Ore, 28 août 2018.
  5. Pedemontana, firmato il protocollo. Zaia : « I pedaggi alla Regione, ecco come sarà gestita », Il Gazzettino, 30 août 2018.